Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aide sociale (suite)

Il faut cependant noter que certaines décisions des pouvoirs publics ont tout ensemble des objectifs policiers et charitables. C’est ainsi qu’en 1544 François Ier — essentiellement guidé par la préoccupation d’affirmer l’autorité royale — institue à Paris le Grand Bureau des pauvres, chargé de secourir à domicile les indigents, et qu’en 1576 Henri III approuve la création d’une maison de la charité, où il place de pauvres gentilshommes et des soldats invalides. (La maison disparaîtra un peu plus tard, mais elle apparaît comme l’ancêtre de l’hôtel des Invalides de 1670.) Louis XIII soutient le projet consistant à créer des hôpitaux pour enfermer les « vrais pauvres », comme cela avait été fait à Lyon (hôpital de la Charité) ; un dépôt de mendicité est ouvert à Nantes en 1650 ; Louis XIV crée, en 1656, l’Hôpital général de Paris (ancêtre de notre Assistance publique) et prend en 1662 un édit prescrivant aux grandes villes de faire de même.

Avec la Révolution française, les préoccupations sociales prennent le dessus. « On a toujours pensé à faire la charité aux pauvres et jamais à faire valoir les droits de l’homme pauvre sur la société et ceux de la société sur lui... La bienfaisance publique n’est pas une vertu compatissante, elle est un devoir, elle est la justice. » La Convention déclare que l’assistance du pauvre est une dette nationale et prévoit l’attribution par chaque législature d’une somme destinée à permettre aux départements de secourir les indigents ; elle organise l’assistance à la famille, aux enfants et aux vieillards. Mais si cette même Convention décrète la « vente des biens des hôpitaux, fondations et donations en faveur des pauvres dès l’organisation complète définitive et en pleine activité des secours publics », elle ne dispose à aucun moment des sommes nécessaires au fonctionnement de ces services. Ce sont donc les communes, les hôpitaux et les hospices qui prennent en charge les nécessiteux si nombreux pendant la période révolutionnaire. La IIe République proclame à son tour que l’État « doit par une assistance fraternelle assurer l’existence des citoyens nécessiteux », mais les projets n’aboutissent pas. Cependant, une loi de 1851 organise le fonctionnement des hôpitaux et hospices, qui restent à la charge des communes (celles-ci ne peuvent cependant plus imposer de conditions de domicile aux malades sans ressources), et prévoit la possibilité d’une participation du département. L’assistance moderne à caractère obligatoire n’est organisée en France qu’à la fin du xixe et au début du xxe s. Le législateur de 1953 substitue l’expression nouvelle d’aide sociale à l’ancienne dénomination d’assistance, de façon à mieux marquer qu’il s’agit bien d’une institution de solidarité nationale.


L’organisation

Depuis 1920, l’ensemble des services nationaux et départementaux de l’aide sociale sont rattachés à un seul département ministériel, dont la dénomination et les attributions ont varié. L’État gère directement treize établissements nationaux, notamment les Quinze-Vingts ; pour le reste, il anime et contrôle les établissements et les services locaux chargés de l’application des diverses législations d’aide sociale. Les services administratifs centraux sont assistés de divers conseils consultatifs, en particulier du Conseil supérieur de l’aide sociale. En principe, le département constitue la cellule de base de l’assistance. Cependant, les bureaux d’aide sociale communaux ou intercommunaux jouent un rôle important : participation à l’étude des demandes d’admission, distribution de secours, création et gestion de services sociaux locaux (crèches, dispensaires, asiles de nuit, etc.), tenue de fichiers permettant d’éviter les doubles emplois dans la distribution des secours et des allocations. Un régime spécial a été prévu pour les villes de Paris et de Marseille.

L’admission à l’aide sociale est subordonnée à diverses conditions dont la plus importante est relative aux ressources. En principe, l’admission est prononcée par une commission composée du juge d’instance, de fonctionnaires départementaux, de représentants des régimes de droit commun de sécurité sociale et d’élus appartenant à la circonscription territoriale intéressée ; appel peut être formé devant une commission départementale, dont les décisions peuvent à leur tour être déférées à la commission centrale d’aide sociale ; les décisions de toutes ces commissions sont soumises à la censure du Conseil d’État. Il a été prévu une procédure d’urgence en matière d’hospitalisation : la décision appartient au maire (au préfet pour les tuberculeux), mais elle doit être ratifiée par la commission d’admission.

Les dépenses des législations d’aide sociale obligatoire sont inscrites au budget départemental, qui les centralise ; certaines d’entre elles font ensuite l’objet d’une répartition entre l’État, le département et la commune. La participation de la commune et du département a pour objet d’inciter ces collectivités à tenir compte des répercussions financières des décisions d’admission qu’elles prennent. La notion de domicile de secours permet de déterminer le département qui assumera partiellement la charge des décisions d’admission prises ; l’acquisition d’un domicile de secours par un demandeur de l’aide sociale résulte d’une résidence continue de trois mois.


Les principales formes d’aide sociale

L’aide médicale gratuite a été instituée par la loi du 15 juillet 1893, et les étrangers en bénéficient pratiquement au même titre que les Français. Elle revêt deux formes : 1o l’aide médicale à domicile, qui dans l’esprit du législateur devait primer, mais qui, du fait des techniques médicales modernes, n’a plus qu’une place réduite. Le malade a le libre choix de son praticien parmi les médecins inscrits sur une liste administrative ; les soins lui sont dispensés gratuitement (l’Administration rémunère directement médecin, auxiliaire et pharmacien) ; s’il est assuré social, l’aide médicale ne prend en charge que le ticket modérateur ; depuis 1953, une allocation mensuelle est versée au malade dont les soins sont intégralement pris en charge par l’aide sociale depuis au moins trois mois, si la maladie l’empêche de travailler ; 2o l’aide médicale hospitalière, qui est devenue la plus fréquente, bien que quelques expériences aient été faites pour introduire en France les pratiques américaine et néerlandaise du « home care », c’est-à-dire des soins hospitaliers à domicile, dont le coût ne représenterait qu’environ le quart de celui d’une journée d’hospitalisation et dont l’efficacité serait au moins équivalente (surtout dans la mesure où ils s’accompagnent de la fourniture ou de la prise en charge d’une aide ménagère).