Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Commune (la) (suite)

Ce qui reste de la Commune est installé à la mairie du XXe ; le quartier général est rue Haxo, à la cité de Vincennes. Le 26 mai, on y amène, évacué de la Roquette, un groupe de prisonniers : trente-cinq gardiens de la paix, onze prêtres et religieux et quatre mouchards. La foule surexcitée hurle à la mort. Varlin veut s’interposer : on le menace, on ne connaît plus personne. Les prisonniers sont poussés contre un mur, et les chassepots apaisent la colère d’une meute aux abois.

Le cimetière du Père-Lachaise constitue un bastion naturel dont la Commune a d’ailleurs négligé de créneler les murs et que fouillent les obus. Là se sont retranchés quelques centaines de communards, qu’assaillent de toutes parts les versaillais. Le samedi 27 mai, à 6 heures du soir, ceux-ci canonnent la grande porte du cimetière. Elle cède. Alors, sous la pluie, dans le crépuscule puis la nuit qui tombe, se déroule une bataille hideuse. Derrière les tombes bouleversées, on se fusille à bout portant, on s’étrangle en d’horribles corps à corps.

Au petit jour, le dimanche 28 mai, les généraux Vinoy et Louis Paul de Ladmirault lancent en avant leurs troupes, qui s’emparent, à 8 heures, de la mairie du XXe, à 9 heures, de la Roquette, qui lâche ses prisonniers. À 10 heures ne résiste plus — outre une barricade rue Ramponneau — qu’un carré de maisons autour de la barricade de la rue du Faubourg-du-Temple ; on se bat encore quelque temps rue Oberkampf, rue Saint-Maur, rue Parmentier. À 2 heures de l’après-midi, tout est fini. Seul le fort de Vincennes résistera encore 24 heures.


La répression

La répression, aidée par la délation (il y eut 400 000 dénonciations dont 20 000 signées), fut très dure.

On peut évaluer à 20 000 au bas mot le nombre de Parisiens (gardes nationaux en majorité) qui ont été tués au combat ou exécutés durant la semaine sanglante (les versaillais ont perdu un millier d’hommes).

La lutte terminée, le nombre de personnes arrêtées s’élève à environ 40 000. Elles sont acheminées vers Versailles, où elles sont accueillies par une foule haineuse. On parque les prisonniers dans les bâtiments publics et militaires et au camp de Satory, puis sur des pontons ou des îles fortifiées de la côte océane, où 1 200 périront. Les tribunaux militaires — dont la tâche se prolongera jusqu’à la fin de 1874 — prononceront 2 445 acquittements, 23 727 ordonnances de non-lieu comportant des détentions préventives de huit à neuf mois et 13 450 condamnations (dont 3 313 par contumace) : 268 à la peine de mort, les autres aux travaux forcés ou à la déportation, en majorité en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, des milliers de vaincus doivent s’expatrier : en Belgique, en Suisse, en Angleterre surtout. La plupart des proscrits profiteront de l’amnistie promulguée le 11 juillet 1880.

Dans les milieux conservateurs et cléricaux, la Commune est tout de suite et pour longtemps considérée comme un « mouvement séditieux » fomenté par « la racaille cosmopolite », par des hors-la-loi avides de sang et d’incendies. C’est « la guerre servile après la guerre punique ». Une formidable littérature nourrira cette « légende noire » de la Commune. Or, la majorité des insurgés de la Commune, bien loin d’appartenir à « la lie de la population », aux vagabonds et aux repris de justice, était constituée par l’élite des ouvriers et des artisans de Paris, par le « petit peuple ». Le communard, le fédéré de la garde nationale apparaît en somme comme « le Parisien moyen », avec ce que cela suppose d’intelligence, de finesse et aussi de pauvreté.

Sur 34 722 personnes arrêtées (1 725 étrangers seulement) dont les dossiers se trouvent aux archives historiques de la Guerre, on trouve : 5 458 ouvriers du bâtiment, 4 135 ouvriers métallurgistes, 2 791 ouvriers du bois, 2 413 travailleurs d’art, 1 500 ouvriers en chaussure, 1 348 ouvriers du vêtement, 925 ouvriers du livre ; et puis aussi 1 516 petits commerçants, 1 200 rentiers et membres de professions libérales, 1 700 domestiques et concierges. En octobre 1871, un fonctionnaire du conseil municipal de Paris évaluera à plus de 100 000 le nombre des ouvriers qui, tués, prisonniers ou en fuite, manquent à Paris. Et il ne comptait pas les femmes. Sur 20 000 ébénistes, 6 000 étaient manquants ; sur 30 000 ouvriers tailleurs, plus de 10 000...


Leçons de la Commune

La dure répression qui s’abat sur les communards, prive sans doute le mouvement ouvrier et l’Internationale en France de leurs chefs, au moins jusqu’à l’amnistie.

