Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cirripèdes (suite)

Cirripèdes fixés

Sur les rochers battus par la mer abondent les Balanes (Balanus balanoides, Chthamalus stellatus), qui recouvrent presque totalement le support de leurs petits cônes cratériformes (un centimètre de haut). Le corps est enfermé dans une muraille formée de six plaques calcaires soudées ; à marée basse, quatre petites plaques ferment l’orifice sommital. Les Balanes se fixent parfois sur les coques des bateaux, ralentissant leur progression. Deux formes voisines vivent fixées sur la carapace des Tortues marines (Chelonobia) ou sur la peau des Baleines (Coronula).

L’Anatife (Lepas anatifera) est fixé aux épaves par un pédoncule dérivant de la tête ; le reste du corps se trouve dans une sorte de carapace de cinq plaques calcaires insérées dans le manteau ; les cirres émergent par la fente ventrale, et leurs mouvements renouvellent l’eau et amènent les particules planctoniques alimentaires. Les Anatifes sont hermaphrodites, mais effectuent une fécondation croisée ; les œufs fécondés sont retenus sous la carapace jusqu’à l’éclosion.

Sur les rochers découvrant à marée basse, on trouve Pollicipes, aux nombreuses plaques calcaires ; c’est le « pouce-pied », au pédoncule comestible. Scalpellum, en forme de scalpel, vit en profondeur ; dans la cavité des individus hermaphrodites, on peut rencontrer des mâles nains, parasites. Alepas parasitica vit aux dépens des Méduses.


Cirripèdes parasites

Ils appartiennent en majorité à l’ordre des Rhizocéphales (plus de deux cents espèces) ; le type en est la Sacculine (Sacculina carcini), parasite du Crabe Carcinides moenas. La Sacculine adulte apparaît comme un sac informe fixé à l’abdomen de l’hôte ; elle se prolonge dans le corps du Crabe par des tubes ramifiés qui s’insinuent entre les organes, jusqu’à l’extrémité des pattes ; dépourvu d’appareil digestif et d’appareil circulatoire, le parasite se nourrit par cet ensemble de rhizoïdes ; le sac externe contient les glandes génitales et une cavité où se développent les œufs. Dans la mer, le nauplius donne un cypris, qui doit trouver l’hôte convenable ; la larve se fixe par une antennule à la base d’un poil du jeune Crabe, perd sa carapace bivalve, son thorax et son abdomen ; il apparaît une sorte de dard par lequel les cellules issues de la tête de la larve (appelée alors kentrogone) traversent la cuticule du Crabe ; elles migrent dans la cavité générale, gagnent l’intestin et prolifèrent en prolongements ramifiés ; environ deux ans plus tard, le sac externe se forme et des gonades deviennent fonctionnelles. Sous l’influence du parasite, les glandes génitales du Crabe restent atrophiées (castration parasitaire) et, s’il s’agit d’un mâle, l’abdomen prend la morphologie de celui d’une femelle. Chez Peltogaster, parasite des Pagures, il se forme plusieurs sacs externes.

Les autres ordres de Cirripèdes réunissent une soixantaine d’espèces. Chez les Acrothoraciques, Alcippe vit dans l’épaisseur de la coquille de Gastropodes, les sexes sont séparés et les mâles, minuscules, sont fixés sur les femelles. Chez les Ascothoraciques, l’abdomen est souvent segmenté, comme chez les Crustacés typiques ; Laura gerardiœ vit dans les tissus du coralliaire Gerardia.

M. D.

Cisterciens

Ordre monastique issu de l’abbaye de Cîteaux.



Le xiie siècle

Le 21 mars 1098, un petit groupe de moines, venant de l’abbaye de Molesmes et guidés par leur abbé Robert, fondent le monastère de Cîteaux, à 20 km au sud de Dijon. Quittant l’obédience de Cluny*, dont la structure et le succès sont ressentis comme une menace pour le libre épanouissement de la vie spirituelle, ils jettent les bases d’une réforme. C’est le temps des croisades*, de la naissance de l’amour courtois*, de la nouvelle théologie d’Abélard*, de l’évangélisme, qui bouillonne un peu partout. On aborde le xiie s., effervescent, imaginatif, cultivé, audacieux.

Le fondateur de Cîteaux est pourtant un moine hésitant versatile, épris de vie solitaire, qui, après bien des tergiversations, retourne à Molesmes. L’ancien prieur, Albéric († 1109), succède à Robert († 1111) comme abbé de Cîteaux ; alors, les tracasseries de moines voisins, qui les accusent de rompre avec les anciennes traditions, menacent l’existence de Cîteaux. Albéric fait appel au pape Pascal II, qui, en 1100, prend le « nouveau monastère » sous sa protection.

Le troisième supérieur de Cîteaux, l’Anglais Étienne Harding († 1134), dote l’ordre naissant d’une structure juridique originale qui contribuera beaucoup au succès de Cîteaux et à sa pérennité.

Cependant, la ruine de la fondation semble imminente, quand un changement de fortune survient en 1112 avec l’entrée de Bernard de Fontaine et trente de ses parents et amis (v. Bernard [saint]). Dès lors, ce n’est plus à la pénurie mais au développement rapide de l’ordre qu’il faut faire face. Les fondations qui se succéderont jouiront du même statut d’autonomie que celui de Cîteaux.

Étienne Harding avait rédigé avec les premiers abbés un document qui eut une influence considérable sur l’histoire de l’ordre et la législation religieuse. Cette « charte de charité » fut composée vers 1113 pour établir les relations d’interdépendance entre Cîteaux et les quatre premières abbayes issues d’elle : La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond.

À l’encontre du régime de Cluny, centralisé à l’extrême, chaque communauté cistercienne conserve son autonomie et sa force d’expansion naturelle, tandis que l’unité de l’observance est maintenue par une juridiction de contrôle. Les deux rouages essentiels de cette législation sont la visite régulière et le chapitre général. Si les abbayes sont autonomes, l’abbé de la maison fondatrice conserve cependant sur l’abbaye fondée une juridiction de contrôle et d’appel, qu’il exerce par une visite annuelle dont il fait un rapport au chapitre général. Ce chapitre général réunit en principe tous les ans tous les abbés de l’ordre. L’abbé de Cîteaux — plus tard l’abbé général — détient une primauté d’honneur, mais c’est le chapitre général qui a l’autorité suprême. Ces dispositions équilibrées et originales permettront à l’ordre de maintenir son unité au cours de son expansion. La stabilité du moine dans une abbaye (prévue par la règle bénédictine, mais perdue de vue à Cluny) permet aux maîtres spirituels de former leur communauté, d’y créer un esprit et des traditions. D’autre part, la cohésion des monastères favorise une large diffusion des écrits et des idées.