Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Commune (la) (suite)

La Commune, qui agit maintenant sous la menace des obus de Versailles, a conscience qu’il lui faut prendre un nouvel élan. Car les élections complémentaires du 16 avril (31 sièges vacants) lui ont appris, par le nombre considérable des abstentions, que les électeurs commencent à se lasser. Le 20, elle décide de remplacer la Commission exécutive par les délégués des neuf commissions qui se partageaient les services publics. L’œuvre de plusieurs de ces délégations mérite beaucoup mieux que l’oubli.


L’œuvre de la Commune

Pour apprécier sainement l’œuvre de la Commune, il faut tenir compte des conditions historiques, résumées ainsi par Lénine : « La Commune dut avant tout songer à se défendre [...]. Au demeurant, malgré des conditions aussi défavorables, malgré la brièveté de son existence, la Commune réussit à adopter quelques mesures qui caractérisent suffisamment son sens véritable et ses buts. »

La création de la Commission du travail, de l’industrie et des échanges manifeste sa volonté de donner un caractère nettement social à sa révolution. La nomination du marxiste Léo Frankel, le 20 avril, comme délégué au Travail, à l’Industrie et aux Échanges (il est en fait le ministre du Travail du premier État ouvrier) constitue un tournant important dans l’histoire sociale de la Commune.

La mise en cause du principe de la propriété bourgeoise se traduit dans des mesures visant à assurer, dans l’immédiat, la défense des intérêts de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière. Au problème des loyers — angoissant pour une population qui vient de subir le siège —, la Commission apporte une solution par le décret du 30 mars, qui ordonne la remise totale et générale des loyers exigibles pour octobre 1870, janvier et avril 1871. Le 25 avril, les logements vacants sont réquisitionnés.

Le 18 avril, solution est apportée à la question des échéances, dont le remboursement ne se ferait qu’à partir du 15 juillet 1871, dans un délai de trois ans et sans intérêts. Le 7 mai est décidé que tout objet déposé en gage au mont-de-piété antérieurement au 23 avril et n’ayant pas donné lieu à un prêt supérieur à 20 F pourra être restitué gratuitement à partir du 12 mai.

À ces mesures de circonstance se surajoutent des mesures de principe. Les plus populaires, prises en accord avec les organisations ouvrières et syndicales, sont : l’abolition du travail de nuit dans les boulangeries, la remise en exploitation et la constitution en sociétés coopératives des ateliers abandonnés par leurs patrons (décret du 16 avr.), la suppression des amendes et retenues sur les salaires, la suppression des bureaux de placement ; on envisage aussi une réorganisation complète du mont-de-piété et du crédit au travail, la suppression des bureaux de bienfaisance et des quêtes à domicile, la Commune s’engageant à dissocier la vie du prolétariat de la misère et de l’humiliation permanente. Cependant, la Commune recule devant l’application du décret de « confiscation » du 16 avril à de grandes entreprises (les « monopoleurs »).

Toutes ces mesures auraient pu constituer l’embryon d’un grand texte général, porteur des espérances, du prolétariat parisien. Mais la Commune, déchirée par ses contradictions doctrinales et par les heurts des tempéraments, menacée de l’extérieur par des adversaires implacables, ne dispose ni des moyens, ni du temps, ni des hommes indispensables à la mise en place d’un programme social cohérent.

L’œuvre scolaire de la Commune est due surtout au délégué à la Commission de l’enseignement, Édouard Vaillant, qui crée une Commission d’organisation de l’enseignement, formée de six membres. Cette œuvre, essentiellement laïque, est évidemment liée à l’attitude foncièrement anticléricale de la Commune. Dès le 2 avril, considérant que « le clergé a été complice des crimes de la monarchie contre la liberté », la Commune prononce la séparation de l’Église et de l’État, la suppression du budget des cultes, la transformation en propriété nationale des biens dits « de mainmorte » appartenant aux congrégations religieuses. Cependant, seuls les blanquistes et les jacobins (Raoul Rigault et Ferré notamment), qui n’arrivent pas à se libérer des souvenirs historiques de 1793-94, perdent de vue trop souvent les problèmes de fond pour verser dans un anticléricalisme maladroit et sectaire.

L’enseignement religieux étant supprimé dans les écoles, de nombreux congréganistes abandonnent leur poste ; Édouard Vaillant, à court de maîtres, ne peut qu’ébaucher une réforme profonde de l’enseignement, notamment de l’enseignement primaire et professionnel. Il n’en reste pas moins que la Commune a conçu clairement la nécessité d’un véritable enseignement, adapté à la classe ouvrière.

Par ailleurs, la Commune, avec Courbet au Comité des beaux-arts, s’est efforcée d’entretenir le mouvement artistique : peinture, musique, théâtre.

Tous les services publics étaient à reconstituer. Dans les limites de ses moyens, la Commune s’y efforça.

Aux Finances, François Jourde et son adjoint Varlin sont obsédés par un complexe de probité très proudhonien, par un respect de petites gens à l’égard de la banque. À la Monnaie, le probe Camélinat est lui aussi paralysé. Ils pourraient s’emparer des 214 millions en titres trouvés au ministère des Finances, des centaines de millions de numéraire entreposés à la Banque de France : ils ne le font pas, n’osant toucher à « la fortune de la France ». Et, pendant que la Commune obtient d’elle juste de quoi ne pas mourir, la Banque de France accepte 257 millions de francs de traites tirées sur elle par Versailles. Quand Paris tombera sous les coups des versaillais, ceux-ci trouveront un « mur d’argent » plus solide que jamais.

À la Justice, un jeune blanquiste, Eugène Protot, essaie d’appliquer des mesures révolutionnaires au statut des officiers ministériels ; le 23 avril, il fait décréter que les huissiers, notaires, commissaires-priseurs et greffiers des tribunaux seront désormais nommés ; fonctionnaires, ils seront tenus de verser aux Finances les sommes perçues pour les actes de leur compétence.