Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

air (suite)

En Italie, l’aria, née comme en France d’une forme populaire, la frottola, connut, avec l’apparition de l’opéra, une évolution plus rapide. Elle fut d’abord construite parfois selon un procédé dérivé de la musique de danse, sur une basse qui se répétait sans changement (basso ostinato), tandis que le chant variait de strophe en strophe. Cependant, bien que le nouveau style monodique eût tendance à s’appuyer surtout sur le récitatif, la forme ordinaire de l’air strophique ne fut pas dédaignée. On en trouve des exemples en 1600, dans l’Euridice de Peri et dans celle de Caccini. Dans ses Nuove Musiche (1601), Caccini fait la différence entre le madrigal, monodie accompagnée de forme libre, et l’aria strophique. Dans sa première phase, l’aria d’opéra, divisée en deux sections, resta liée, comme l’air de cour dans le ballet de cour, aux formes de la danse, mais fut surtout une diversion à l’envahissement du récitatif. Monteverdi l’employa sous toutes ses formes dans l’Orfeo (1607). Vers le milieu du xviie s., elle devint dans les opéras romain et vénitien, à la place du récitatif, dont la monotonie fatiguait, le moment le plus important de l’expansion lyrique, selon une poétique qui traduisait musicalement les sentiments des personnages au moyen du bel canto. Le chanteur, souvent un castrat, y improvisait pour le plus grand plaisir de son auditoire des agréments, des vocalises et des trilles. À la fin du siècle, avec A. Scarlatti, grand maître de l’opéra napolitain, l’aria da capo constitua la forme la plus importante de la musique dramatique. Elle comprenait trois sections contrastantes : la section mélodique centrale encadrée par deux mouvements animés, le dernier étant la reprise ornée du premier. Habilement traitée, elle s’insérait aussi bien dans l’action proprement dite que dans les divertissements, d’où les dénominations : aria cantabile (à la mélodie coulante), aria portamento (avec de longues tenues), aria di agilità, aria di bravura, arietta (petit air léger), etc. L’aria da capo, née au théâtre, pénétra tous les genres, la cantate, l’oratorio et la musique instrumentale (Aria de J.-S. Bach). Pratiquée jusqu’à la fin du xviiie s. (Mozart), elle fut ensuite délaissée à cause de sa rigidité formelle. L’air en un seul mouvement, que l’on rencontre parfois chez Rameau et Gluck, allait séduire les compositeurs, préoccupés de la vérité dramatique. De nos jours, le terme d’air est réservé à des soli vocaux assez étendus, accompagnés par l’orchestre (Ravel, Schéhérazade), que ce soit en des airs isolés ou qu’ils aient une destination précise (air de concert). Dans le drame lyrique, la déclamation selon le rythme du texte se fait d’une manière continue, sans répétitions ni reprises ; aussi l’air est-il de moins en moins perceptible, tant sa fusion est étroite avec le récitatif. Dans la musique contemporaine, si l’on excepte la chanson, air n’a plus guère de signification.

A. V.

air

Milieu gazeux qui forme l’atmosphère terrestre.



L’air et l’histoire de la science

L’air a joué un rôle primordial dans l’étude du monde par l’homme et dans le développement des connaissances qui a abouti à la création de la science chimique actuelle.

L’air est nécessaire à la vie et c’est en faisant du feu avec du bois, de la paille ou des feuilles que les hommes ont commencé à utiliser l’air dans une transformation chimique volontairement provoquée. Des foyers d’origine humaine ont été observés dans des terrains remontant à près de 100 000 ans, et même des foyers récemment découverts à Nice pourraient remonter à une phase mindélienne datant de près de 300 000 ans.

Mais on peut considérer que la notion d’air n’apparaît, de façon explicite dans des écrits se rapportant à la chimie, qu’avec les travaux des philosophes grecs.


L’air et la philosophie grecque

Les penseurs grecs recherchèrent la « matière fondamentale », afin de connaître de quoi se composait le monde. Ils espéraient ainsi pouvoir résoudre tous les problèmes de la vie et de la transformation de la matière, tels qu’on les observe.

Cet examen fut entrepris au cours du vie s. av. J.-C. par l’école grecque ionienne. Alors que Thalès estimait que l’eau était la « matière fondamentale » de toute chose et le « plus noble élément », Anaximène, disciple de l’école de Thalès, considérait l’air comme le principe essentiel de la matière et expliquait la formation des divers êtres par sa condensation.

Du problème de matière et de celui de forme fondamentale naquit la recherche de l’explication de l’éternelle formation et disparition des objets ainsi que de leur changement continuel ; ainsi l’on fut conduit au problème de la formation et du devenir du monde. À l’opinion des Éléates, qui, avec Xénophane et Zénon, considéraient qu’il n’y a qu’un « être immuable », s’opposa la réponse donnée par Héraclite, pour lequel l’essence de toute chose est en perpétuelle transformation : ce qui amena à considérer le feu comme le symbole de l’être fondamental. En cherchant à concilier ces deux derniers points de vue, les philosophes grecs du milieu du ve s. av. J.-C. furent conduits les uns vers la « théorie des éléments », les autres vers la « théorie des atomes* ».

La théorie des éléments dérive de l’idée babylonienne issue de l’observation du ciel et selon laquelle tout phénomène terrestre est le reflet d’un phénomène céleste. Empédocle exprima la thèse selon laquelle le monde est constitué par quatre matières, « les éléments », correspondant aux quatre planètes (alors connues). Ces quatre éléments sont « le feu, l’air, l’eau et la terre ». Sous l’effet de « l’amour » et de « la haine », ces éléments s’unissent puis se désunissent, ce qui engendre un perpétuel changement. Platon considéra que ces « éléments » sont constitués par une même matière primitive, mais se différencient par des formes et donc par des surfaces externes différentes. « L’air » se voyait attribuer la forme d’un octaèdre. Aux quatre éléments précédemment définis, Aristote en ajouta un cinquième, l’éther, que des philosophes appelèrent plus tard quintessence. Selon Aristote, les éléments sont une matérialisation de propriétés qui peuvent s’échanger, ce qui le conduisit à l’idée de la « transmutation des éléments ». Il y aurait quatre propriétés fondamentales s’opposant deux à deux, chaque élément possédant une propriété de chacune des paires ainsi constituées. Ces propriétés sont « sec » et « humide », « froid » et « chaud », et l’air est « humide » et « chaud ». Cette théorie a constitué la base des travaux des alchimistes.