Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chili (suite)

Le xixe siècle


Avant la guerre du Pacifique

Pendant dix ans, le Chili va être livré à l’anarchie, car le départ d’O’Higgins représente le triomphe des factions ambitieuses désireuses d’écarter un césar trop puissant. Conservateurs et libéraux s’affrontent alors.

• 1833 : une Convention nationale édicte la nouvelle Constitution, laquelle, remaniée, est toujours en vigueur. Ayant trouvé un relatif équilibre intérieur sous la domination des conservateurs (présidence de Joaquín Prieto de 1831 à 1841), le Chili s’oppose aux tentatives faites par le Bolivien Andrés de Santa Cruz (1792-1865) pour constituer le Grand Pérou avec la Bolivie, l’Équateur et le Pérou. Avec la complicité des créoles de Lima, effrayés par les aspects populaires et indiens du mouvement de Santa Cruz, les Chiliens triomphent le 20 janvier 1839 à Yungay.

• 1841-1851 : présidence du général Manuel Bulnes (1799-1866), vainqueur de Yungay.

• 1851-1861 : présidence de Manuel Montt (1809-1880). Après avoir écrasé divers « pronunciamientos » militaires, cet ancien ministre de l’Éducation se consacre à la réorganisation de l’Instruction publique.

• En 1864, l’Espagne prend possession des îles Chinchas du Pérou, ce qui provoque un conflit avec le Pérou et le Chili, auxquels s’allient l’Équateur et la Bolivie ; en 1866, les Espagnols bombardent Valparaíso. Après cette petite guerre, le Chili met sur pied une flotte destinée à lutter contre le Pérou. En 1871, avec la présidence (1871-1876) de Federico Errázuriz Zañartu (1825-1877), les conservateurs perdent le pouvoir (qu’ils détenaient depuis 1830) au profit d’une coalition de libéraux et de radicaux, qui gouvernera jusqu’en 1891.


La guerre du Pacifique et ses séquelles

Un conflit de frontières à propos du désert d’Atacama opposait le Chili et la Bolivie. Les accords de 1866 et 1874 n’ayant pas été respectés, la Bolivie et le Pérou, forts d’un traité secret d’alliance, refusent l’arbitrage international et le Chili occupe militairement le territoire contesté (1880).

• 1881 : la médiation américaine ayant échoué, les Chiliens prennent Lima ; ils l’occuperont jusqu’en 1883, date du traité de paix d’Ancón avec le Pérou ; en 1884, une trêve (convertie en paix en 1904) est conclue avec la Bolivie ; le Chili annexe les territoires conquis.

Après la guerre, conservateurs et libéraux se livrent à des conflits doctrinaires au sujet de la place de l’Église dans l’État moderne.

• En 1891, le conflit qui opposait le président José Manuel Balmaceda (1838-1891) au Congrès se termine par l’intervention de la marine et de l’armée ; la guerre civile coûte dix mille morts au Chili. Le régime parlementaire remplace le régime présidentiel (1891-1925).


L’économie

Après l’indépendance, Valparaíso devient rapidement le centre de toutes les opérations commerciales du Pacifique ; le détroit de Magellan est occupé par le Chili, qui y fonde Punta Arenas. Dès le milieu du siècle est construite la première voie ferrée de l’hémisphère austral, tandis que l’on encourage l’immigration allemande dans le Sud.

Vers 1870, la richesse du pays, jusque-là exclusivement agricole et commerciale, s’augmente de la découverte des mines de Caracoles et de l’exploitation du salpêtre à Tarapacá (territoire péruvien mis en valeur par les Chiliens).

La guerre du Pacifique avait été précédée par de grandes difficultés économiques, causées par l’épuisement des mines d’argent de Chañarcillo. À la fin de 1878, le trésor public ne pouvait plus payer ses employés et adoptait le papier-monnaie. La victoire épongea les frais de la guerre, et l’annexion des provinces à nitrates devint une source de prospérité.


Le xxe siècle


Le régime parlementaire : 1891-1925

Le vice-amiral Jorge Montt (1845-1922), chef militaire de la révolution triomphante, est président de 1891 à 1896, puis laisse la place à un conservateur, Federico Errázuriz Echaurren (1850-1901 ; président de 1896 à 1901), qui divise les partis pour gouverner, accroissant l’instabilité ministérielle. Sous sa présidence, le conflit frontalier entre l’Argentine et le Chili est (à peu près) résolu, ce qui met fin à une ruineuse course aux armements.

• 1906-1910 : présidence de Pedro Montt (1849-1910), victime de l’instabilité parlementaire et de l’inflation du papier-monnaie.

• 1910-1915 : Ramón Barros Luco (1835-1919) cherche à établir un gouvernement d’union.

• 1915-1920 : présidence de Juan Luis Sanfuentes (1858-1930) ; période d’expansion économique, agricole et industrielle, provoquée par la guerre mondiale et l’impossibilité d’importer.

• 1920-1924 : présidence d’Arturo Alessandri (1868-1950), politicien fougueux et idole des masses populaires ; il arrive au pouvoir grâce au malaise social engendré par les profondes transformations de la dernière décennie et la crise de l’après-guerre ; ses projets de réforme se heurtent à l’opposition du Sénat jusqu’aux élections du printemps 1924, où l’Union conservatrice est brisée ; mais la nouvelle majorité se montre aussi peu capable de gouverner que les oligarques.


La révolution de 1925

La détresse financière de l’État, la crise économique et l’incapacité du pouvoir législatif provoquent un mécontentement qui se transforme en véritable révolution. Arturo Alessandri démissionne, le général Luis Altamirano devient vice-président, dissout le Parlement et constitue une junte militaire assistée d’un ministère civil (sept. 1924). La désorganisation des anciens partis, libéraux et conservateurs mêlés, déconsidérés par 35 ans de parlementarisme stérile, provoque une deuxième intervention militaire. La nouvelle junte, antiparlementaire et favorable à un pouvoir présidentiel fort, rappelle Arturo Alessandri (janv. 1925), qui promulgue une série de décrets-lois sociaux. Une réforme constitutionnelle renforce l’exécutif.

Mais Arturo Alessandri, en conflit avec l’armée, doit se retirer en octobre 1925. L’armée, qui n’admet pas la victoire des partis dits « de conservation sociale » (1925-1927), exerce le pouvoir de 1927 à 1931 avec le colonel Carlos Ibáñez (1877-1960). Élu sur un programme de gauche et par un électorat populaire, Ibáñez est le premier chef d’État populiste du continent, préfiguration de Perón et de bien d’autres officiers progressistes et nationalistes. Mais son autoritarisme devient insupportable aux classes moyennes le jour où la prospérité est emportée par la crise mondiale. Il ne peut en être autrement dans un pays dont la base économique est fournie par les industries minières des nitrates et du cuivre, directement liées aux fluctuations du marché mondial et aux capitaux anglo-saxons.