Cœur (Jacques) (suite)
Terriblement jalousé par tous ceux qu’indigne sa trop rapide fortune, abandonné par de trop nombreux débiteurs intéressés à sa ruine, Jacques Cœur est arrêté le 31 juillet 1451 sur la fausse accusation d’avoir empoisonné Agnès Sorel en 1450. Innocenté de ce chef, il est néanmoins condamné le 29 mai 1453 à la confiscation de ses biens, au remboursement de 100 000 écus, à une amende de 300 000 écus, au bannissement perpétuel et à la prison préalable jusqu’au paiement complet de ces très fortes sommes. Une commission d’enquête, qui est animée par deux de ses adversaires personnels, Antoine de Chabannes et Otto Castellain, justifie cette lourde sentence par le fait qu’il a vendu des armes et restitué en 1446 un esclave chrétien au Soudan d’Égypte. Le jugement est exécuté aussitôt par le procureur général Jean Dauvet, chargé par Charles VII de procéder à l’inventaire, au séquestre et à la vente des biens du condamné.
Emprisonné à Lusignan, puis à Maillé, à Tours et à Poitiers, où il fait amende honorable le 5 juin 1454, Jacques Cœur s’échappe en octobre suivant. Il se réfugie au couvent des Cordeliers de Beaucaire, puis gagne Rome, où le pape Nicolas V (1447-1455) le justifie et où le pape Calixte III (1455-1458) l’autorise à jouer un rôle important dans l’entourage du cardinal Lodovico Scarampo ; nommé au commandement d’une flotte chargée de combattre les Turcs dans les eaux de l’île de Chio, il meurt au cours de l’expédition.
L’ascension sociale de ce nouveau riche avait été favorisée par la guerre de Cent Ans. Ses activités étaient restées traditionnelles, sauf dans le domaine financier, où il avait compris l’intérêt d’une circulation monétaire saine et rapide pour assurer la prospérité des marchands et celle de l’État, ainsi qu’en témoigne la frappe, en 1447, du « gros de Jacques Cœur ». Jacques Cœur avait finalement échoué à cause de l’insuffisance de ses liquidités, mal dont souffraient toutes les entreprises du temps et qui les rendait particulièrement sensibles aux aléas de la conjoncture.
P. T.
➙ Bourgeoisie / Bourges / Charles VII / Valois.
P. Clément, Jacques Cœur et Charles VII. L’administration, les finances, l’industrie, le commerce, les lettres et les arts au xve siècle (Guillaumin, 1853 ; 2e éd., Didier, 1865 ; 2 vol.). / R. Bouvier, Un financier colonial ou xve siècle, Jacques Cœur (Champion, 1929). / M. Mollat, les Affaires de Jacques Cœur. Journal du procureur Dauvet (A. Colin, 1946 ; nouv. éd., Droz, Genève, 1952-53 ; 2 vol.). / H. de Man, Jacques Cœur, argentier du Roy (Tardy, 1953). / R. Pernoud, Histoire de la bourgeoisie en France, t. I (Éd. du Seuil, 1960). / C. M. Chenu, Jacques Cœur (Hachette, 1963).