Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

L’empereur Wudi (Wou-ti, 140-87 av. J.-C.) est resté le souverain le plus célèbre de cette période à cause de la longueur de son règne et en raison de sa forte personnalité. Il est à l’origine de plusieurs mesures tendant à renforcer le pouvoir central. Il lutte tout d’abord contre l’aristocratie locale, en instituant le système des apanages, dont le but est de diviser les grands domaines à chaque génération ; en 134, il met en vigueur le recrutement des fonctionnaires par examens (une institution qui se perpétuera jusqu’à la fin de l’Empire). Les textes classiques, qui avaient été proscrits du temps de Qin Shi Huangdi, sont remis en vigueur et deviennent la base de l’enseignement que doivent recevoir les futurs candidats aux examens officiels.

Wudi reprend également les grands projets de conquête du Premier Empereur. Au sud, l’expansion est facile ; la région de Nanyue (Nan-yue), arrière-pays de l’actuelle Canton, est annexée en 111, et l’espace ainsi conquis (qui englobe l’actuel Viêt-nam du Nord) est divisé en commanderies. Bientôt, les marchands du Nord viennent s’établir dans ces nouvelles régions et y répandent l’usage de l’outillage en fer. Au nord-ouest, la chose est plus difficile ; les efforts des Chinois pour prendre pied en Asie centrale (bassin du Tarim) se heurtent à l’opposition permanente des nomades Xiongnu ; en 138, l’empereur Wudi y envoie Zhang Qian (Tchang K’ien) en mission de reconnaissance ; celui-ci revient quelque treize ans plus tard avec de précieux renseignements sur les possibilités de commerce avec l’Inde et l’Iran, mais aussi sur les populations Xiongnu et leurs voisins les Yuezhi (Yue-tche).

Dans ces confins septentrionaux, la guerre est longue et les succès sont sans cesse remis en question ; les Chinois parviennent, cependant, à pénétrer un temps dans le bassin du Tarim et à nouer des relations avec l’Orient romain ; pendant quelques décennies, la « route de la soie » connaît une certaine animation. Au nord-est, l’empereur Wudi annexe la petite principauté de Luolang (Lo-lang), fondée par un aventurier chinois (actuelle Corée du Nord). À partir du iie s. apr. J.-C., les populations « barbares » venues d’Asie centrale se font plus menaçantes et ne cessent pratiquement plus d’intervenir dans l’histoire de Chine.

Jusqu’au début de notre ère, la capitale de l’Empire est dans l’Ouest, à Chang’an (Tch’ang-ngan), l’actuelle Xi’an (Si-ngan), au Shănxi ; aussi donne-t-on aux premiers Han le nom de « Han occidentaux ». De 9 à 23 apr. J.-C., un grand dignitaire, Wang Mang, usurpe l’autorité et crée une nouvelle dynastie, qu’il appelle Xin (Sin, « Nouveauté ») ; il essaie d’entreprendre quelques réformes pour ralentir la paupérisation des campagnes et décrète une redistribution des terres, mais ses mesures restent surtout théoriques, et les grands propriétaires continuent à agrandir leurs domaines. Wang Mang ne peut avoir raison de la révolte des « Sourcils rouges » (les insurgés se peignent les sourcils en rouge en signe de ralliement), et, dès 23, les Han reprennent le pouvoir.

Ils transfèrent leur capitale plus à l’est, à Luoyang ; aussi, les appelle-t-on « Han orientaux ». Les grands propriétaires continuent à soustraire au contrôle de l’État un nombre toujours plus grand de paysans libres, tandis qu’à la Cour les eunuques nouent intrigue sur intrigue. En 184 éclate un nouveau soulèvement populaire, celui des « Turbans jaunes », dont les chefs se réclament de l’idéologie taoïste. La dynastie Han s’écroule, et le pouvoir passe aux chefs militaires ainsi qu’aux grandes familles de propriétaires fonciers, qui leur accordent leur soutien. L’unité chinoise souhaitée par Qin Shi Huangdi se brise, et il n’en sera plus question durant quatre siècles.

La période Han est marquée par l’élaboration d’une nouvelle culture, née des bouleversements économiques et sociaux qui ont accompagné la naissance de l’Empire ainsi que des nouveaux contacts avec les pays voisins (le bouddhisme apparaît en Chine dès le ier s. apr. J.-C.). Signalons d’abord la formation d’une cour impériale ; l’empereur Wudi contribue beaucoup à son éclat, en attirant autour de lui les hommes de talent : poètes, lettrés, savants, alchimistes ; en 110 av. J.-C., il institue un « Bureau de la musique » (yuefu [yue-fou]), chargé de recueillir à travers tout l’Empire les airs de musique populaire. Lorsque la capitale est transférée à Luoyang, avec l’avènement des « Han orientaux », il se forme un nouveau centre culturel ; en 29 apr. J.-C., on y ouvre un « Grand Collège » (tai-xue [t’ai-siue]), qui accueille 30 000 étudiants. Les lettrés fonctionnaires, nourris de la doctrine de Confucius et recrutés par examens, acquièrent un rôle primordial dans la société ; ce sont eux qui détiennent en fait le pouvoir, en contrôlant l’éducation, la politique et l’administration. Avec le retour à l’étude des textes classiques se développent un goût incontestable pour l’érudition ainsi que plusieurs techniques annexes (lexicographie, bibliothéconomie). Parallèlement, une tendance à l’observation de la nature, à l’empirisme, qui rejoint certains aspects de la pensée taoïste, est à l’origine d’un développement scientifique : progrès en alchimie, en médecine, en chirurgie, en astronomie. C’est aussi le moment où, avec Sima Qian (Sseu-ma Ts’ien), apparaît une histoire méthodique et critique.


La Chine divisée : Trois Royaumes, dynasties du Nord et du Sud (iiie-vie s.)

Les lignes selon lesquelles l’espace chinois se morcelle alors trahissent l’apparition de nouvelles autonomies économiques. Trois régions s’individualisent tout d’abord : celle du moyen fleuve Jaune (berceau de la civilisation chinoise), qu’occupent pour un temps des populations nomades nouvellement arrivées (Tibétains, Turcs, Toungouses) ; celle du bas Yangzi, qui se développe considérablement avec l’arrivée des populations chinoises chassées par les invasions ; enfin celle du bassin du Sichuan, dont la situation géographique, un peu à l’écart du reste du monde chinois, favorisera toujours le maintien d’un certain particularisme.