air (suite)
En Italie, l’aria, née comme en France d’une forme populaire, la frottola, connut, avec l’apparition de l’opéra, une évolution plus rapide. Elle fut d’abord construite parfois selon un procédé dérivé de la musique de danse, sur une basse qui se répétait sans changement (basso ostinato), tandis que le chant variait de strophe en strophe. Cependant, bien que le nouveau style monodique eût tendance à s’appuyer surtout sur le récitatif, la forme ordinaire de l’air strophique ne fut pas dédaignée. On en trouve des exemples en 1600, dans l’Euridice de Peri et dans celle de Caccini. Dans ses Nuove Musiche (1601), Caccini fait la différence entre le madrigal, monodie accompagnée de forme libre, et l’aria strophique. Dans sa première phase, l’aria d’opéra, divisée en deux sections, resta liée, comme l’air de cour dans le ballet de cour, aux formes de la danse, mais fut surtout une diversion à l’envahissement du récitatif. Monteverdi l’employa sous toutes ses formes dans l’Orfeo (1607). Vers le milieu du xviie s., elle devint dans les opéras romain et vénitien, à la place du récitatif, dont la monotonie fatiguait, le moment le plus important de l’expansion lyrique, selon une poétique qui traduisait musicalement les sentiments des personnages au moyen du bel canto. Le chanteur, souvent un castrat, y improvisait pour le plus grand plaisir de son auditoire des agréments, des vocalises et des trilles. À la fin du siècle, avec A. Scarlatti, grand maître de l’opéra napolitain, l’aria da capo constitua la forme la plus importante de la musique dramatique. Elle comprenait trois sections contrastantes : la section mélodique centrale encadrée par deux mouvements animés, le dernier étant la reprise ornée du premier. Habilement traitée, elle s’insérait aussi bien dans l’action proprement dite que dans les divertissements, d’où les dénominations : aria cantabile (à la mélodie coulante), aria portamento (avec de longues tenues), aria di agilità, aria di bravura, arietta (petit air léger), etc. L’aria da capo, née au théâtre, pénétra tous les genres, la cantate, l’oratorio et la musique instrumentale (Aria de J.-S. Bach). Pratiquée jusqu’à la fin du xviiie s. (Mozart), elle fut ensuite délaissée à cause de sa rigidité formelle. L’air en un seul mouvement, que l’on rencontre parfois chez Rameau et Gluck, allait séduire les compositeurs, préoccupés de la vérité dramatique. De nos jours, le terme d’air est réservé à des soli vocaux assez étendus, accompagnés par l’orchestre (Ravel, Schéhérazade), que ce soit en des airs isolés ou qu’ils aient une destination précise (air de concert). Dans le drame lyrique, la déclamation selon le rythme du texte se fait d’une manière continue, sans répétitions ni reprises ; aussi l’air est-il de moins en moins perceptible, tant sa fusion est étroite avec le récitatif. Dans la musique contemporaine, si l’on excepte la chanson, air n’a plus guère de signification.
A. V.