Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Le plus ancien spécimen de pinceau connu fut découvert dans une tombe du ive ou du iiie s. av. J.-C., à Changsha (Tch’ang-cha), au Hunan (Hou-nan). Il se compose de poils de chèvre montés sur une tige de bambou. Au cours des siècles, différentes recettes furent utilisées pour obtenir le degré de souplesse et de fermeté voulu, en mélangeant parfois des poils durs et des poils doux. À la différence de la technique occidentale, le pinceau chinois est tenu verticalement. La vigueur du trait dépend de la maîtrise non pas des doigts et de la main, mais du poignet qui, sans appui, transmet directement à la pointe du pinceau l’énergie de l’artiste. Le coup de pinceau, plus ou moins appuyé, lent ou rapide, étalant une encre épaisse ou diluée, offre des variations infinies.

La qualité du support joue par sa beauté et son pouvoir absorbant. La soie ou le papier imposent le plus souvent une exécution rapide, sans repentirs possibles dans la composition.


Peinture

Les peintures chinoises se présentent sous forme de rouleaux horizontaux ou verticaux.

• Le rouleau horizontal (en jap. makimono) ajoute à la notion d’espace une dimension temporelle. L’œil progresse au fur et à mesure que les scènes se déploient de droite à gauche. Semblable au déroulement d’une musique, le rythme est marqué par des pleins et des vides, des zones de forts encrages répondant à des nappes d’encre pâle et légère.

• Le rouleau vertical (en jap. kakemono), que l’on suspend, favorise les compositions en hauteur. Les plans se succèdent de bas en haut pour évoquer les proches et les lointains.

L’identité des méthodes et des matériaux utilisés pour l’écriture et pour la peinture suffit à expliquer la parenté qui existe entre elles. Pourtant, calligraphie et peinture n’ont pas participé d’emblée d’une commune esthétique. Il faut attendre les recherches de la seconde moitié du viiie s. sur les virtualités de l’encre, tributaires des innovations calligraphiques, pour que la peinture se détourne de ses origines artisanales et de ses représentations figuratives. Le paysage à l’encre monochrome (lavis) devient alors une catégorie distincte, la discipline privilégiée d’une élite intellectuelle et sociale. À l’encontre du travail traditionnel et descriptif, qui consiste à cerner le contour des objets par un dessin lent et minutieux, ce nouveau courant tend à la suggestion par un style elliptique et fragmentaire. Exigeant du peintre moins de précision, il lui demande plus de puissance et de vie.

Le bouddhisme chan (tch’an*), lié à la mystique taoïste, contribua sans doute à l’épanouissement de l’art du paysage. En mettant l’accent sur la méditation et le détachement, d’où peut renaître la spontanéité profonde de l’artiste, il favorisait une communion parfaite entre le peintre et la nature. C’est alors que s’élabore la peinture des lettrés (wenren hua), ainsi nommée sous les Ming*, mais dont la théorie est formulée dès le xie s. par le peintre et poète Su Dongpo (Sou Tong-p’o). L’artiste ne cherche pas à copier l’univers, mais à découvrir le rythme interne qui anime les choses au-delà de l’apparence. L’art correspond à une nécessité intérieure et exprime la personnalité. À partir des Yuan*, le poème et la calligraphie apposés sur la peinture comptent autant que le lavis d’encre pour traduire l’état d’âme de l’artiste. L’étude des Anciens, base de la peinture des lettrés, n’est pas (comme on le croit souvent en Occident) une copie stérile : le peintre s’enrichit au contact des grandes œuvres du passé et revit librement l’expérience des maîtres. L’important est de transmettre un rythme spirituel, de faire de la peinture une « écriture du cœur ».

(N. B. — Les principaux peintres chinois sont présentés à leur ordre alphabétique dans l’encyclopédie.)


Estampage

L’estampage est un procédé permettant de reproduire à l’encre, sur papier, des inscriptions ou des dessins gravés sur pierre. Cette technique fut sans doute pratiquée en Chine dès le iie s. apr. J.-C., mais les plus anciens spécimens subsistants datent du viie s. La méthode la plus courante consiste à recouvrir le sujet d’une feuille de papier légèrement humide et à tapoter la surface avec un maillet feutré pour que le papier adhère au support. On applique ensuite, à l’aide d’un tampon de charpie, une encre épaisse sur toute la surface. Quand celle-ci a séché, on décolle le papier du support, et le dessin en creux apparaît à l’endroit, en blanc sur fond noir. Ses qualités esthétiques et son degré de fidélité valent à l’estampage d’être apprécié des connaisseurs à l’égal d’une œuvre d’art originale.


Architecture

L’architecture chinoise a conservé jusqu’au xixe s., des prescriptions cosmologiques anciennes, quelques principes essentiels : l’orientation, la pureté géométrique des formes et la symétrie par rapport à un axe nord-sud. Ces données de base valent pour la ville, le palais, le temple ou l’habitation privée, dont le site est choisi avec soin par les géomanciens. De part et d’autre de l’axe orienté, l’espace s’organise à partir d’un schéma simple, susceptible de combinaisons multiples : la cour fermée sur ses quatre côtés par des bâtiments. La progression rythmée des ensembles architecturaux qui s’échelonnent le long de la voie médiane rappelle les temps forts et les temps faibles d’une composition musicale, les pleins et les vides d’une peinture qu’on déroule.

À la permanence des types de construction (pavillon rectangulaire simple ou à étages, tour, kiosque...), s’oppose l’éphémère des matériaux. Toutes les structures sont en bois, mais, en fait, le corps de l’édifice lui-même compte moins que la terrasse qui le supporte et la toiture qui le couvre. Entre ces deux éléments, les colonnes ont seules le rôle de soutien, tandis que les murs sont de simples écrans protecteurs. Un système élaboré de consoles, qui atteint son plein épanouissement sous les Tang et les Song*, supporte les poutres de la charpente et les bords du toit en saillie. Cette toiture très développée et variée dans ses formes, caractéristique des constructions chinoises, est rendue possible grâce au système de la ferme par empilage, qui superpose des poutres de longueur décroissante jusqu’à la hauteur désirée. Le toit est couvert de tuiles alternativement convexes et concaves. Peu cuites et grisâtres pour les bâtiments ordinaires, elles sont vernissées en bleu, jaune ou vert pour les demeures importantes.