Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

christianisme (suite)

Le christianisme des grandes controverses (ive-ve s.)

Comme on le voit, au cours des trois premiers siècles, le christianisme tente de s’établir fermement au point de vue sacramentaire, ecclésial et doctrinal en face du paganisme et des philosophies qui en sont issues, tout en essayant avec Origène un début de synthèse avec ce que celles-ci avaient de meilleur.

Ayant victorieusement résisté au gnosticisme, il va se trouver, à partir du ive s., confronté à une opposition venue cette fois de l’intérieur. Au moment où finit de mourir le paganisme, les grandes controverses trinitaires et christologiques amèneront le christianisme à préciser sur ces points sa croyance.

On peut s’interroger sur les idées qu’avaient en ces domaines les chrétiens des premiers siècles. Certes, depuis le début on confessait un Dieu en trois personnes, dont la seconde, le Fils, après avoir pris chair, avait sauvé l’humanité. Mais c’est à peu près tout, et le risque était grand, pour des hommes venus du judaïsme et du paganisme, de revenir aux concepts du vieux monothéisme juif, qui aurait réduit les personnes divines en une seule et unique, et du polythéisme, qui aurait, au contraire, nié leur égalité. Le Christ terrestre n’était-il pas seulement un homme et, s’il était Dieu, était-il différent du Père ? Voici ce qui, au début du ive s., n’était nullement résolu.

Dès le iiie s., un Paul de Samosate n’admet qu’une seule personne dans la divinité. Cette hérésie, appelée adoptianisme ou subordinatianisme, annonce les controverses du ive s. Pour elle, le Christ n’est qu’un homme adopté par Dieu. Pour Sabellius, au contraire, le Fils et le Saint-Esprit ne forment avec le Père qu’une même personne. On allait ainsi d’un extrême à l’autre. C’est alors que le pape Denys (pape de 259 à 268) mit les choses au point en condamnant les deux doctrines.

L’hérésie adoptianiste devait revivre bientôt dans une autre, qui reçut le nom d’arianisme, d’un prêtre d’Alexandrie, Arius*. Celui-ci proclame que le Verbe incarné en Jésus n’est pas vraiment Dieu, mais seulement la plus parfaite des créatures qui a mérité de participer par élection à la divinité. Arius fut combattu par saint Athanase* d’Alexandrie (v. 295 - 373).

Pour Athanase, qui reprend là la tradition de saint Irénée et de saint Ignace d’Antioche, le Christ n’est pas une créature, il est réellement Dieu par nature. Si Dieu est un et s’il n’a qu’une seule nature, les personnes sont bien distinctes entre elles. Athanase voit triompher sa doctrine au concile de Nicée en 325, réuni par l’empereur Constantin à la demande des évêques. Mais Nicée, sur le moment, n’avait rien réglé, et trois partis luttèrent ensemble jusqu’à la fin du siècle : ariens, orthodoxes et semi-ariens, l’imbrication nouvelle du pouvoir politique et du pouvoir religieux faisant pencher la balance tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.

C’est l’arrivée au pouvoir de Théodose Ier en Occident (379) qui consacre la victoire des nicéens. Au concile de Constantinople en 381, l’orthodoxie l’emporte dans l’Empire grâce à Athanase d’Alexandrie et à Basile de Césarée. En effet, une génération de penseurs chrétiens, que l’on a appelés les cappadociens, s’était levée à cette époque : saint Basile* de Césarée (329-379), qui fut le père du monachisme chrétien qui se répandit après lui en Orient, puis en Occident ; saint Grégoire* de Nazianze (v. 330 - v. 390) et saint Grégoire* de Nysse (v. 335 - v. 395).

C’est également à la fin du ive s. que le paganisme, malgré la réaction sans lendemain de Julien l’Apostat, empereur de 361 à 363, se vit supprimer, du moins officiellement, de 381 à 392 par une série de mesures de l’empereur Théodose, conseillé par saint Ambroise* (v. 340 - 397).

Les grandes controverses n’étaient pas mortes pour autant, et les séquelles de l’arianisme se firent sentir de nombreux siècles encore. Mais avant de les aborder, il faut souligner un fait important. Les Barbares goths, installés aux frontières de l’Empire, avaient été convertis au christianisme, mais par un évêque arien, Ulfilas (v. 311 - v. 383). Lorsque ces peuples avec Alaric envahirent et détruisirent l’Empire romain, ils véhiculèrent avec eux l’hérésie arienne, jusque-là surtout orientale, et la répandirent dans tout l’Occident.

Si le ive s. est celui des controverses trinitaires, le ve s. sera celui des controverses christologiques. L’orthodoxie, on l’a vu, avait insisté sur l’identité du Père et du Fils. En renchérissant sur cette idée, l’école antiochienne en arrivera à nier la réalité de l’humanité de Jésus.

Dès le ive s., Apollinaire (v. 310 - v. 390), évêque de Laodicée, s’était engagé dans cette voie. Au ve s., Nestorius, patriarche de Constantinople, nia que la Vierge fût la Mère de Dieu (Theotokos) et, par là, affirmait la dualité des natures humaine et divine de Jésus. Les orthodoxes, les tenants de l’école dite « alexandrine », comme saint Cyrille (v. 376-380 - † 444), se récrièrent, car ils y virent la négation même de la Rédemption, puisque dans le Christ la nature humaine seule aurait subi la Passion.

Au concile d’Éphèse en 431, saint Cyrille fit adopter la croyance à l’unité de la personne du Verbe incarné. Puis un prêtre de Constantinople, Eutychès (av. 378 - v. 454), ayant outré la pensée de Cyrille au point qu’il rejetait la dualité des natures, contre cette nouvelle hérésie « monophysiste » le quatrième concile œcuménique, celui de Chalcédoine, réuni en 451 par Léon le Grand (pape de 440 à 461), proclama la dualité des natures en une seule personne, celle du Verbe incarné.

Toutes ces querelles théologiques se trouvèrent aggravées par la rivalité entre les patriarcats d’Alexandrie et de Constantinople, et le pouvoir séculier, représenté par les empereurs d’Orient, y ajouta le poids de la politique. Ainsi, Théodose II, empereur d’Orient de 408 à 450, soutint les nestoriens, et sa sœur qui lui succéda, Pulchérie, permit le triomphe des orthodoxes à Chalcédoine.

Mais, après Chalcédoine, monophysites et nestoriens se constituèrent en Églises et subsistèrent jusqu’au viie s. malgré une nouvelle condamnation au deuxième concile de Constantinople, réuni en 553 par Justinien Ier.