Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cinétique (suite)

Pour chaque élément de masse m du corps, la vitesse circonférentielle est v = ω R, ω étant la vitesse angulaire et R la distance de cet élément à l’axe de rotation. On a donc pour cet élément

Pour le corps tout entier, si la vitesse de rotation ω est constante, l’énergie cinétique est Or, la quantité Σ m R2 est le moment d’inertie I, et l’énergie cinétique est

M. D.

 P. Appell, Traité de mécanique rationnelle (Gauthier-Villars, 1893-1902 ; nouv. éd., 1921-1926 ; 3 vol.). / L. Lecornu, Cours de mécanique professé à l’École polytechnique (Gauthier-Villars, 1914-1918 ; 3 vol.). / H. Bouasse, Dynamique générale (Delagrave, 1922). / J. Reveille, Dynamique des solides (Baillière, 1923). / E. Jouguet, Lectures de mécanique (Gauthier-Villars, 1924 ; 2 vol.). / A. Boulanger, Leçons choisies de mécanique. Dynamique des solides tournants (Gauthier-Villars, 1926-1927 ; 3 vol.). / J. Chazy, Cours de mécanique rationnelle (Gauthier-Villars, 1933 ; 2 vol. ; nouv. éd., 1942 ; 3 vol.). / Société académique Hütte, Des Ingenieurs Taschenbuch (Berlin, 1951-1955 ; 5 vol. ; trad. fr. Manuel de l’ingénieur, Béranger, 1960-1962 ; 2 vol.).

cinétique (art)

Forme d’art plastique fondée sur le caractère changeant de l’œuvre, son mouvement réel ou apparent.



Introduction

Les termes de cinétisme et de cinétique, devenus courants dans le langage artistique contemporain, ont été empruntés au langage scientifique du xixe s. Après le kinétoscope d’Edison et l’appareil cinématographique des frères Lumière, la technique de l’image en mouvement — le cinéma — établit le rapport direct entre un terme autrefois scientifique et une expression visuelle.

C’est dans leur Manifeste réaliste de 1920 que N. Gabo et A. Pevsner (v. Pevsner) emploient pour la première fois le qualificatif de cinétique à propos de l’art ; ils considèrent les rythmes cinétiques comme « les formes essentielles de notre perception du temps réel ». Le début des recherches sur l’art plastique en mouvement remonte d’ailleurs à la même époque.

Le mouvement, représenté de façon descriptive à travers toute l’histoire de la peinture et de la sculpture en tant que déplacement, geste ou rythme arrêtés dans un espace statique, a été aussi employé, consciemment ou inconsciemment, dans d’autres buts : l’amusement, les effets dramatiques, les effets décoratifs. Les œuvres cinétiques trouvent ainsi leurs sources aussi bien dans la tradition artistique que dans certaines réalisations para- ou extra-artistiques, comme les marionnettes, les automates, les jaquemarts, les jeux et jouets mécaniques, les machines hydrauliques, les trompe-l’œil baroques, les anamorphoses, les scénographies, les projections théâtrales, les orgues à couleurs, les tableaux animés et le cinéma.

Par le mouvement, l’œuvre cinétique se « répand » dans le temps et dans l’espace. Réel, optique ou lumineux, le cinétisme n’est pas lié à une technique ou à un matériau particuliers et ne signifie nullement la « motorisation » des formes déjà existantes. Le mouvement organise et suggère un espace nouveau qui se révèle dans le temps, constituant en quelque sorte la concrétisation visuelle du rapport dynamique de ces deux dimensions.

L’art cinétique se développe et s’affirme à partir de 1953-54. Au sens étroit du terme, cet art comprend les œuvres en mouvement réel (machines et mobiles) et les œuvres combinant la lumière et le mouvement ; dans un sens plus large, il comprend aussi les œuvres à mobilité virtuelle, qui exercent sur le spectateur une contrainte optique ou tactile de mouvement.


Les précurseurs

Étroitement liées aux problèmes esthétiques que soulève l’irruption de la machine, les premières œuvres tridimensionnelles en mouvement réel, exécutées autour de 1912-1925, s’inscrivent dans le contexte des propositions dadaïstes, constructivistes ou d’esprit scientifique. Le dadaïste Marcel Duchamp* est un des premiers à intégrer de façon consciente le mouvement dans l’œuvre même ; il s’intéresse à l’aspect mécanique du mouvement en tant que thème, en se rapprochant du futurisme* (Nu descendant un escalier), et réalise des constructions visant à créer, par la rotation, des illusions optiques ou spatiales (Roue de bicyclette, Machine optique, Rotative demi-sphère).

C’est lui qui a employé le terme de mobiles en parlant des œuvres d’Alexander Calder* exposées en 1932 à Paris et à New York. Il s’agissait d’œuvres mues par de petits moteurs électriques ou à l’aide de manivelles. Par la suite, Calder a construit des mobiles mus par l’air et, dès lors, s’est situé, par rapport au mouvement, à l’opposé de l’esprit mécaniste ; son vocabulaire formel reste proche d’une abstraction poétique presque picturale. Dans ses mobiles en équilibre instable, le mouvement intervient comme animation supplémentaire, en révélant un monde nouveau que l’artiste, cependant, n’entreprend guère d’explorer. Man Ray (v. dada) réalise aussi des expériences cinétiques avec des mobiles, notamment l’Abat-Jour (1920), spirale en papier suspendue au plafond ; il utilise également le mouvement mécanique.

Dans un esprit tout à fait différent, les constructivistes russes développent, avec leurs recherches sur l’espace, les possibilités du mouvement comme signe visuel du temps. En fait, le concept et l’étude du réel jouent un rôle prépondérant chez ces artistes, praticiens de l’« art de laboratoire ». « La sculpture constructiviste a quatre dimensions [...]. Nous essayons d’intégrer l’élément temps ; par temps je veux dire mouvement, rythme : le mouvement réel », écrit Gabo, qui, en 1920, construisait la première Sculpture cinétique, une tige d’acier mise en mouvement par un moteur. À la même époque, Vladimir Tatline* proposait une utilisation du mouvement dans son projet pour le Monument de la IIIe Internationale : il recréait « l’espace réel, à l’aide de matériaux réels, en utilisant le mouvement réel ». Ses Contre-Reliefs, constructions suspendues dans l’angle de deux murs, établissaient un mouvement spatial par le jeu de plans ouverts liant l’intérieur et l’extérieur de l’œuvre. Aleksandr Rodtchenko (1891-1956) et Gabo s’appuient sur le même principe pour leurs œuvres à mouvement réel, de source mécanique ou naturelle.