Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Les résultats du « grand bond en avant »
La crise de 1960

Les statistiques officielles publiées au printemps 1959 font apparaître des résultats prodigieux : au cours de la seule année 1958, les productions d’acier, de charbon, de grains, de coton, notamment, ont doublé, et il en est de même pour les surfaces irriguées (accrues de 33 millions d’hectares), tandis que les rendements atteignent des taux fantastiques. Cependant, après la réunion du Comité central du P. C. C. tenue à Lushan (Lou-chan) du 2 au 16 août 1959, tous ces chiffres sont rectifiés : 8 Mt au lieu de 11 Mt d’acier, 250 Mt au lieu de 375 Mt de grains, par exemple. La méthode d’évaluation des récoltes (estimées sur pied et non mesurées une fois engrangées) et le zèle excessif des « cadres » sont une des causes de la surestimation des résultats de 1958, mais il y a eu beaucoup plus grave : on a bien produit 11 Mt d’acier, mais 3 Mt se sont révélées inutilisables ou d’une qualité très imparfaite, celles précisément qui ont été élaborées à partir de la production des « hauts fourneaux de poche », qui seront alors abandonnés aussi rapidement qu’ils sont apparus. Tandis que des millions de paysans étaient retenus par ces activités industrielles sans lendemain, la main-d’œuvre faisait défaut pour transporter et engranger une récolte effectivement très importante, mais qui a été ainsi en partie gaspillée. D’une manière générale, une mauvaise coordination des opérations, des moyens de transport insuffisants ont, dans bien des cas, rendu inefficace le gigantesque effort de mobilisation des ressources humaines et naturelles du pays.

À toutes ces difficultés succèdent les graves événements de 1960 : les pires calamités naturelles qu’ait connues la Chine depuis un siècle ravagent les campagnes (plus de 50 p. 100 des terres arables sont affectées par des inondations), et, d’autre part, la détérioration des relations sino-soviétiques aboutit à la suppression de l’aide russe et au départ brusque des cadres et techniciens soviétiques engagés dans l’édification des grandes unités industrielles. La situation alimentaire est alarmante (la production de grains tombe à 180 Mt), et le développement industriel est interrompu.


Les « réajustements » de 1961 et le rétablissement de l’économie depuis 1962

Dès l’hiver 1960, on entreprend une révision de l’organisation des communes populaires, qui se révèle ne correspondre ni au « niveau des forces productives », ni au « niveau de conscience » des paysans. On en réduit la taille (74 000 communes au lieu des 26 000 de 1959) et les compétences (les stations de tracteurs, les grands centres d’élevage et certaines unités industrielles restent les seuls éléments gérés au niveau de la commune), tandis que la « brigade de production » (de 15 à 20 brigades en moyenne par commune), correspondant à l’ancienne coopérative, devient l’échelon fondamental qui dispose de l’essentiel des moyens de production, de l’autonomie comptable et qui répartit les tâches et les moyens nécessaires entre les « équipes de production » (de 6 à 10 équipes par brigade). À partir de 1962, la plupart des compétences de la brigade sont, à leur tour, transférées au niveau de l’équipe de production, au sein de laquelle le paysan peut disposer de nouveau d’un lopin individuel, dont il peut écouler librement une partie de la production.

« Prendre l’agriculture comme base et l’industrie comme facteur dirigéant » est le slogan qui définit la nouvelle ligne de la politique économique. Le développement industriel est désormais conçu en fonction des besoins prioritaires de l’agriculture (notamment produits chimiques et métallurgiques, matériel mécanique), mais, en revanche, le rythme et les proportions internes de l’édification industrielle sont conçus en fonction de l’évolution de la production agricole. Contrairement au « nivellement » pratiqué depuis 1958, on suscite un esprit de concurrence entre les régions et entre les entreprises, et il est déclaré officiellement que les « notions de prix et de profit sont les indicateurs essentiels de l’efficacité économique d’une entreprise » ; cadres et techniciens remplacent les cadres politiques au « poste de commandement », et les salaires à la pièce et les primes, supprimés depuis 1958, sont rétablis. Sur ces bases, l’économie chinoise prend un nouvel essor, et l’on estime qu’en 1965 la production industrielle dépasse de 40 à 50 p. 100 celle de 1957 et que la production céréalière atteint 200 Mt.

Un troisième plan quinquennal (1966-1970) est alors annoncé, sans toutefois que les objectifs en soient publiés. Mais en 1966 éclate la révolution culturelle, qui va condamner toutes les mesures prises depuis 1961, considérées comme autant de voies vers un « retour au capitalisme », pour réintroduire les principes essentiels de 1958. En janvier 1971, la presse chinoise annonce que « le troisième plan quinquennal pour le développement de l’économie nationale a été accompli avec succès », mais sans plus de précision.


L’aménagement de l’espace chinois


La maîtrise des eaux et l’irrigation

Sur 100 millions d’hectares de terres cultivées, plus de 20 millions étaient, en moyenne, dévastés chaque année par les inondations, qui tuaient ou ruinaient des millions de familles paysannes. Ainsi, la maîtrise des fleuves est-elle la tâche la plus urgente, et de gigantesques travaux sont entrepris dès 1950 dans plusieurs régions.

Le bassin du Haihe (Hai-ho), au Hebei. Le Haihe résulte de la confluence de cinq grandes rivières, dont il ne pouvait évacuer les crues convergentes : un canal de dérivation a été creusé jusqu’à la mer, tandis qu’un barrage-réservoir (2 milliards de mètres cubes) contrôle les eaux de l’affluent le plus important, le Yong-dinghe (Yong-ting-ho).

Le bassin de la Huai (Houai), au sud du fleuve Jaune. Privée d’écoulement vers la mer par l’accumulation des dépôts laissés par le fleuve Jaune, qui emprunta par deux fois son cours inférieur, la Huai ne trouvait plus d’issue que vers le Yangzi, par le Grand Canal, pour évacuer les crues d’un très dense réseau d’affluents. Ainsi, des dizaines de milliers de kilomètres carrés (10 p. 100 des terres cultivées de la Chine) étaient envahis chaque année, ou presque, par les eaux. Dès 1950, 4 millions de personnes sont mobilisées pour maîtriser la Huai. En 1962, la plus grave menace est enrayée par le creusement d’un canal d’écoulement vers la mer de 170 km, la construction de 5 barrages et de 27 réservoirs sur les affluents. Une seconde tranche de travaux prévoyait pour 1967 la construction de 25 centrales hydro-électriques et de 54 petits barrages. Le creusement de 100 000 km de canaux d’irrigation (aménagements de 300 000 ha de rizières) était entrepris dès 1958.