Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

collectivité territoriale (suite)

L’autonomie de gestion des collectivités territoriales


Les tendances de l’évolution

L’autonomie de gestion dont disposent les diverses collectivités territoriales est très variable d’un pays à un autre. Des considérations historiques, démographiques, ethniques, linguistiques, politiques et psychologiques conditionnent, en effet, l’importance de cette autonomie ; dans un même État souverain, certaines régions (les Kurdes en Iraq par exemple) et elles seules bénéficient d’une autonomie importante ; dans les États fédéraux, l’autonomie de gestion des diverses collectivités locales varie d’un État fédéré à un autre.

Deux tendances opposées marquent l’évolution contemporaine. La tendance centralisatrice est constatée dans certains États fédéraux : c’est ainsi qu’aux États-Unis on assiste à une croissance régulière des pouvoirs du gouvernement fédéral au détriment de ceux des gouvernements des États de l’Union ; en Suisse — malgré la diversité des langues et des cultures —, on assiste à la même croissance des pouvoirs du gouvernement de la Confédération et à la réduction progressive de ceux des gouvernements des cantons. Dans ces États comme dans les États unitaires interviennent également deux autres facteurs : l’intervention de plus en plus importante de l’État dans la vie des peuples, et le développement des équipements collectifs qu’a permis le progrès des techniques et qu’exige le changement des modes de vie consécutif à l’apparition de la « société de consommation » ; l’un et l’autre supposent tout à la fois des recours plus importants des collectivités locales au pouvoir central, détenteur des ressources juridiques et financières indispensables, et une subordination nouvelle des intérêts locaux à l’intérêt général.

La tendance contraire s’est manifestée dans certains États unitaires depuis le début du xxe s. par suite des tentatives faites par les minorités nationales en vue d’acquérir leur indépendance ou tout au moins d’assurer la conservation de leurs caractères culturels, linguistiques et religieux propres. Ces tentatives ont trouvé le soutien de certains États étrangers intéressés soit par l’identité plus ou moins grande des caractères spécifiques de ces minorités avec leurs propres caractéristiques nationales, soit par l’occasion d’affaiblir un ennemi ou un rival, ou bien encore pour des raisons de « principes ». La dislocation des empires coloniaux d’outre-mer marque le succès de quelques-unes de ces tentatives. La dislocation de l’Empire turc s’apparente à ce même phénomène. En Union soviétique, où une masse disparate de peuples divers vivaient à l’intérieur d’une même frontière, l’adoption d’un système de planification économique autoritaire et la soumission des pouvoirs centraux et locaux au parti communiste ont permis d’accorder — sans mettre en danger la vie de l’Union — une assez grande autonomie culturelle à ces peuples. En Europe occidentale, un mouvement de décentralisation administrative et même politique s’est développé. L’Espagne républicaine, par la Constitution de 1931, avait accordé en diverses matières un véritable pouvoir législatif aux régions. L’Italie (dont l’unité remonte seulement à un siècle) a adopté en 1947 une Constitution affirmant, d’une part, le caractère uni et indivisible de la république et reconnaissant, d’autre part, des autonomies locales, dont certaines sont favorisées du fait de caractères ethniques particulièrement marqués (Aoste, Sardaigne, Sicile, Trentin) ; en 1969, les autres régions ont reçu les institutions locales prévues en 1947, mais il en est résulté des difficultés politiques sur le plan national (les partis ne pratiquant pas les mêmes alliances au sein du gouvernement italien et dans les organismes régionaux) et des troubles graves sur le plan local (choix des capitales de la Calabre et des Abruzzes). L’Allemagne de l’Ouest, après le court entracte unitaire du IIIe Reich, a adopté en 1949 une constitution fédéraliste.

En France même, État unitaire entre tous, des mouvements se développent, après la Seconde Guerre mondiale, en faveur du régionalisme. Deux courants s’affirment, plus différents peut-être que vraiment contradictoires. Les uns ont en vue le regroupement des départements en une entité plus vaste à objectif essentiellement économique, les autres, une décentralisation administrative comportant, d’une part, un transfert de certaines attributions administratives du gouvernement aux collectivités locales et, d’autre part, la constitution de nouvelles collectivités : municipalités de canton, régions, etc. Les deux objectifs pourraient éventuellement se rencontrer si des divergences de principe, dépassant le cadre national, ne se manifestaient pas entre certains auteurs des projets nouveaux ; c’est ainsi par exemple qu’aux partisans d’un État unitaire décentralisé, membre d’une confédération européenne élargie, s’opposent, notamment, les partisans de provinces jouissant d’une large autonomie administrative et culturelle au sein d’une fédération de l’Europe occidentale, système aboutissant pratiquement tôt ou tard à la disparition des États nationaux actuels.


Les divers types d’autonomie


Les États fédérés

Dans tout État fédéral, il a été nécessaire de partager la souveraineté de façon que les États fédérés puissent continuer de se gouverner eux-mêmes dans tous les domaines intéressant leur prospérité intérieure sans que cependant la nation entière, représentée par l’État fédéral, cesse de constituer un corps et de pourvoir à l’ensemble de ses besoins généraux. Lorsqu’un État fédéral est né de l’union de plusieurs États, « les pouvoirs que la Constitution délègue au gouvernement fédéral sont définis et en petit nombre. Ceux qui restent à la disposition des États particuliers sont au contraire indéfinis et en grand nombre » (le Fédéraliste). Dans la mesure où toute fédération ainsi constituée tend à une unification croissante, on assiste à un certain renversement des proportions, les pouvoirs des États étant progressivement grignotés par l’État fédéral.