Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Clemenceau (Georges) (suite)

Il compte alors être « porté » à la présidence de la République, mais les rancunes de Briand et de Poincaré ainsi que sa position anticléricale dans la question des relations avec le Vatican lui font préférer Paul Deschanel (16 janv. 1920). Blessé dans son orgueil, ulcéré par l’ingratitude manifestée à son égard, le « Tigre » présente, le 18 janvier, la démission de son cabinet ; il refusera, dès lors, de rentrer dans l’arène politique.

Ses dernières années — solitaires comme l’a été toute sa vie —, il les consacre aux voyages (en 1922, son séjour aux États-Unis est un triomphe), à la méditation (Au soir de la pensée, 1927) et à la polémique (Grandeur et misères d’une victoire, 1929).

Discours prononcé à la Chambre des députés par Georges Clemenceau le 11 novembre 1918, après lecture des clauses de l’armistice

« Messieurs, je cherche vainement ce que je pourrais ajouter [...]. Pour moi la convention de l’armistice lue, il me semble qu’à cette heure, à cette heure grande, terrible et magnifique, mon devoir est accompli. Un mot seulement ; au nom du peuple français, au nom de la République française : j’envoie le salut de la France, une et indivisible, à l’Alsace-Lorraine retrouvée. Et puis honneur à nos grands morts qui ont fait cette victoire ! Par eux nous pouvons dire qu’avant tout armistice la France a été libérée par la puissance de ses armes. Quant aux vivants [...] quand ils passeront sur nos boulevards, vers l’Arc de triomphe, qu’ils soient salués d’avance ! Nous les attendons pour la grande œuvre de reconstruction sociale. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat du Droit, sera toujours le soldat de l’idéal. »

Clemenceau est-il responsable de l’échec du traité de Versailles ?

Chef d’une nation trois fois envahie en un siècle, Clemenceau, appuyé par le maréchal Foch, pensait que la France devait annexer la Rhénanie, la Sarre et porter sa frontière au Rhin. C’était la conception révolutionnaire des frontières naturelles garantes de la sécurité du pays. À cette conception s’opposait l’idéalisme wilsonien (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) et le réalisme britannique, soucieux de ne pas trop affaiblir une Allemagne, qui pouvait être tout à la fois un riche débouché économique et un bouclier contre le bolchevisme.

Le traité de Versailles est issu du dosage de ces diverses conceptions. Clemenceau ne put obtenir que la garantie formelle des Anglo-Saxons contre une agression germanique. D’autre part, l’Allemagne, en 1918, ne se jugeait pas vaincue. Elle s’attendait à des conditions modérées. Du caractère exorbitant du traité, elle rendit Clemenceau responsable, parce que c’est lui qui le lui présenta au nom des Alliés.

La revanche hitlérienne contre la France était ainsi en germe. Clemenceau a eu conscience des faiblesses d’une paix qu’il aurait voulue plus radicale encore, mais la création d’une « Alsace-Lorraine » rhénane telle qu’il le désirait n’aurait certainement fait qu’aggraver les rancunes outre-Rhin et rendre fatal un deuxième conflit. « La paix de Wilson avec les méthodes de Clemenceau, partant la pire », a dit l’Italien Francesco Nitti. Les responsabilités sont bien partagées.

P. M.

➙ Guerre mondiale (Première) / Radicalisme / République (IIIe).

 G. Lecomte, Clemenceau (Fasquelle, 1918). / J. Martet, Monsieur Clemenceau peint par lui-même (A. Michel, 1929). / L. Daudet, la Vie orageuse de Clemenceau (A. Michel, 1938). / Gl Mordacq, Clemenceau (Éd. de France, 1939). / G. Bruun, Clemenceau (Cambridge, Mass., 1943). / P. Scize, Georges Clemenceau (Gutenberg, Lyon, 1944). / B. Zuckerkandl Szeps, Clemenceau tel que je l’ai connu (Éd. de la revue « Fontaine », Alger, 1945). / J. H. Jackson, Clemenceau and the Third Republic (Londres, 1946). / A. Zevaès, Clemenceau (Julliard, 1949). / G. Hadancourt, Clemenceau, homme d’État, homme d’esprit (Nouv. Éd. latines, 1954 ; nouv. éd., Gründ, 1961). / J. Ratinaud, Clemenceau ou la Colère de la gloire (Fayard, 1958). / G. Gatineau-Clemenceau, Des pattes du Tigre aux griffes du destin (Presses du Mail, 1961). / G. Wormser, la République de Clemenceau (P. U. F., 1961). / P. Dominique, Clemenceau (Hachette, 1964). / J. Julliard, Clemenceau briseur de grèves (Julliard, coll. « Archives », 1965). / J. Robuchon, les Grandes Heures de Georges Clemenceau (Lussaud, Fontenay-le-Comte, 1967). / G. Monnerville, Clemenceau (Fayard, 1968). / P. Erlanger, Clemenceau (Grasset, 1968).

Clément d’Alexandrie

Père de l’Église grecque et philosophe chrétien (Athènes ? v. 150 - entre 211 et 216).



Alexandrie, métropole de la pensée

Dès sa fondation par Alexandre le Grand, Alexandrie* devient le foyer d’une vie intellectuelle intense. C’est dans cette ville, située au carrefour des pensées orientale, grecque et juive, que naît la culture hellénistique. Sa célèbre bibliothèque et l’industrie du papyrus en font le centre universitaire de l’hellénisme.

Les Juifs, nombreux à Alexandrie, ont adopté la culture grecque. De cette littérature judéo-hellénistique, deux témoins éminents : la traduction de la Bible grecque, dite « version des Septante », et la philosophie religieuse de Philon, qui tente la synthèse de la pensée juive et de la spéculation grecque.

À la fin du ier s., le christianisme s’établit en Égypte, et bientôt se forme une école théologique qui s’oriente vers la philosophie platonicienne et l’interprétation allégorique des textes sacrés. Héritière du judaïsme alexandrin de Philon, elle essaiera à son tour la synthèse entre la philosophie grecque et le message biblique chrétien. Les plus célèbres des maîtres qui l’illustrèrent sont Clément d’Alexandrie et Origène*.


Un philosophe en quête de Dieu

Titus Flavius Clemens est venu au christianisme par la philosophie. Il naît d’une famille païenne. À en juger d’après ses écrits, le goût des questions religieuses lui vient dès sa jeunesse. Clément paraît familier des mystères d’Eleusis, et la précision de son vocabulaire donnerait à penser qu’il a été lui-même initié.