Choiseul (Étienne François, duc de) (suite)
Réorganisant la marine, il crée des arsenaux à Marseille et à Lorient, et il donne aux unités navales ainsi multipliées des bases dans le monde entier : Dakar, les îles de Gorée, de France et de Bourbon. Il assure la prise de possession de la Corse, achetée aux Génois, en 1768. C’est aussi quand il est au pouvoir qu’est signé le pacte de Famille (1761) et que la Lorraine devient française (1766).
Mais, pour que la politique extérieure projetée soit menée à son terme, il faut un royaume fort. Cette puissance au-dedans ne sera obtenue que par des réformes. Choiseul, comme beaucoup, les admet. Pour lui, une administration ferme doit aussi chercher l’appui et la coopération de sujets attachés par les sentiments et par l’intérêt à la bonne marche des affaires publiques.
Choiseul est néanmoins prisonnier de l’ordre auquel il appartient : s’il parle d’association des Français au gouvernement du royaume, c’est en la restreignant aux aristocrates. Ami des Encyclopédistes, il contribue à la suppression de l’ordre des Jésuites en 1764 ; mais il est aussi le protecteur de parlementaires qui ne parlent de liberté que pour mieux sauver et accroître les privilèges des nobles. En les aidant, il affaiblit le pouvoir royal à un moment où celui-ci est mis en accusation.
C’est la cause fondamentale de sa disgrâce, dont les artisans les plus directs seront les mécontents, les envieux et les intrigants groupés autour de Mme du Barry, du duc de Richelieu et du duc d’Aiguillon. Cette coalition trouve des appuis dans les rangs mêmes du gouvernement, auprès du chancelier Maupeou et du contrôleur Terray.
Choiseul est renvoyé en 1770, alors que le conflit entre l’Angleterre et l’Espagne, à laquelle la France était liée, lui laissait espérer sa guerre de revanche. Exilé dans son domaine de Chanteloup (près d’Amboise), il y accueille une société brillante qui déserte Versailles. Il joue le rôle de chef d’un « parti d’opposition ». Le comte d’Artois et la dauphine Marie-Antoinette, dont il a fait le mariage, le soutiennent. Quand Louis XV meurt (1774), Louis XVI lui préfère pourtant Turgot, puis Necker.
J.-P. B.
➙ Louis XV.
G. Maugras, la Disgrâce du duc et de la duchesse de Choiseul (Plon et Nourrit, 1903). / H. Verdier, le Duc de Choiseul (Debresse, 1969).