Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Cette période est connue de façon traditionnelle comme celle des « Printemps et Automnes » (Chunqiu [Tch’ouen-ts’ieou]), du nom d’une chronique relatant les faits survenus de 722 à 481 av. J.-C. La maison des Zhou garde en principe la présidence religieuse du monde chinois, tandis que les nouveaux États périphériques puissants assurent par les armes l’ordre de fait. Des serments d’alliance accomplis sous la protection des puissances divines, sans cesse renouvelés, sont censés renforcer la cohésion entre cités et apporter une consécration à l’ordre établi entre les chefs des principautés.


Les Royaumes combattants (ve-iiie s. av. J.-C.) : l’apparition du fer

Les transformations que l’on discerne dès le vie s. vont se préciser et s’accélérer avec l’apparition de la fonte du fer, technique mentionnée pour la première fois dans les sources écrites en 513 et attestée par les découvertes archéologiques récentes, qui permettent de faire remonter les plus anciens spécimens au début du ve s. av. J.-C.

La fonte du fer (qui nécessite une très haute température) supposait l’emploi de vastes installations, qui étaient la propriété des États ou celle des grands marchands entrepreneurs à leur service. Sa diffusion, au courant du ve s., a rendu possible la mise en culture de plus grandes superficies, grâce à la production massive d’outils utilisés pour les défrichements et les travaux d’irrigation ; l’emploi de la charrue attelée contribua également à l’amélioration des rendements agricoles, ce qui devait, par voie de conséquence, faciliter l’accroissement démographique. La forêt continue à reculer sous l’action des défrichements, rendus plus efficaces, et les noyaux de culture chinoise, naguère séparés par des espaces vides, s’élargissent au point de se toucher ; de grands travaux collectifs d’endiguement et d’irrigation sont menés à bien par les nouveaux États.

Ces bouleversements des conditions économiques s’accompagnent de gros changements au niveau des structures sociales ; diverses réformes visent à détruire les restes de l’ancienne noblesse et à organiser les bases d’un pouvoir centralisé ; dans la plupart des royaumes, les anciens fiefs cèdent le pas à des circonscriptions administratives, à la tête desquelles des fonctionnaires révocables, payés en grain, sont tenus à des rapports annuels sur leur gestion ; l’institution progressive de lois pénales permet de les contrôler de façon stricte. Les masses paysannes aussi se voient imposer une nouvelle forme d’organisation : elles sont réparties par ensembles de cinq et dix familles sur lesquels repose un régime de responsabilité collective et de dénonciation obligatoire de tous les délits.

Les premières monnaies métalliques fondues en bronze font leur apparition au ve s. Aux ive et iiie s., on distingue quatre types de monnaie, qui ont cours chacun dans des régions bien déterminées : la monnaie en forme de lame de houe dans la région du Shānxi et dans l’ouest du Henan et du Hebei ; la monnaie en forme de couteau à Qi et dans les autres royaumes du Nord-Est ; la monnaie ronde avec un trou circulaire au centre dans la vallée de la Wei, au Shănxi (pays de Qin [Ts’in]) ; enfin une monnaie d’or sous forme de plaquettes portant l’indication de la valeur dans le royaume de Chu (Tch’ou). Les États renforcent encore leur puissance par l’établissement de taxes et de corvées régulières.

Autre conséquence : entre le ve et le iiie s., les techniques militaires évoluent considérablement ; peu à peu, les chars des nobles doivent céder la place à l’infanterie, mieux adaptée pour lutter contre les populations barbares des régions marécageuses de l’Ouest, qui combattaient à pied ; on assiste alors à l’apparition du soldat-paysan, producteur de céréales et fantassin ; puis, sous la menace des populations nomades des confins, certains royaumes se voient, dès le ive s., obligés d’employer la cavalerie pour pouvoir résister à leurs ennemis. Enfin, pour se protéger des attaques de leurs rivaux, les princes entourent leurs États de longs remparts.

Selon la tradition, on compte à cette époque de guerres sept royaumes puissants : trois États (Han, Wei et Zhao [Tchao]), issus de l’éclatement de l’ancien État de Jin (Tsin), au Shānxi ; Qi (Ts’i), au Shandong ; Qin (Ts’in), au Shănxi ; Chu (Tch’ou), au Hubei (Hou-pei) ; Yan (Yen), dans la région de Pékin. Au ve s., c’est le royaume de Wei qui obtient la suprématie. Mais, dès le ive s., le petit royaume de Qin, longtemps resté en arrière, est régénéré par une série de réformes, prend la relève et amorce la conquête des contrées voisines.

Ces transformations profondes du monde chinois s’accompagnent d’un grand progrès de la réflexion philosophique et politique. De nombreux « maîtres » vont de ville en ville, groupant autour d’eux de petites équipes de disciples et proposant leurs bons offices aux puissants du jour ; c’est l’époque dite « des Cent Écoles ». C’est alors que naît la pensée de Confucius* (en chinois Kongzi [K’ong-tseu], v. 551-v. 479), qui privilégie le principe moral et propose de régler les mœurs par l’éducation ; reprise ensuite par Mencius (Mengzi [Mong-tseu], 372-289) et par Xienzi (Siun-tseu, iiie s.), cette pensée est destinée à un très grand avenir, puisqu’elle sera reprise comme idéologie officielle par l’Empire. Il s’en faut, cependant, qu’elle ait déjà la prépondérance ; parmi les autres écoles influentes, citons celle de Mozi (Motseu, v. 500-416), qui proclame l’idéal d’une société égalitaire ; celle des taoïstes, qui se méfient de la politique et prônent le retour à la nature ; celle des légistes, théoriciens réalistes et clairvoyants qui cherchent dans la loi, toujours modifiable selon les circonstances. Cette dernière école est à l’origine des grandes réformes administratives entreprises par les princes.


Première unification : les Qin (Ts’in) et les Han (iiie s. av. J.-C. - iie s. apr. J.-C.)

Les princes de Qin, à partir de la fin du ive s. av. J.-C., amorcent une vaste campagne d’annexion des pays voisins, qui, finalement, les amène à faire la conquête de toute la Chine, depuis les steppes mongoles et la plaine de Mandchourie, au nord, jusqu’aux régions montagneuses qui s’étendent au sud du Yangzi.

En 316, leurs armées pénètrent au Sichuan, dans la plaine de Chengdu (Tch’eng-tou) ; en 312, elles occupent tout le sud du Shănxi ; en 308, Qin menace les États de Wei et de Han, dans l’ouest du Henan. Parallèlement, de grands travaux d’irrigation sont amorcés.