Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chī‘isme (suite)

Répartition actuelle

En interprétant des statistiques incertaines, on peut estimer pour les années récentes le nombre total de chī‘ites à 55 ou 58 millions d’individus ; 47 millions d’entre eux seraient des duodécimains, dont la moitié en Iran, 5 millions et demi en Iraq, le reste au Liban, au Caucase et au Turkestan soviétiques et dans le sous-continent pakistanais. Les zaydites du Yémen (2,8 millions) forment un bloc compact. Les ismaéliens (près de 3 millions ?) sont dispersés entre leur base afghane et indo-pakistanaise et leur diaspora d’U. R. S. S. et d’Afrique orientale. Les druzes pourraient être 350 000 en Syrie, au Liban et en Israël. D’autres sectes (des rhulāt) sont d’une certaine importance en Turquie et en Syrie.

M. R.

➙ ‘Abbāssides / ‘Alides / Coran / Fāṭimides / Iran / Iraq / Islām / Ismaéliens / Sunnites.

 I. Goldziher, Vorlesungen über den Islam (Heidelberg, 1910 ; trad. fr. le Dogme et la loi de l’islām, Geuthner, 1920). / C. Van Arendonk, les Débuts de l’imānat zaidite au Yémen (trad. du hollandais, Leyde, 1960). / F. M. Pareja, Islamologie (Impr. catholique, Beyrouth, 1964). / B. Lewis, The Assassins (Londres, 1967). / C. Cahen, l’Islām des origines au début de l’Empire ottoman (Bordas, 1970). / Le Shī‘isme imānite (colloque de Strasbourg, 6-9 mai 1968) [P. U. F., 1970].

Chikamatsu Monzaemon

Dramaturge japonais (Kyōto 1653 - Ōsaka 1724).


Souvent comparé à Shakespeare, Nobumori Sugimori, dit Chikamatsu Monzaemon, partage avec son émule anglais le mystère qui plane sur son existence. Un tableau généalogique découvert en 1925 a permis du moins de préciser ses origines sociales. Les Sugimori y apparaissent en effet comme une vieille famille de bushi, de guerriers, devenus rōnin par l’extinction du clan féodal dont ils étaient les vassaux. Le père et le frère aîné de Nobumori avaient exercé la médecine. Lui-même aurait été placé au service du prince-moine Ekan, frère de l’empereur Go-Mizunoo, grand lettré en matières chinoise et japonaise, religieuse et profane, amateur aussi de marionnettes et de jōruri. C’est dans la familiarité de ce prince que le futur Chikamatsu acquit l’immense culture dont témoigne son œuvre.

Quoi qu’il en soit, ses débuts coïncident à peu de chose près avec la mort de son protecteur présumé (1672). Les premières pièces qui lui sont attribuées seraient en effet des environs de sa vingtième année. Désormais, et cinquante ans durant, il produira, avec une prodigieuse régularité, trois, quatre, voire cinq drames par an. Les textes n’étant signés qu’à partir de 1687, il est difficile d’en établir avec certitude une bibliographie complète, ce qui explique que, selon les auteurs, le nombre de pièces attribuées à Chikamatsu varie considérablement : de cent à cent cinquante jōruri (récitatifs pour marionnettes) et une trentaine de drames (kabuki).

Seules du reste font difficulté les œuvres de la première période, de 1673 à 1685, pendant laquelle notre auteur composait encore des récits dans la manière dite ko-jōruri, ou « jōruri de style ancien », directement issue de la récitation postépique, où le shamisen (guitare à trois cordes) remplaçait le biwa (luth à quatre cordes) de l’épopée classique. Ces ko-jōruri étaient illustrés par le jeu de poupées rudimentaires, à fils ou à manchon. Le dialogue n’y tenait encore qu’une place très réduite, et l’art du diseur l’emportait dans la faveur du public sur celui du montreur. Chikamatsu semble avoir composé principalement à cette époque pour le chanteur Kagano-jō, dont la manière s’éloignait déjà considérablement de la diction monotone des précurseurs. S’il traite les mêmes thèmes que ses rivaux, et dans le même ton à la fois plat et ampoulé, on peut cependant relever déjà de-ci de-là la griffe du futur maître, dans telle scène traitée avec un sens dramatique très aigu, dans tel fragment dialogué d’un réalisme inattendu, dans certains débordements aussi d’une imagination débridée qui n’évite pas toujours le mauvais goût. Mais ce qui, plus que tout, distingue ses pièces des autres ko-jōruri, c’est l’amorce d’une certaine vérité psychologique et morale inconnue jusque-là, chez des personnages encore tout d’une pièce, mais qui par instants ne sont plus les simples fantoches du genre pseudo-épique.

Vers la même époque, Chikamatsu, peu satisfait sans doute par l’interprétation rudimentaire des marionnettes, s’intéresse au kabuki. Celui-ci n’était alors qu’un spectacle vulgaire, assez proche de la commedia dell’arte : les acteurs brodaient librement sur des canevas qu’ils établissaient eux-mêmes ; les thèmes étaient empruntés aux cycles postépiques, au , au kyōgen ; des éléments plus réalistes s’y mêlaient parfois, scènes du « quartier des fleurs » ou faits divers plus ou moins sanglants. Chikamatsu, qui construisait ses récits en dramaturge dans une société qui n’avait jamais connu de théâtre dramatique, vit le parti que l’on pouvait tirer d’acteurs en chair et en os à qui l’on ferait réellement « revivre » une action, et engagea d’emblée le kabuki dans une voie irréversible en écrivant des dialogues auxquels il donnait ainsi une forme invariable, l’acteur gardant sa liberté dans les enchaînements. Cette véritable révolution avait été rendue possible par l’intelligence et le talent d’un acteur, Sakata Tōjūrō, qui, jusqu’à sa mort en 1709, assura à Kyōto le succès de cette nouvelle forme de théâtre.

La collaboration de l’auteur et de son interprète ne fut cependant pas de tout repos, Tōjūrō traitant les textes de son ami avec une désinvolture qui n’était pas toujours du goût de ce dernier. Des brouilles répétées, mais aussi la rencontre en 1686 d’un chanteur de génie, Takemoto Gidayū (1651-1714), expliquent le fait que Chikamatsu, paradoxalement, reviendra de plus en plus aux marionnettes, pour lesquelles il écrira l’essentiel de son œuvre, et tous ses chefs-d’œuvre sans exception.