Il n’en reste pas moins que l’exemple de la Commune influencera considérablement le socialisme international, d’ailleurs conscient des erreurs et des insuffisances accumulées durant les soixante-douze jours d’une expérience formidable mais improvisée. Marx, qui a suivi de près la tragédie parisienne et qui a attiré sur elle l’attention des membres de l’Internationale, peut écrire (la Guerre civile en France) : « La Commune, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui lût encore capable d’initiative sociale [...]. Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Le souvenir de ses martyrs est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière. » Et Lénine : « La Commune est la première tentative de la révolution prolétarienne pour briser la machine d’État bourgeoise ; elle est la forme politique « enfin trouvée » par quoi l’on peut et l’on doit remplacer ce qui a été brisé. »

P. P.

 K. Marx, Der Bürgerkrieg in Frankreich (Londres, 1871 ; trad. fr. la Guerre civile en France, Éd. sociales, 1963). / P. Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871 (Bruxelles, 1876 ; rééd. Maspéro, 1967 ; 3 vol.). / M. Du Camp, les Convulsions de Paris (Hachette, 1878-79 ; 4 vol.). / E. Pottier, Chants révolutionnaires (Dentu, 1887) ; Œuvres complètes (Maspéro, 1966). / L. Michel, la Commune, histoire et souvenirs (Stock, 1898 ; rééd. Maspéro, 1970 ; 2 vol.). / G. Bourgin, Histoire de la Commune (Cornély, 1907) ; la Commune (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 4e éd. revue par P. Chauvet, 1969). / M. Vuillamme, Mes cahiers rouges (Cahiers de la quinzaine, 1908-1913 ; 10 vol.). / A. Ollivier, la Commune (Gallimard, 1939 ; nouv. éd., 1967). / H. Koechlin, Die Pariser Commune des Jahres 1871 im Bewusstsein ihrer Anhänger (Alsatia, Mulhouse, 1950). / A. Olivesi, la Commune de 1871 à Marseille (Rivière, 1950). / T. Erény, l’Influence de la Commune de Paris sur le mouvement ouvrier hongrois (trad. du hongrois, Budapest, 1951). / La Commune de Paris (Europe, numéros spéciaux : 1951 et 1970). / B. A. Tchaguine, le Développement du marxisme après la Commune de Paris, 1871-1895 (trad. du russe, Éd. sociales, 1954). / C. Rihs, la Commune de Paris, sa structure et ses doctrines (Droz, Genève, 1955). / M. Dommanget, Édouard Vaillant, un grand socialiste, 1840-1915 (La Table ronde, 1956). / P. Ponsot, les Grèves de 1870 et la Commune de 1871 au Creusot (Éd. sociales, 1958). / B. Kaiser, Die Pariser Kommune im deutschen Gedicht (Berlin, 1958). / A. Adamov, la Commune de Paris : anthologie (Éd. sociales, 1959). / A. Dupuy, 1870-1877, la guerre, la Commune et la presse (A. Colin, 1959). / M. Choury, les Origines de la Commune (Éd. sociales, 1960) ; la Commune au cœur de Paris (Éd. sociales, 1967) ; les Poètes de la Commune (Seghers, 1970). / J. Bruhat, J. Dautry et E. Tersen (sous la dir. de), la Commune de 1871 (Éd. sociales, 1961 ; 2e éd., 1970). / J. Duclos, À l’assaut du ciel (Éd. sociales, 1961 ; nouv. éd., 1970). / I. S. Kuizuik Vetrov, Militants russes dans la Ire Internationale et la Commune de Paris (en russe, Moscou, 1964). / M. Winock et J.-P. Azéma, les Communards (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1964 ; nouv. éd., 1970). / H. Lefebvre, la Proclamation de la Commune, 26 mars 1871 (Gallimard, 1965). / J. Rougerie, Procès des communards (Julliard, coll. « Archives », 1965) ; Paris libre, 1871 (Éd. du Seuil, 1971). / A. Zeller, les Hommes de la Communes (Perrin, 1969). / G. Coulonges, la Commune en chantant (Maspéro, 1970). / R. Héron de Villefosse, les Graves Heures de la Commune (Perrin, 1970). / P. Lidsky, les Écrivains contre la Commune (Maspéro, 1970). / G. Soria, la Grande Histoire de la Commune (Laffont, 1970-71 ; 6 vol.). / M. Gallo, Tombeau de la Commune (R. Laffont, 1971). / J. Girault, la Commune et Bordeaux (Éd. sociales, 1971). / La Commune de 1877, numéro spécial du Mouvement social (Éd. ouvrières, 1972). / J. Rougerie (sous la dir. de), Jalons pour une histoire de la Commune de Paris (P. U. F., 1973).