Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

christianisme (suite)

Ces grandes controverses du ive et du ve s. eurent pour résultat de fixer le dogme chrétien à peu près définitivement en ce qui concerne les croyances trinitaires et christologiques, qui ne seront plus jamais remises en question. Toutefois, ces débats théologiques ont eu aussi une autre conséquence non moins importante pour l’avenir de l’unité de cette croyance elle-même ; ils ont creusé un fossé de plus en plus profond entre Églises d’Orient et Églises d’Occident.

On a pu voir un Orient arien ou un Orient nestorien ou monophysite contre un Occident à peu près orthodoxe. Cette divergence est accentuée par la rivalité politique entre Rome et Constantinople, par les différences des mentalités entre Orientaux et Occidentaux, surtout par l’ingérence des empereurs byzantins dans les affaires religieuses ; dans tout cela on discerne les signes d’un schisme.

Cependant, ce qui domine cette époque et ce qui aura pour l’avenir les plus durables conséquences, c’est la personnalité et l’œuvre de saint Augustin* (354-430). Celui-ci sera le grand docteur de l’Occident, qui, avec lui, passe au premier plan et va désormais prendre la première place dans l’histoire de la théologie et du dogme chrétiens.

Les théologiens du Moyen Âge, et les plus grands, un saint Bonaventure et un saint Thomas d’Aquin, se voudront ses disciples. On peut dire que toute la pensée médiévale est issue de lui, si bien que, n’eût été sa place dans la chronologie, saint Augustin pourrait figurer en tête du chapitre consacré au christianisme médiéval.

Pourtant, par d’autres côtés, il est bien un homme de son temps. Avant sa conversion, en effet, il a été un adepte du manichéisme. Plus qu’une hérésie, c’était une philosophie ou plutôt une religion qui mêlait des éléments chrétiens à un vieux fonds iranien, celui de l’ancien dualisme mazdéen. Apparaît ici ce second thème, évoqué plus haut, des rapports du bien absolu, Dieu, avec le problème du mal. Dès le début du christianisme, comme de toutes les religions supérieures, surgissent ces deux questions fondamentales : définir Dieu — et c’est tout le sujet de ces grandes controverses —, puis ou en même temps étudier les relations entre le bien et le mal.

Pour les manichéens, que saint Augustin réfutera, toute la matière est mauvaise, et le mal, qui est cette matière, se dresse comme puissance adverse d’égale force devant la bonté de Dieu. Cette doctrine dualiste persistera longtemps et réapparaîtra au Moyen Âge sous la forme du bogomilisme dans la chrétienté orientale et sous celle du catharisme dans la chrétienté occidentale.

L’apport essentiel de saint Augustin se trouve dans ses commentaires de l’Écriture sainte et dans sa Cité de Dieu, où il contribue à constituer la doctrine chrétienne autour de quelques thèmes centraux, ceux du Christ, de l’Église et de l’homme. Très marquée par la théologie de saint Paul, sa doctrine de la grâce devait avoir jusqu’au xviie s. un énorme retentissement.

Pour saint Augustin, la théologie est avant tout une science du salut. L’homme, venu de Dieu comme toute la création et éloigné de lui par le péché originel, doit lui faire retour par la médiation du Christ, prolongée dans l’Église. La foi chrétienne est une histoire du salut. Saint Augustin écrit dans sa Cité de Dieu : « Deux amours ont bâti deux cités, l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. »

Ainsi, l’histoire chrétienne est celle de deux cités en conflit, mais avec l’assurance du triomphe final de la Cité du bien, sotériologie, comme on le voit, qui reflète un certain manichéisme, celui de l’Augustin d’avant sa conversion. L’homme reçoit le salut au moyen de la grâce divine, sans laquelle il serait impuissant à faire le bien. Cette idée, explicitée plus tard selon différentes interprétations, sera au cœur des controverses catholiques, protestantes et jansénistes.

Cette doctrine servit à saint Augustin à combattre une hérésie, née en Occident celle-là, le pélagianisme, prêché à Rome par un moine breton, Pelage (v. 360 - v. 422). Cette hérésie prétendait, par réaction contre le manichéisme, que l’homme par son seul libre arbitre peut éviter le péché et faire le bien. Les fautes sont donc inexcusables, puisque dépendantes de la seule volonté ; c’était revenir au stoïcisme païen et nier la nécessité de la Rédemption.

Sous l’influence de saint Augustin, qui avait expérimenté dans sa chair la puissance du péché, Rome condamna le pélagianisme au début du ve s., mais cette hérésie survécut sous une forme appelée semi-pélagianisme, et c’est seulement après le deuxième concile d’Orange en 529 qu’elle disparut complètement. Mais, preuve de la difficulté des problèmes traités, les rapports délicats entre grâce divine et libre arbitre, la controverse rejaillira aux xvie et xviie s. avec les protestants et les jansénistes.

Lorsque s’achève le ve s., sont déjà en germe dans les grandes controverses théologiques, d’une part, et dans le problème de la grâce, d’autre part, les causes qui amèneront le christianisme, au xie s. avec le schisme oriental, au xvie s. avec celui de Luther, à la rupture de l’unité de foi.

Profession de foi du concile de Chalcédoine (451)

« À la suite des Saints Pères nous enseignons tous à l’unanimité un seul et même Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, complet quant à sa divinité, complet aussi quant à son humanité, vrai Dieu et en même temps vrai homme, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel à nous par son humanité, semblable à nous en tout sauf le péché ; engendré du Père avant tous les siècles quant à la divinité, et quant à l’humanité né pour nous dans les derniers temps de la Vierge Marie Mère de Dieu. Nous confessons un seul et même Jésus-Christ, Fils unique, que nous reconnaissons exister en deux natures, sans qu’il y ait ni confusion, ni transformation, ni division, ni séparation entre elles, car la différence des deux natures n’est nullement supprimée par leur union.