Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Ain. 01 (suite)

Dans tout le département, les noms de pays évoquent les associations de terroirs complémentaires, bases de l’ancienne économie rurale. Au cœur de la masse montagneuse du Jura méridional, le Bugey rassemblait autour du riche bassin de Belley et du chaud Valromey les ressources des montagnes forestières ; sur le versant oriental dominant le plateau suisse, le pays de Gex a vécu dans l’orbite de Genève, tandis que le versant occidental ou Revermont était incorporé aux plaines voisines sous le nom de Haute-Bresse ; l’ancienne principauté de Dombes avait pour capitale Trévoux, située sur la côtière qui limite le plateau au-dessus de la vallée de la Saône. La difficulté des communications, dans le Jura méridional comme dans les plaines argileuses, humides, peu propices à l’entretien des chemins, a maintenu longtemps cette vie locale.

Soumis à un climat assez humide (700 mm en Dombes, 962 mm à Bourg et 1 420 mm à Nantua), le département présente de grandes surfaces en herbe et en bois. Les forêts couvrent près de la moitié des régions montagneuses, avec cependant moins de résineux que dans le Jura central ; en Dombes, elles constituent des réserves de chasse. L’élevage des bovins, des porcs et des volailles fournit près des trois quarts du produit agricole brut ; le reste est constitué surtout par des céréales et des légumes. L’agriculture bénéficie de plusieurs facteurs économiques favorables : la proximité de Lyon et de Genève, marchés de consommation et sources de capitaux, la vigueur du mouvement coopératif appliqué à des formes industrielles de production (beurreries, fromageries, élevage de poulets) et à la commercialisation des produits (lait, œufs, viande). Cependant, les structures restent très diversifiées. Le fermage intéresse près de la moitié de la surface agricole utile ; il est fréquent dans la Dombes. Le bocage bressan, dont les sols lourds et peu fertiles exigeraient des machines puissantes et beaucoup d’engrais, se trouve divisé en un grand nombre de petites et moyennes exploitations : le maïs et les célèbres volailles ne suffisent plus à maintenir la population de ce pays réputé jadis pour sa richesse. L’exode rural frappe aussi les pays de montagne, surtout le Bugey méridional, plus sec.

La géographie industrielle présente des activités de transformation à la fois variées et dispersées. Les unes ont pour origine les forêts et l’agriculture ; elles intéressent surtout la Bresse : fabrique de meubles à Bourg et à Pont-d’Ain, conserveries et salaisons à Mézériat, fromageries à Servas (bleu de Bresse) et à Gex, etc. D’autres activités se rattachent aux anciennes traditions des industries montagnardes : la région d’Oyonnax, spécialisée depuis des siècles dans la fabrication des peignes, a ajouté celle des lunettes et la transformation des matières plastiques ; le pays de Gex taille les diamants. Il y a peu de ressources énergétiques et minérales : cependant l’énergie hydraulique de la Valserine et du Rhône (Génissiat) explique le développement industriel de Bellegarde (papeterie, carbure de calcium, ferro-alliages) ; un petit gisement de gaz naturel a justifié l’installation d’une verrerie à Lagnieu ; les calcaires du Bugey sont transformés en ciment près de Belley. Bourg est le plus important centre industriel. Des initiatives locales se sont manifestées à Belley (maroquinerie), à Châtillon-sur-Chalaronne (produits pharmaceutiques), etc. Mais d’autres représentent des activités d’origine lyonnaise. Cette influence de la grande ville proche s’est exercée autrefois autour d’Ambérieu au profit du textile (tissages de Jujurieux, filature de schappe de Saint-Rambert et Tenay) ; elle se manifeste aujourd’hui tout près de Lyon avec l’industrie chimique (Saint-Maurice-de-Beynost et Balan). Ferney-Voltaire et Saint-Genis-Pouilly accueillent des activités genevoises, d’autant mieux qu’ils se trouvent comme Gex sous un régime douanier spécial, celui de la zone franche.

Le département est moyennement peuplé, mais sa population est très inégalement répartie. Certains cantons du Bugey et de la Dombes ont moins de 25 hab. au km2. Au contraire les cantons de Bourg, Ambérieu, Gex sont en pleine expansion. Le département n’a pas de grandes agglomérations : Bourg dépasse à peine 50 000 habitants, Oyonnax 25 000, Ambérieu-en-Bugey et Bellegarde 10 000. La population urbaine représente un peu plus de la moitié du total. Après un déclin démographique qui a duré un siècle (1851-1946), l’Ain connaît une forte expansion, due pour un tiers à l’excédent naturel et pour deux tiers à l’immigration.

M. L.

➙ Bourg-en-Bresse / Rhône-Alpes.

air

Dans son sens le plus large, mélodie formant une unité et destinée à être chantée ou jouée sur un instrument (un air de musique).


En cette acception, son origine est très ancienne. Mais le terme n’apparut qu’au xvie s. pour désigner une « manière d’être » de la chanson. Le motif musical prit alors une signification empruntée à une formule du langage commun : « paroles à chanter sur l’air de... ». En 1570, G. Costeley, dans sa Musique, distingua le premier explicitement la chanson polyphonique traditionnelle de celle « en façon d’air ». Celle-ci prit bientôt le nom d’air de cour (1571). Issu du populaire vaudeville, l’air de cour se caractérisait essentiellement par sa forme strophique et sa structure simple. Il renonçait aux artifices du contrepoint. Chaque strophe se chantait sur la même mélodie. Divisé en deux sections — la seconde pouvant être un refrain —, il était confié à une voix soliste accompagnée par un luth, une guitare ou une épinette, ou par les autres voix de la polyphonie, mais toujours avec une fonction accompagnante. Quel que soit son mode d’exécution — on pouvait aussi le chanter en solo sans aucun accompagnement —, l’air de cour, terme générique mais vague, désigna aussi bien une chanson amoureuse, un air précieux ou galant, qu’un air de ballet, un air à danser ou un air à boire. Vers 1640-1650, le genre se transforma. L’adoption de la basse continue rendit caduque l’écriture polyphonique. Le nouvel air sérieux amplifia les formes anciennes et s’enrichit de l’air en rondeau. Cet art d’amateur, mis à la mode par Gabriel Bataille, connut sous Henri IV, Louis XIII et Mazarin une vogue considérable à la Cour et dans les salons des précieux et des bourgeois. Son répertoire étendu devait servir de base à l’opéra « lullyste ». Par la forme, sinon par l’inspiration, l’ayre anglais, dont J. Dowland donna les premiers exemples en 1597, fut le pendant de l’air de cour et en subit parfois l’influence. En Allemagne, l’Arie, représentée par les recueils d’H. Albert (1638-1650), qui contiennent de nombreux emprunts étrangers, notamment français, désigna par la suite l’air d’opéra ; le terme de Lied était réservé à la mélodie de chambre.