Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chimère (suite)

Le dimorphisme sexuel est important : les mâles, plus petits que les femelles, possèdent les organes d’accouplement que nous avons décrits et des ténaculums grâce auxquels ils maintiennent leur partenaire. La fécondation est interne ; les œufs sont enveloppés, comme ceux des Sélaciens, d’une enveloppe cornée. Chaque femelle, malgré sa taille qui atteint parfois 2 m, ne pond que deux œufs par saison. L’incubation est très longue ; on sait peu de chose du développement embryonnaire et juvénile.


Classification

Les Holocéphales comprennent trois familles, qu’on identifie aisément à la forme du rostre : émoussé (Chiméridés), pointu (Rhinochiméridés) ou spatulé (Callorhynchidés). Les Chimères vivent sur les côtes des mers tempérées, en Europe, en Amérique, de la Californie à l’Alaska, et en Afrique du Sud, à des profondeurs moyennes, si bien qu’il n’est pas rare de les voir sur les marchés. Les Rhinochiméridés sont d’eau profonde, et on en connaît peu d’exemplaires. Ils se rencontrent dans l’Atlantique, en Afrique du Sud et au Japon. Les Chimères spatulées sont des Poissons côtiers de l’hémisphère Sud, présents dans toutes les régions tempérées froides : Afrique du Sud, Amérique du Sud, Australie, Tasmanie, Nouvelle-Zélande. Elles pénètrent parfois en eau saumâtre. Leur chair est appréciée et elles font l’objet d’une pêche locale importante.

Outre ces trois familles, les Holocéphales comprennent des formes fossiles, connues depuis le Jurassique. On rapproche également des Chimères d’autres Poissons fossiles, les Bradyodontes, qui ont vécu du Dévonien au Permien. Leurs dents sont simples et non soudées en plaques, mais la plupart des autres caractères sont ceux des Holocéphales. On en faisait autrefois un stade intermédiaire entre Poissons cartilagineux et osseux, en s’appuyant sur des analogies de structures comme l’opercule branchial. On pense aujourd’hui que les Holocéphales sont aussi anciens que les Sélaciens, et qu’ils représentent une voie d’évolution parallèle.

C’est vraisemblablement leur aspect tout à fait inhabituel qui a valu leur nom à ces Poissons, qu’il ne faut pas confondre avec les monstres à tête de lion, au corps mi-chèvre, mi-dragon, issus de la légende de Bellérophon, et dont le Moyen Âge était si friand.

R. B.

chimie

Comme tous les termes très généraux, ce terme se prête mal à une définition concise, exempte à la fois d’imprécision et de tautologie. Littré dit que la chimie « étudie les lois de la composition des corps cristallisables ou volatils naturels ou artificiels et les lois des phénomènes de combinaison ou de décomposition résultant de leur action moléculaire les uns sur les autres ». L’absence des solides non cristallins est une sérieuse imprécision ; la mention de l’action moléculaire touche à la tautologie.
Auguste Comte donne pour objet à la chimie « d’étudier les lois des phénomènes de composition et de décomposition qui résultent de l’action moléculaire et spécifique des diverses substances naturelles ou artificielles agissant les unes sur les autres ». C’est de là que vient la définition de Littré.


On pourrait dire, aujourd’hui, que relèvent de la chimie les phénomènes au cours desquels les électrons des atomes (et surtout leurs électrons périphériques) sont échangés ou mis en commun. Encore cette phrase déborde-t-elle sur certains domaines de la physique.

Mais il est vain de chercher à séparer les sciences par des frontières exactes ; c’est particulièrement vrai pour la chimie, la physique et la biologie, qui interviennent ensemble dans de vastes domaines.


Préhistoire et Antiquité

Le feu est sans doute le premier phénomène chimique dont l’homme ait acquis la maîtrise. Les arts du feu (céramique, verrerie, métallurgie, d’une part ; cuisson et distillation, d’autre part) se manifestent si tôt qu’on n’en saurait dater l’origine. Le fer, plus difficile à réduire et à couler que les métaux précieux et les bronzes, ne devient que vers l’an 1200 av. J.-C. un matériau courant (âge du fer), bien qu’il ait été connu plusieurs siècles auparavant. La tannerie, la teinture et une droguerie primitive sont d’autres activités chimiques préhistoriques. Et les procédés chimiques se multiplièrent tout au long de l’Antiquité. Comme l’écrit Bernal : « Que nous n’ayons pas d’ouvrages anciens de théorie chimique ne signifie pas que celle-ci n’existait pas... Les anciens chimistes, de par leurs produits, avaient connaissance des principes généraux d’oxydation et de réduction... Maîtriser tant de transformations surprenantes les conduisit à considérer que rien n’était impossible à leur art. Ce sain optimisme scientifique devait dégénérer plus tard en une superstition mystique, l’alchimie*. »

Dans sa tentative pour rationaliser l’immense diversité du monde sensible, la pensée grecque a dégagé (de 600 à 300 av. J.-C. environ) des idées fondamentales qui, à travers une longue et profonde évolution, se retrouvent dans la chimie moderne. Telles sont l’idée d’éléments, dont dérive, par l’intervention des qualités, la multiplicité des substances, et d’autre part l’idée d’unités ultimes irréductibles, les atomes, sous-jacentes, par leur forme et leurs mouvements dans le vide, à toute matière sensible.

La doctrine des éléments et des qualités est surtout connue sous sa forme aristotélicienne. Quatre éléments, terre, eau, air, feu, combinent deux à deux, sur une matière fondamentale, quatre qualités deux à deux incompatibles : le chaud et le froid, le sec et l’humide (exemples :
sec + chaud → air ;
humide + froid → eau).

Passant au Moyen-Orient, les doctrines grecques, avec les techniques diverses et les religions orientales, donnèrent naissance à l’alchimie primitive, à sa quête des transmutations et à ses formulations ésotériques. Le grand progrès technique de cette période est sans doute la mise au point de l’alambic (vers 200).


L’aube des Temps modernes

La civilisation islamique développa un embryon d’industrie chimique (alun, « soude », nitre, sulfate de fer), découvrit le sel ammoniac, les alcalis caustiques, distingua la soude de la potasse, enrichit la pharmacopée. Tout cela dans l’ombre d’une pensée alchimique enrichie (sans doute par des apports d’origine chinoise) de deux nouveau « éléments », le soufre et le mercure (que l’on peut considérer comme l’embryon de la distinction entre métalloïdes et métaux). Mais cette science restait mystique et, croyant à la pierre philosophale et à l’élixir de longue vie, recherchait l’une et l’autre.