Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

communication (suite)

Entre ces deux limites de la télécommunication et de la communication inconsciente aura donc à se définir la communication dans les groupes restreints. Elle se délimitera, du côté de la communication inconsciente, par la mise hors circuit du processus de l’identification symbolique présidant à la constitution même du groupe social, l’intérêt se déplaçant vers les conditions transitoires qu’imposent à la circulation et à l’organisation des symboles les positions relatives des membres du groupe ; du côté de la télécommunication, par la restriction du champ d’expériences au système d’interactions où les individus sont intégrés par une tâche commune.

Dans cette optique, l’ordre historique rejoint l’ordre des problèmes. Si une théorie des réseaux de communication a pu se développer, c’est en effet dans la mesure où la structure de la personne assignée par Freud au niveau de la seconde topique lui a fourni son premier noyau. Du sur-moi freudien, la transition se fera au « leader » de K. Lewin, étudié en ses diverses positions par rapport au flux des communications de groupe ; de ce rôle privilégié, à une représentation généralisée des « cellules » de communication ; ainsi le relais pourra être pris avec la théorie des réseaux et structures inaugurée par A. Bavelas en 1948, renouvelée par C. Flament depuis 1956.


Du leadership à l’information

Le problème initial est méthodologique : comment apprécier le mode d’action d’un leader dans un groupe ? Lewin établit le bilan des communications échangées, en les affectant d’un sens. Un type de figuration analogue avait été sans doute appliqué par Moreno aux choix sociométriques. Mais il est ici étendu à toutes les formes d’approche et prend valeur de symptôme dans l’expression de la vie du groupe. Le foyer d’identification psychanalytique sera dès lors assimilé au foyer d’induction constitué par le leader. Celui-ci, privilégiant certaines conduites dont l’accomplissement garantira aux sujets leur statut, fixe en cette direction certains cheminements. Ainsi on pourra caractériser les atmosphères démocratique et autoritaire par les maximes dont se réclameront les membres du groupe en vue d’acquérir l’identité qui les y intègre. Plus précisément, sur le modèle du « chemin le plus court de satisfaction » est ainsi défini le « chemin le plus court vers la reconnaissance sociale ». La représentation en sera assurée par le moyen de la géométrie « hodologique », fondée sur une « métrique psychologique » d’esprit relativiste. En bref, l’établissement du bilan des échanges soutient l’assignation d’une structure globale des communications.

Mais le concept d’induction peut être précisé, et avec lui le concept de communication. Le leader, dont la position a été assimilée à celle du modèle de l’identification, délimite une région dans le champ psychosocial. Lui imputer un certain type d’influence, c’est reconnaître qu’un processus affectant une région donnée du champ peut en affecter n’importe quelle autre. Une relation de ce type concernera sans doute tout aussi bien la dépendance réciproque des systèmes personnels, en tant qu’elle donne la mesure de la différenciation et du degré d’intégration d’une totalité dynamique. Mais elle s’y appliquera précisément dans la mesure où elle permet de caractériser dans sa généralité le processus de communication. Dans cette vue, Lewin s’est appuyé à la détermination de la notion de « cellule » proposée par O. Veblen (1880-1960) dans son ouvrage de 1922, Analysis Situs. Par exemple, nous entendrons par degré d’indépendance d’une cellule c par rapport à une cellule n la force de la frontière fonctionnelle de c par rapport à n, c’est-à-dire du degré de résistance à son influence. Il sera aisé alors de montrer que le degré d’unité d’une totalité dépend du groupement des cellules, et plus précisément du nombre minimal de frontières traversées par un cheminement d’une cellule à l’autre : représentation équivalente à celle de la « distance » dans l’espace hodologique.


Réseaux et structures

Les instruments étaient ainsi définis d’une systématisation d’ensemble des processus de communication dans les petits groupes. C’est néanmoins à un aspect particulier que s’est attaquée la recherche contemporaine dans son étude des réseaux et structures de communication.

En vue de déterminer par quelles voies s’opèrent les communications entre les individus ou les groupes, Lewin se plaçait dans une perspective dynamique. Autrement dit, et pour les théoriciens de la Forme (v. Gestalttheorie), il se donne au départ l’exigence d’un certain équilibre entre les motivations internes des sujets, les valeurs dont ils se réclament, les fins qu’ils poursuivent. Et il s’emploie à décrire les chemins selon lesquels ces différents facteurs convergent en un processus d’ensemble. Quant aux conditions matérielles de réalisation du processus, elles n’interviendront que pour limiter le champ des possibilités déterminées par les lois psychologiques.

Une recherche inverse est cependant concevable, qui tente de préciser les effets des contraintes s’exerçant sur les processus du fait de leurs conditions préalables de réalisation. Par exemple, ainsi que le notait A. Bavelas (« Réseaux de communications au sein des groupes placés dans des conditions expérimentales de travail », dans les Sciences de la politique aux États-Unis, 1951), « quand la nature d’un travail est telle qu’il doive être effectué collectivement ou est confronté au problème des rapports entre les membres du groupe, un aspect important de ces rapports est celui de la communication et de l’échange des renseignements : les chances du succès dépendent alors de leur facilité d’échange. Sans doute les réseaux d’interaction qui alors émergent et se stabilisent sont-ils le produit du processus social à l’intérieur du groupe. Mais, dans la plupart des organisations, le maintien des réseaux de communication imposés et présumés optimaux est considéré comme l’une des principales clefs d’un rendement efficace. »