Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Colombie (suite)

Les problèmes économiques et humains

Le problème majeur est l’accélération de l’accroissement démographique. Alors que dans les années 1940 le taux d’accroissement n’était que de 2,2 p. 100 par an, il est actuellement de 3,2 p. 100 et se range parmi les plus élevés du monde. En effet, la mortalité n’a cessé de décroître depuis vingt ans, pour se situer maintenant autour de 11 à 12 p. 1 000, tandis que la natalité reste très élevée sans augmenter toutefois, les taux de natalité oscillant selon les années entre 40 et 45 p. 1 000.

Cette population en pleine croissance est constituée essentiellement de métis : les statistiques officielles en indiquent une proportion de 70 p. 100, tandis que le groupe blanc constitue environ 20 p. 100 du total, et Noirs et Indiens, 10 p. 100. Mais ces divisions ethniques n’ont pas de signification bien précise ; en effet, mis à part un petit peuplement indien non assimilé dans les forêts et dans les Andes méridionales, le reste de la population a connu depuis l’époque coloniale tous les degrés de métissage et il est bien difficile d’y discerner des groupes ethniques spécifiques. Les côtes, toutefois, abritent un groupe noir relativement distinct, héritage de la traite des Noirs à l’époque coloniale.

Le récent accroissement démographique fait de la population un groupe essentiellement jeune (la proportion des moins de vingt ans s’élève à plus de 55 p. 100). Son existence reposait traditionnellement sur les cultures variées, tropicales ou tempérées, de la montagne andine, mais elle connaît aujourd’hui un puissant mouvement d’exode rural. Les emplois, en effet, se multiplient dans les grandes villes, par suite de l’essor des activités tertiaires et industrielles. Par ailleurs, la misère chronique qui sévit dans les campagnes chasse les paysans vers les villes, alors même que celles-ci ne sont pas capables d’offrir à tous des emplois. Les grandes agglomérations urbaines connaissent un accroissement bien supérieur à la moyenne nationale et qui dépasse 5 p. 100 par an. Il semble que la population urbaine représente aujourd’hui plus de la moitié de la population colombienne.

Aux facteurs économiques et sociaux, qui expliquent cette migration des campagnes vers les villes, s’ajoute le fait politique de l’insécurité des campagnes, qui résulte de la violence des oppositions entre les différents partis politiques et d’une situation plus ou moins permanente de guérilla, alimentée par le malaise agraire grandissant. En effet, à l’exception de la zone du café (où se développe une classe de petits paysans aisés), l’essentiel de l’espace agricole est dominé par une structure foncière caractérisée par le déséquilibre entre les très grandes exploitations aux mains de quelques puissants propriétaires et les trop petites propriétés de moins de 5 ha dont se contente la grande masse des paysans. Il en résulte un archaïsme persistant des techniques de culture et d’élevage et une faible rentabilité des exploitations.

Après le café, le principal produit d’exportation est le pétrole, dont les gisements se trouvent principalement dans la plaine de la mer des Caraïbes et dont l’essentiel de la production est exporté vers les États-Unis.

La Colombie importe surtout des produits fabriqués, car l’industrialisation récente ne couvre pas encore les besoins nationaux. Celle-ci repose davantage sur le développement des industries de transformation que sur celui des industries de biens d’équipement, en dépit de la récente installation d’une usine sidérurgique qui produit plusieurs centaines de milliers de tonnes d’acier.

Le café représente en valeur plus de la moitié des exportations. Celles-ci se dirigent pour plus d’un tiers vers les États-Unis, qui, en retour, fournissent environ la moitié des importations colombiennes.

D’une façon générale, en dépit de la variété des productions agricoles et de l’essor des grandes villes (grâce à leurs activités industrielles), l’économie reste sous-développée, génératrice de graves tensions sociales, surtout dans les campagnes.

M. R.

➙ Amérique latine / Andes / Bogotá / Cali / Medellín.


L’évolution historique


La période coloniale

Dans les hautes vallées de l’actuelle Colombie, les conquérants espagnols se sont heurtés non pas à un état organisé mais à une forte culture indigène, celle des Chibchas, agriculteurs pacifiques aux mœurs matriarcales. Pizarro, Almagro et Hernando de Luque, attirés par l’or, organisèrent des expéditions à partir de Panamá vers les pays incas et conquirent au passage la future Colombie.

Territoire de la Nouvelle-Castille, puis vice-royaume de Nouvelle-Grenade à partir de 1717, cette zone qui embrasse Colombie, Équateur et Venezuela a pour richesse l’or, exploité depuis le xvie s. et en pleine expansion au xviiie s. La Nouvelle-Grenade, dont le vice-roi siège à Bogotá, est une région très complexe : sur la côte, Cartagena, ville forteresse, est le cœur du pouvoir militaire espagnol au sud des Caraïbes. Dans les deux vallées parallèles du Cauca et du Magdalena, séparées par des montagnes infranchissables, Popayán et Medellín disputent l’hégémonie à Bogotá, ville du plateau. La population côtière est blanche et mulâtre, celle de l’intérieur se partage entre 70 p. 100 de métis et 30 p. 100 de Blancs. Les mines de l’intérieur emploient une main-d’œuvre noire esclave.

Le plateau, zone d’agriculture et d’élevage, est aux mains de grands propriétaires ; la région d’Antioquia se distingue par la division de la propriété. L’économie s’organise selon le schéma traditionnel : la Nouvelle-Grenade exporte vers la métropole les métaux précieux (en 1788, 1 650 000 pesos) et importe d’Espagne, légalement, de la Jamaïque, en contrebande, les produits fabriqués. En 1790, le royaume a un million d’habitants et se distingue par son repli autarcique (or excepté) du futur Venezuela, orienté vers le grand commerce atlantique.