Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Commonwealth (suite)

Les institutions du Commonwealth sont extrêmement légères et peu contraignantes : des ambassades, qui ont titre de haut commissariat ; la Conférence des Premiers ministres, qui se réunit irrégulièrement, sans ordre du jour, où les décisions se prennent de façon non formelle ; depuis 1964, un Secrétariat du Commonwealth, chargé de préparer les conférences et d’échanger les informations ; des conférences spécialisées (sur l’économie en 1958, l’éducation en 1964). Aucun texte officiel n’énumère ces différents organes. Pas plus que le Royaume-Uni, le Commonwealth n’a de constitution. Il existe en outre une foule d’associations privées qui ont pour cadre le Commonwealth : association des parlementaires, des municipalités, de coopération économique, des journalistes, des télécommunications, des transports aériens, des chambres de commerce, des festivals artistiques, etc.

L’admiration que le personnel politique des anciennes colonies voue au Royaume-Uni n’a pas peu contribué à renforcer ces liens institutionnels très ténus. À la demande des dirigeants des nouveaux États, la plupart des hauts fonctionnaires britanniques ont été maintenus sur place pour assurer une transition aussi harmonieuse que possible du régime colonial à l’indépendance. Ces 20 000 hauts fonctionnaires du service civil d’outre-mer ont tout naturellement calqué les administrations des jeunes États sur les modèles britanniques. Certaines forces armées de pays tropicaux ont poussé la ressemblance des uniformes, des grades, des musiques, des méthodes d’entraînement des recrues jusqu’au mimétisme.

Les nouveaux régimes politiques ont adopté d’enthousiasme les institutions politiques de l’ancienne métropole. Partout, le régime parlementaire est à l’honneur, avec ses élections libres, la multiplicité des partis, le bicaméralisme, le gouvernement de cabinet, la désignation du chef du gouvernement par d’autres procédés que l’élection au suffrage universel. Mais les conditions sociales particulières à certains des jeunes États (taux d’analphabétisme élevé, rivalités tribales et religieuses, chefferies) ne permettent pas toujours au système parlementaire de fonctionner correctement.

Le mimétisme est très net également dans le système scolaire. Beaucoup de dirigeants asiatiques et africains, émoulus des universités anglaises et écossaises (en particulier celles de Londres, Durham et Saint Andrews), ont, avec l’aide des fonctionnaires et professeurs britanniques, mis en place un enseignement secondaire et supérieur de qualité qui rappelle en tout point celui de l’ex-métropole. Un grand nombre d’étudiants d’outre-mer terminent encore leurs études dans les universités britanniques.

La langue anglaise, dans les États multinationaux ou multitribaux d’Afrique et d’Asie, est évidemment la langue des élites cultivées ; à plus forte raison aux Antilles, où les anciennes langues indigènes ont disparu. Les rares tentatives faites, en Inde par exemple, pour remplacer l’anglais par une langue locale, ont échoué.

La diffusion de la langue anglaise ne peut que consolider l’influence culturelle du Royaume-Uni dans le reste du Commonwealth.

Les élites ont enfin adopté les sports anglais et un sport indien, le polo, répandu par les militaires britanniques. Partout, elles s’efforcent d’acclimater quelques éléments du mode de vie britannique, l’usage du thé, du gin, les cocktails, la discussion libre et amicale des clubs masculins, la journée de travail tôt finie, le repos de fin de semaine... Le Commonwealth est aussi un ensemble de façons de penser et de façons de faire.

Grâce à sa diversité géographique et à son étendue, le Commonwealth disposait, en 1973, d’énormes ressources en matières premières et denrées alimentaires. Il détient 80 p. 100 de la production mondiale du thé (Inde, république de Sri Lanka [Ceylan], Kenya), 50 p. 100 du cacao (Ghāna) et du caoutchouc naturel (Malaisie, Sri Lanka), 90 p. 100 du jute (Inde, Bangla Desh), 50 p. 100 de la laine (Australie), 90 p. 100 du nickel (Canada), 40 p. 100 de l’étain (Malaisie). Il a aussi de grosses ressources en noix de palme (États de l’Afrique de l’Ouest), coprah (îles du Pacifique), potasse (Canada), kaolin (Royaume-Uni), plomb et zinc (Australie), cuivre (Australie, Malawi, Tanzanie), manganèse (Inde), amiante (Canada), titane (Malaisie, Inde), minerai de fer de haute teneur (Canada, Australie), uranium (Canada, Australie), bauxite (Guyane, Jamaïque, Australie). Ses ressources en pétrole sont insuffisantes (Canada, Malaisie). Les membres le plus anciennement indépendants (Royaume-Uni, Canada, Australie) disposent enfin d’un gros potentiel technique et industriel.

Pendant la grande crise consécutive au krach boursier de 1929, le Royaume-Uni s’est efforcé de rassembler les forces économiques de son empire et de faire de celui-ci un ensemble douanier relativement isolé du reste du monde. Par les accords d’Ottawa de 1932, le Royaume-Uni, les dominions et l’empire des Indes s’engageaient à ne frapper les importations en provenance des autres membres que de tarifs douaniers modérés, plus faibles que ceux qui frapperaient les importations en provenance de pays tiers ; le Royaume-Uni admettait même en franchise totale 80 p. 100 des produits importés de l’Empire. Telle est l’origine de la préférence impériale encore en vigueur en 1970.

Toutefois, l’avantage de cette préférence pour le Royaume-Uni s’est beaucoup amenuisé. Les jeunes États, dès leur accession à l’indépendance, s’efforcent de protéger leur industrie naissante contre la concurrence extérieure, y compris celle du Royaume-Uni. Les États-Unis, hostiles à toute forme de discrimination commerciale, les encouragent dans cette voie. Aussi, tous ces États (l’Inde et le Pākistān en 1954, l’Australie et la Nouvelle-Zélande en 1957) ont-ils progressivement réduit la préférence douanière tant en étendue qu’en valeur. Aujourd’hui, la moitié seulement des exportations britanniques vers le reste du Commonwealth bénéficient d’une préférence, et celle-ci n’est plus en moyenne que de 6 p. 100. Le Royaume-Uni a donc perdu d’importants marchés dans ses anciennes possessions, où il a été supplanté par le Japon, les États-Unis, la République fédérale d’Allemagne. Inversement, si le Royaume-Uni admet encore en franchise les matières premières et les denrées originaires du Commonwealth, il oriente de plus en plus son commerce extérieur vers l’Europe occidentale. De là la part décroissante du Commonwealth dans le commerce extérieur du Royaume-Uni, surtout pour les exportations :
— aux exportations, 48 p. 100 en 1938, 40 p. 100 en 1956, 30 p. 100 en 1963, 21 p. 100 en 1970 ;
— aux importations, 41 p. 100 en 1938, 39 p. 100 en 1956, 32 p. 100 en 1963, 24 p. 100 en 1970.

Des forces centrifuges sont donc en train de démembrer l’unité douanière et économique du Commonwealth. L’adhésion du Royaume-Uni à la C. E. E. va renforcer ces tendances, fâcheuses pour l’avenir du Commonwealth.

De même, le Royaume-Uni n’arrive plus à assurer à lui seul l’aide économique aux pays sous-développés du Commonwealth. Pourtant, l’aide britannique aux pays pauvres (pas moins de 300 millions de livres par an) est destinée pour 80 p. 100 aux pays du Commonwealth tropical. Mais ceux-ci acceptent volontiers l’aide d’autres pays riches (États-Unis, Allemagne, etc.).