Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

communisme

Le terme a essentiellement trois contenus. Il définit un régime social caractérisé par l’appropriation collective des biens et l’absence de toute propriété privée ; une doctrine économique, politique, idéologique tendant à l’instauration du régime communiste ; un mouvement historique désignant une des principales tendances du mouvement ouvrier international depuis le xixe s. et l’histoire des pays qui ont adopté un régime communiste.


Même si l’on rencontre dès l’Antiquité (Platon) et tout au long de l’histoire (Thomas More, Campanella) des doctrines collectivistes ou communautaires, la doctrine communiste proprement dite, le mouvement communiste et surtout les régimes communistes sont des phénomènes récents, apparus en réaction aux difficultés et aux contradictions engendrées par le capitalisme.


Les sources du communisme

C’est à l’extrême fin du xviiie s. et au début du xixe qu’apparaissent les premiers doctrinaires modernes du communisme. En France, Babeuf* est l’instigateur de la « conjuration des Égaux » (1796). Malgré son échec, cette révolte a une très grande importance : c’est la première fois qu’un groupe nettement communiste affirme la nécessité de prendre le pouvoir par la force et d’instaurer provisoirement une dictature populaire.

Dans la première moitié du xixe s., les idées communistes se répandent dans la classe ouvrière et présentent une originalité indiscutable par rapport au courant socialiste. « Le socialisme était un mouvement des classes moyennes, le communisme, un mouvement de la classe ouvrière » (F. Engels, Introduction au Manifeste du parti communiste). Après Owen* (1771-1858) et Fourier* (1772-1837), les penseurs socialistes comptent dans leurs rangs les grands noms de V. Considérant (1808-1893), de Louis Blanc* (1811-1882), de Proudhon* (1809-1865), plus tard de Saint-Simon* (1760-1825) ; Cabet en France et Weitling en Allemagne développeront la doctrine communiste qui inspirera l’activité des sociétés secrètes animées par Blanqui* et Barbès en particulier, la Société des saisons en France, la Ligue des justes (Bund der Gerechten) en Allemagne, créée après 1835 et fréquentée par Marx. En 1842, « le communisme est devenu en Allemagne la question du jour » (Bruno Bauer).


Le communisme à l’étape de la Ire Internationale

Si le communisme est lié indiscutablement à l’effort d’organisation du mouvement ouvrier, celui-ci ne commence à s’y rallier massivement, en lui préférant d’autres doctrines (socialisme et anarchisme), que grâce à l’intervention idéologique et politique de Karl Marx*.

Le rôle de Marx est double et décisif : il forge une doctrine qui se veut à la fois une analyse scientifique de la société capitaliste, de ses contradictions, et un programme d’action ; il intervient politiquement pour diffuser cette analyse et son programme de transformation sociale dans les organisations ouvrières, en particulier au sein de la Ire Internationale*. Il dessine ainsi la double mission idéologique et politique du mouvement communiste : « Passer de l’arme de la critique à la critique des armes. »


Extension du communisme : les sections de la Ier Internationale

À l’époque de la Ire Internationale*, née en 1864 à Londres, le communisme (marxiste) n’est encore qu’une tendance, et parmi les moins assurées, du mouvement ouvrier, et la dénonciation amère de l’anarchiste James Guillaume n’est pas dénuée de vérité : « Marx est venu, comme le coucou, pondre ses œufs dans un nid qui n’était pas le sien. »

Il n’empêche que le combat mené par Marx contre d’autres factions sera victorieux et que, pour cette raison, on peut, à bon droit, identifier les progrès de l’implantation des sections de l’Internationale avec les progrès du communisme, même si ceux-ci ne se feront sentir que beaucoup plus tard.

Très faible au début, limitée à l’Angleterre et à la France, l’audience de l’Internationale se développe de 1868 à 1870, après la grave crise économique de 1867 en Belgique, en Espagne, en Italie, en Autriche, au Danemark, en Suisse ; l’organisation noue des liens avec les mouvements ouvriers d’Allemagne (par l’intermédiaire d’August Bebel et de Wilhelm Liebknecht) et des États-Unis (National Labor Union).


La lutte entre communistes et anarchistes

Le communisme, au sein de la Ire Internationale, doit s’imposer dans une lutte sans répit contre la tendance la plus puissante du mouvement ouvrier, l’anarchisme*.

• Les thèmes de la lutte. L’opposition entre communisme et anarchisme est d’abord idéologique. Marx a soutenu contre Proudhon le primat de l’économie sur l’idéologie. Proudhon, en effet, dans le Système des contradictions économiques ou la Philosophie de la misère (1846), a exposé que les rapports économiques ne sont que l’expression du droit et des idées dominantes. La propriété, par exemple, n’a pas son enracinement dans une structure économique et sociale, mais elle est fondée sur une idée qui s’est imposée par la violence : « La propriété, c’est le vol. »

Marx lutte contre Proudhon non seulement parce que celui-ci renoue avec l’hégélianisme, avec lequel il a lui-même rompu, mais surtout parce que cette conception nourrit des illusions réformistes sur les possibilités d’une réorganisation du crédit, d’une politique des prix et de la monnaie, d’une mise en place d’associations ouvrières dans le cadre même du régime capitaliste.

Le deuxième point de divergence concerne la lutte politique. Du fait de l’importance qu’ils donnent à l’idéologie, les anarchistes accordent une importance identique à la lutte individuelle et à la lutte collective ; ils privilégient — démesurément aux yeux de Marx — le complot, ce qui les rend proches des blanquistes. « 10, 20 ou 30 hommes bien entendus et bien organisés entre eux et qui savent où ils vont et ce qu’ils veulent en entraînent facilement 100, 200, 300 et même davantage [...] », écrit Bakounine. Marx s’en prend à cet individualisme qu’a justifié un des premiers théoriciens anarchistes, Max Stirner, dans son œuvre l’Unique et sa propriété (1845). Il en dénonce les conséquences pratiques : refus des luttes politiques et du primat de la lutte politique — de la lutte contre le pouvoir d’État — sur les luttes économiques. « Ne dites pas que le mouvement social exclut le mouvement politique, il n’y a jamais de mouvement social qui ne soit politique en même temps. »