Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

clarinette (suite)

Le déclin et l’avant-garde

À la fin des années 40, Barney Bigard et Jimmy Hamilton, son successeur chez Duke Ellington, semblent avoir atteint une perfection difficilement surpassable. Alors que Bigard, Bailey et Hucko reviennent au style dixieland, l’égal de Benny Goodman — à l’époque postparkérienne — est incontestablement Buddy DeFranco, considéré comme le meilleur clarinettiste moderne avec Jimmy Giuffre. Parmi les musiciens modernes, signalons aussi John La Porta, Tony Scott et Sam Most, qui, à une maîtrise technique remarquable, ajoutent une attirance commune pour les musiques orientales. Tandis que la clarinette soprano est de plus en plus limitée à l’univers du New Orleans Revival, la flûte et, plus encore, la clarinette basse deviennent les instruments de prédilection des musiciens d’avant-garde (Eric Dolphy, Ken McIntyre, Robin Kenyatta, l’Allemand Gunter Hampel, le Français Michel Portal). Seuls, Perry Robinson et l’Allemand Rolf Kühn continuent d’employer la clarinette traditionnelle.

Si la clarinette fut un des instruments clés de la musique afro-américaine, l’évolution l’a peu à peu mise à l’écart, et son retour semble se faire par le biais de la clarinette basse, instrument vierge de toutes traditions, sans doute plus adapté aux conceptions de l’avant-garde des années 70.

F. T.


Les grands clarinettistes de jazz


William C. Bailey, dit Buster Bailey

(Memphis 1902 - New York 1967). Après avoir débuté en 1917 dans l’orchestre de W. C. Handy, il fait partie d’un très grand nombre de formations. Son rôle sera très important chez Fletcher Henderson (1924-1929 et 1934-1937), Noble Sissle, le Mills Blue Rhythm Band, John Kirby (1937-1946) et Wilbur De Paris (1947-1949). Remarquable technicien, au phrasé mobile et à la sonorité lisse, il est aussi à l’aise dans le contexte dixieland que dans celui du middle jazz. La part la plus originale de son œuvre se trouve dans les pièces du sextette de John Kirby, aux arrangements raffinés et harmoniquement subtils.

Enregistrements : Fidgety Feet (avec Henderson, 1927), I know that you know (avec Hampton, 1937), Saint Louis Blues (avec John Kirby, 1941).


Leon Albany Bigard, dit Barney Bigard

(La Nouvelle-Orléans 1906). Après avoir appris à jouer de la clarinette avec Lorenzo Tio, il fait ses débuts aux côtés d’Albert Nicholas. En 1925, à Chicago, il est membre de l’orchestre de King Oliver. De 1928 à 1947, il se révèle comme un des principaux solistes de Duke Ellington. Puis il accompagne Louis Armstrong et s’installe en Californie. Transposant dans l’univers ellingtonien les valeurs du jazz néo-orléanais, il s’impose en 1930 comme le meilleur clarinettiste par la richesse de sa sonorité et l’invention mélodique.

Enregistrements : Tiger Rag (avec Ellington, 1928), Clarinet Lament (avec Ellington, 1936), Chantez-les bas (avec Armstrong, 1954).


Boniface Ferdinand Leonardo De Franco, dit Buddy DeFranco

(Camden, New Jersey, 1923). Au début des années 40, il travaille avec Gene Krupa, Charlie Barnet, Tommy Dorsey et Boyd Raeburn. En 1950, il est engagé par Count Basie. Il dirige ensuite de petites formations, mais le déclin de la clarinette dans le jazz moderne l’éloigné peu à peu du premier plan de l’actualité musicale. En 1966, il prend la tête de l’orchestre reconstitué de Glenn Miller.

Venu au jazz au moment du swing craze et de la vogue des grands orchestres, volubile et rapide, doué d’une technique au moins égale à celle de Benny Goodman, il est le premier clarinettiste à avoir adopté les innovations du be-bop.

Enregistrements : Bluebard Blues (avec Count Basie, 1950), Now’s the Time (avec le Jazz at the Philharmonic, 1954).


Johnny Dodds

(La Nouvelle-Orléans 1892 - Chicago 1940). Frère du batteur Baby Dodds, il joue avec le trombone Kid Ory de 1911 à 1918. En 1920, à Chicago, il remplace Jimmie Noone auprès de King Oliver. À partir de 1924, il dirige un orchestre au Kelly’s Stable et enregistre avec King Oliver, Natty Dominique, Louis Armstrong, Lovie Austin, Jimmy Bertrand, Kid Ory et de nombreux chanteurs de blues. En 1930, la crise économique et la désaffection du public à l’égard du jazz New Orleans l’obligeront à renoncer à des activités musicales régulières.

Spécialiste du blues, Dodds se distinguait des autres clarinettistes par la logique du phrasé, la netteté du son et la violence de son jeu.

Enregistrements : Gut Bucket Blues (avec Armstrong, 1925), Blue Clarinet Stomp (1928).


James Peter Giuffre, dit Jimmy Giuffre

(Dallas 1921). D’abord saxophoniste de grand orchestre (Boyd Raeburn, Jimmy Dorsey, Buddy Rich, Woody Herman), il travaille avec Shorty Rogers de 1953 à 1955. À partir de 1956, il se consacre presque exclusivement à la clarinette, écrit de nombreux arrangements et dirige plusieurs trios. En 1958, il devient populaire à la suite de sa participation au festival de Newport. Il se tourne ensuite vers l’enseignement et divers travaux expérimentaux — improvisation athématique, suppression de toute percussion, etc. Révélé au sein de la section de saxophones de l’orchestre Woody Herman comme un arrangeur de talent grâce à Four Brothers (1949) et un excellent saxophoniste de style cool, il tente ensuite de revaloriser le rôle de la clarinette dans le jazz moderne en accordant autant d’importance à la sonorité traditionnelle de l’instrument qu’aux bruits « parasites » (souffle, bruit des clés, etc.), qui ne sont en fait que les traces du travail instrumental, mais acceptés et intégrés au discours musical. Ainsi annonce-t-il les travaux de certains musiciens de free jazz des années 60.

Enregistrements : Fun (avec le Modern Jazz Quartet, 1957), The Train and the River (1958), Free Fall (1963).


Jimmie Noone

(La Nouvelle-Orléans 1895 - Los Angeles 1944). Élève de Sidney Bechet, il joue avec Freddie Keppard, Buddy Petit et, à Chicago, avec King Oliver. De 1926 à 1930, il dirige l’orchestre de l’Apex Club à Chicago, qui connaît une grande popularité. Sentimental et lyrique, instrumentiste virtuose, il a eu une influence déterminante sur tous ses contemporains.

Enregistrements : Apex Blues (1928), Sweet Georgia Brown (1936), Panama (avec Kid Ory, 1943).

F. T.