Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Colmar (suite)

La première révolution industrielle ne toucha guère la ville. L’industrie textile s’installa dans les villages des vallées vosgiennes et jusqu’à Logelbach, qui aujourd’hui est incorporé à l’organisme urbain. Installées sur de petits ruisseaux, les usines cotonnières utilisaient l’eau peu calcaire des Vosges, et le xixe s. vit s’ajouter, à côté d’une bourgeoisie de robe, une bourgeoisie d’affaires. La crise du textile (depuis 1945) a entraîné la disparition quasi complète de cette branche industrielle. Là où existait une grande usine faisant travailler surtout une main-d’œuvre féminine s’élève aujourd’hui un lycée technique de plus de 2 400 élèves, d’où les jeunes, formés au travail industriel, sont envoyés dans les usines colmariennes. La tradition industrielle colmarienne n’a rien de comparable à celle de Mulhouse. En effet, pendant longtemps, la bourgeoisie de la ville s’intéressa à la terre. Vignes, prés et champs des environs étaient fréquemment propriétés colmariennes. Le commerce des produits agricoles, vers l’Allemagne et la Suisse, entraînait de bons revenus et n’incitait guère les propriétaires bourgeois à investir dans l’industrie. Aussi la progression de la population de la ville fut-elle lente ; de 9 500 habitants en 1750, elle passe à 21 000 en 1851 pour atteindre 37 000 en 1900. Comparativement à Mulhouse et à Strasbourg, la croissance a été plus réduite. En 1962, la ville totalisait 54 000 habitants, et l’agglomération, seulement 60 000. L’extension de la ville tend à englober les communes d’Horbourg et d’Ingersheim. En 1970, l’agglomération atteint 85 000 habitants.

Depuis une dizaine d’années, la ville semble avoir trouvé un dynamisme nouveau. La crise du textile aidant, la municipalité a fait un gros effort d’industrialisation qui porte ses fruits. Une zone industrielle Colmar-Nord a été aménagée ; la surface totale envisagée est d’environ 150 ha. Les usines de fabrication de roulements à billes Timken se sont installées dans cette zone et fournissent près de 2 000 emplois. D’autres unités industrielles plus petites se sont établies dans certains faubourgs. Mais le grand tournant est le développement de la zone industrielle de Colmar - Neuf-Brisach, en bordure du Grand Canal d’Alsace et du Rhin. Plus de 500 ha sont destinés à l’industrialisation, mais ce chiffre peut être augmenté. Des établissements importants sont venus s’installer : fabrication d’aluminium, papeterie, fabrication de chewing-gum, etc., créant plusieurs milliers d’emplois qui sont également destinés aux villages agricoles de la Hardt toute proche. Celle-ci ayant connu une céréalisation accélérée depuis quinze ans, un silo à grains de plus de 20 000 q de contenance a été construit sur le bord du canal. Le développement de cette zone industrielle marque la « rhénanisation » de l’économie alsacienne et le glissement de Colmar vers le Rhin. Les liens avec l’Allemagne se resserrent et il existe une collaboration de plus en plus étroite entre les responsables de l’aménagement en Bade moyen et en Alsace moyenne. Des projets routiers, par exemple, sont élaborés en commun.

Pour beaucoup, Colmar reste la capitale du vignoble. À cela la foire aux vins, à laquelle s’ajoutent les fameuses journées de la choucroute, contribue pour beaucoup. S’il existe un institut viticole à Colmar, rayonnant sur tout le Haut-Rhin, le négoce du vin n’est, cependant, pas l’apanage de la ville. Traditionnellement, ce négoce est largement décentralisé. Cependant, la situation géographique confère à Colmar une place privilégiée dont a bénéficié le tourisme. En haute Alsace, Colmar est en concurrence avec Mulhouse. Ces deux villes se partagent un institut universitaire de technologie.

F. R.

➙ Alsace / Rhin (Haut-).

 L. Sittler, Colmar (Alsatia, 1951). / J.-J. Waltz et L. Kubler, le Musée d’Unterlinden à Colmar (Alsatia, 1951). / H. Riegert, Colmar, joyau de l’Alsace (Istra, Strasbourg, 1970).


Colmar, ville d’art

Les trois principaux édifices religieux de la ville appartiennent au xiiie et au xive s. L’ordre de Saint-Dominique, très prospère en Alsace, fonde d’abord le couvent des dominicaines d’Unterlinden. La chapelle, élevée par le frère Volmar de 1252 à 1269, est un bel exemple de l’architecture des ordres mendiants en Rhénanie. Une abside à cinq pans et sept travées voûtées forment le chœur, prolongé par une nef plafonnée. Le magnifique cloître accolé au flanc nord de la chapelle forme le cœur du monastère. L’ensemble est occupé depuis 1849 par le musée. Parmi ses collections, trois artistes nés ou liés à Colmar illustrent l’école haut-rhénane de la seconde moitié du xve s. : Gaspard Isenmann († 1472), son élève Martin Schongauer*, enfin Matthias Grünewald*, avec le monumental polyptyque d’Issenheim.

Les dominicains avaient aussi leur couvent. Le chœur de l’église, construit à partir de 1283 grâce à l’appui de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, mérite d’être mieux connu pour son exceptionnelle légèreté, ses proportions élancées qui rappellent celles des Jacobins de Toulouse ou de certaines églises d’Italie du Nord. Mais l’absence de voûtes sur la nef très haute, flanquée de deux collatéraux presque aussi élevés, est typiquement rhénane. Élégance et austérité se retrouvent dans le cloître du xive s.

L’église Saint-Martin, ancienne collégiale (1237-1366), ne manque pas de grandeur. Dans la nef, le profil des piliers reproduit celui de la cathédrale de Reims. L’abside à cinq pans, avec ses chapelles communicantes, mérite une attention particulière, comme le portail sculpté de façade (Adoration des Mages et Jugement dernier du milieu du xiiie s.) et le portail sud (xive s.). À l’intérieur se trouve la Vierge au buisson de roses de Schongauer.

L’architecture civile aussi a laissé à Colmar d’éminentes réussites. L’ancienne douane, de style gothique flamboyant, date de 1480. En bas de l’édifice, un entrepôt avec portes cochères ; à l’étage, les salles de la municipalité : c’est une disposition fréquente en Alsace. La maison Pfister (1537) a plus de pittoresque ; sa galerie ouverte, son échauguette-loggia, sa tour d’escalier ornée d’arabesques et de médaillons de style Renaissance constituent l’une des images les plus célèbres de l’Alsace. La maison des Têtes (Kopfhaus), avec ses loggias à deux étages, est contemporaine (début du xviie s.) de l’hôtel dit « des Chevaliers de Saint-Jean », construit par l’architecte Albert Schmidt suivant des formules encore italianisantes. Quant à la maison natale du sculpteur Auguste Bartholdi (1834-1904), elle est caractéristique d’un intérieur alsacien au xixe s.

F. E.