Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commune médiévale (suite)

Il existe dans leur rédaction des différences parfois considérables qui traduisent souvent le plus ou moins grand degré d’autonomie interne des communes bénéficiaires, les Établissements de Rouen laissant par exemple au roi le droit de nommer le maire (maieur, du lat. major), alors que dans d’autres villes cette désignation est réservée au collège des échevins. Mais, dans l’ensemble, leurs clauses reconnaissent aux communes des privilèges analogues en matière juridique, administrative, judiciaire, fiscale et même militaire. Érigée en communauté de droit public, la commune est, en effet, dotée normalement par sa charte d’une municipalité constituée d’échevins élus par un système de cooptation ou de désignation par un collège restreint qui permet aux membres d’une même famille de se perpétuer au pouvoir parfois pendant plusieurs siècles, tels les Lantier, qui sont représentés sans interruption à l’échevinage d’Arras de 1111 à 1395. Présidés par un maire aux pouvoirs relativement restreints, secondés par des jurés également élus et de même nombre qu’eux (douze le plus souvent), prenant appui, enfin, sur l’Assemblée des chefs de famille (à Rouen les Cent Pairs) et théoriquement sur l’Assemblée générale des bourgeois (en Italie, le parlement) qui se réunit une fois chaque année pour contrôler leur gestion, les échevins constituent le véritable gouvernement de la commune, qui détient le ban, c’est-à-dire la puissance publique.

Aussi exercent-ils, au nom de la commune, les privilèges qui sont reconnus à cette dernière en matière judiciaire (maintien de la paix, prise de gages, litiges commerciaux), financière (perception des revenus du domaine urbain, des taxes frappant ses habitants), administrative (travaux d’utilité publique, entretien de la voirie, maintien de l’ordre), militaire (construction de remparts, mise en place d’un service de guet, d’une milice urbaine, etc.). Symboles de ces privilèges qui fondent son autonomie, le beffroi, qui domine la maison de ville en France du Nord, les clés et le sceau, qui est l’instrument de juridiction gracieuse de la commune, facilitent l’insertion de cette dernière dans la hiérarchie féodale, au sein de laquelle elle est considérée comme un vassal collectif dont elle peut remplir toutes les obligations : aide aux quatre cas, service d’ost et de conseil grâce à ses ressources financières, grâce à sa milice, grâce à ses échevins. Par là, comme le souligne Jean-François Lemarignier, « la ville, née d’un mouvement étranger au monde féodal [...] a fini [...] par s’imposer si bien à [lui] qu’elle s’est intégrée dans ses structures ».


Étapes du mouvement communal

C’est en Italie que se sont formées les premières coalitions entre groupes sociaux différents visant à accaparer le pouvoir municipal. Celles-ci réussissent d’abord dans les villes lombardes, où la noblesse urbaine et les maîtres de métiers s’associent pour élire des consuls ou des judices et pour constituer ainsi une « cour communale » recrutée en leur sein. Parti de Crémone en 1030 et de Milan en 1044, le mouvement conquiert la quasi-totalité des villes lombardes, ligures et toscanes entre 1090 et 1105 à deux exceptions notables près, celle de Sienne et surtout celle de Florence, où la constitution d’une première commune ne date respectivement que de 1125 et de 1138.

Plus divers en France et dans les pays rhénans, le mouvement communal échoue souvent en raison soit de la faiblesse de l’artisanat local (Le Mans, 1069), soit du refus de l’aristocratie urbaine de lui accorder son soutien (Worms en 1073 ; Cologne en 1074 ; Cambrai en 1077). Dans la majeure partie des cas, l’échec est dû à l’hostilité de l’Église, d’autant plus nette qu’elle ne dispose pas des moyens militaires adéquats de faire respecter son autorité. Initialement hostiles, les seigneurs laïcs, mieux assurés de leurs forces, n’hésitent pas à accorder par chartes de larges franchises aux communes, en particulier en matière juridique, économique et politique. Les plus puissants d’entre eux (les rois de Castille, d’Angleterre et surtout de France) les leur concèdent encore plus facilement, mais en échange d’une participation active à la défense du royaume (présence des milices communales à Bouvines en 1214) ainsi que du versement d’une somme plus ou moins élevée qui en rétribue la concession.


Les types de communes

En fait, en raison de l’extrême diversité des conditions offertes à son épanouissement, le mouvement communal n’est pas également achevé dans toute l’Europe à l’aube du xiiie s., et il est possible de distinguer entre ses villes marchandes quatre niveaux hiérarchiques en fonction du degré d’autonomie plus ou moins grand atteint par chacune d’elles.

Les plus évoluées sont les communes italiennes. L’affaiblissement presque total du pouvoir impérial, la disparition consécutive de ses agents, enfin l’appui d’une noblesse établie en ville ont permis la constitution dans la péninsule de véritables seigneuries urbaines pratiquement souveraines en matière politique et judiciaire, à l’intérieur desquelles les aristocraties foncière et marchande accaparent, au profit de leurs intérêts personnels, les fonctions de consuls, ainsi qu’en témoigne le rôle dominant joué par les Alberti, les Guidi, les Pazzi à Florence et par les Spinola, les Doria et les Embriaci à Gênes.

Constituées plus tardivement (début du xiie s.), juridiquement et politiquement soustraites alors à l’autorité capétienne, les villes de Provence et du Languedoc n’ont pu conquérir qu’une large autonomie sous la direction de consuls peu nombreux (6 ou 8), élus par moitié par les marchands et par les chevaliers entre 1108 (Nice) et 1140 (Nîmes).

Dans les Pays-Bas et en France du Nord, cette autonomie se trouve encore réduite en raison de l’attitude des princes territoriaux (comte de Flandre, duc de Brabant, roi de France), qui limitent, par des chartes précises, les prérogatives communales à l’ordre municipal et privé, quand ils ne les abrogent pas sous le moindre prétexte, ce qui explique que leur nombre ne soit que de 39 au xiiie s.