Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chenille (suite)

Développement

La longévité des chenilles varie beaucoup d’une espèce à l’autre ; chez les Teignes des vêtements (ou Mites), comme chez d’autres formes de petite taille, le développement larvaire peut s’achever en une semaine environ, alors que chez le Gâte-Bois (Cossus cossus) ou chez la Sésie du Peuplier, qui vivent dans les troncs, il dure deux ans. En général, le nombre de mues est de quatre ; il peut dépasser dix chez les chenilles à longévité élevée. Lorsque la longévité est courte, plusieurs générations se succèdent pendant la belle saison : l’Eudémis de la Vigne montre trois générations annuelles, et la Pyrale de la farine (Ephestia kuehniella) jusqu’à cinq. Il arrive que la chenille passe l’hiver dans un état de repos et reprenne son activité au printemps suivant, comme celle du Cul-Brun (Euproctis phæorrhæa), qui hiverne dans des bourses soyeuses.


Réactions

On rencontre d’ordinaire les chenilles à activité diurne ; d’autres se déplacent et se nourrissent la nuit, telles que les processionnaires du Chêne et du Pin et les chenilles des Noctuelles. Lorsqu’on les saisit ou qu’on les frôle, certaines chenilles, en particulier chez les Géométridés, réagissent à peine et même gardent une immobilité totale, tandis que d’autres manifestent une irritabilité extrême ; la chenille du Bombyx de la Ronce doit son nom d’anneau du diable au fait qu’elle s’enroule sur elle-même. Les « Vers gris », chenilles des Noctuelles, en font autant : dérangée, la larve de l’Eudémis s’échappe par des mouvements vifs et se laisse tomber au sol au bout d’un fil de soie. La chenille de Dicranura vinula est connue pour l’attitude qu’elle prend lorsqu’elle est inquiétée : elle s’immobilise, soulève ses deux extrémités, tandis que la tête se cache sous le thorax et émet un liquide contenant de l’acide formique par les deux cornes postérieures, que surmonte un filament rouge mobile.


Alimentation

En très grande majorité, les chenilles se nourrissent de végétaux. Une espèce peut s’attaquer à des plantes diverses ; chez les Noctuelles et les Arctiidés, les espèces sont souvent polyphages ; la chenille du Cul-Brun vit sur des arbres et des arbustes très variés. Mais, dans beaucoup de cas, c’est une seule famille végétale et même une seule espèce qui est consommée par une chenille déterminée ; la chenille du Machaon vit sur les Ombellifères, celle du Paon-de-jour sur l’Ortie ; les Satyridés se nourrissent de Graminacées ; la larve du Sphinx Tête-de-Mort ne se rencontre guère que sur les Solanacées, et on connaît les exigences alimentaires du Ver à soie vis-à-vis du Mûrier. La voracité des chenilles, jointe à leur monophagie et à leur pouvoir de multiplication, fait de beaucoup d’entre elles des ennemies redoutables pour les cultures.

Les feuilles des végétaux sont les organes les plus atteints : beaucoup de chenilles les broutent, ne laissant que les nervures ; d’autres les minent, en creusant dans le parenchyme une galerie qui respecte les épidermes ; d’autres les enroulent et vivent cachées dans l’étui formé (comme chez beaucoup d’Hespériidés). Les tiges peuvent aussi être attaquées : une pyrale ronge la moelle de la tige du Maïs ; le Gâte-Bois et les Sésies creusent des galeries dans le tronc des arbres. Quelques chenilles vivent dans les organes souterrains, comme l’Hépiale du Houblon. D’autres pénètrent dans les boutons floraux, qu’elles font avorter (Noctuelle de l’Œillet, Cochylis de la Vigne), d’autres encore atteignent les fruits (Carpocapse ou Ver des pommes, Cochylis et Eudémis de la Vigne).

Parmi les chenilles à régime alimentaire particulier, il faut citer celles qui s’attaquent aux denrées entreposées (farine, grains), aux tissus de laine et aux fourrures (Mites), à la cire des ruches. Enfin, on connaît des chenilles carnivores ; certaines pratiquent le cannibalisme, du moins en captivité (Calymnia) ; dès leur éclosion, les larves des Hétérogynidés dévorent le cadavre de leur mère, qui est morte près de sa ponte ; plusieurs Lycénidés se nourrissent de Pucerons et de Cochenilles ; un certain nombre de chenilles, appartenant à diverses familles, vivent en association avec des Araignées, des Fourmis ou des Termites.


Vie aquatique, soie, vie sociale

Il existe quelques chenilles aquatiques ; on les trouve sous les feuilles de Nénuphar, de Potamot, de Lentille d’eau. Les chenilles de Cataclysta vivent dans un fourreau plein d’air et respirent par leurs stigmates ; celles de Paraponyx ont des trachéobranchies et respirent complètement immergées. Les chenilles aquatiques les plus extraordinaires sont sans doute celles de deux Noctuelles de Ceylan et d’Amérique, qui ont élu domicile dans les urnes de Nepenthes et de Sarracenia, et qui se nourrissent des Insectes tombant dans ces pièges, tout en étant protégées contre leur action digestive.

Les glandes salivaires de beaucoup de chenilles émettent de la soie par un orifice situé sur la lèvre inférieure ; la soie produite sert à divers usages : confection d’un nid collectif chez les processionnaires, d’un fourreau fixe (Ephestia kuehniella dans la farine, Mites dans les fourrures et les vêtements) ou portatif (Psychidés), d’une toile irrégulière autour des végétaux nourriciers (Pyrale de la Vigne) ; chez quelques tordeuses, elle maintient enroulée la feuille qui sert d’abri. Enfin, avant la mue nymphale, elle forme l’essentiel du cocon qui protégera la chrysalide (Bombyx mori par exemple). Les larves issues d’une même ponte restent parfois groupées, au moins pendant quelque temps, et tissent un nid soyeux commun : c’est le cas de certaines Vanesses, du Cul-Brun. L’association persiste, dans quelques espèces, jusqu’à la nymphose ; parmi les chenilles sociales les plus connues, citons celles de l’Hyponomeute du Pommier et les processionnaires du Chêne et du Pin ; ces dernières quittent la bourse collective les unes derrière les autres pour prendre leur nourriture et regagnent leur demeure en remontant le fil de soie qu’elles ont émis à l’aller. Une Noctuelle américaine, Leucania unipunctata, fait de véritables migrations : une masse grouillante d’innombrables chenilles rampe sur le sol vers de nouvelles prairies.

À côté de la liste impressionnante des chenilles nuisibles à l’Homme, contre lesquelles il tente actuellement de mener une lutte biologique, celles qui sont utiles représentent peu de chose : le Ver à soie et les autres Bombyx* séricigènes ont fourni la matière première d’une industrie textile maintenant en déclin.