Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chemin de fer (suite)

L’organisation des services de groupage assure une division assez rationnelle des opérations entre les divers modes de transport participants : la route réalise la concentration et l’éclatement des expéditions à partir de points assez peu nombreux pour que les masses expédiées puissent justifier la location de wagons ou de cadres complets. La généralisation de l’emploi des containers sur rail, sur route ou sur l’eau favorise également la collaboration des différents modes de transport.

À petite distance, l’automobile n’a généralement pas eu de peine à éliminer complètement le trafic ferroviaire, sauf dans le cas de relations très denses, dans des zones de congestion. La vitesse moyenne réelle très supérieure rendait la concurrence de la voiture particulière extrêmement redoutable. Celle de l’autobus était moins grave, puisque les vitesses sont du même ordre, mais les charges que subit le transporteur routier sont beaucoup plus faibles.

La crise née de la concurrence s’est installée dès les années 1920. Elle s’est traduite par l’arrêt des constructions nouvelles. Dans le tiers monde, l’équipement a presque totalement cessé de progresser. L’U. R. S. S. a fait seule exception. Les travaux effectués portent ailleurs sur l’aménagement des itinéraires existants ; on renforce les voies, on installe des systèmes de signalisation automatique, on électrifie certaines portions de voie, on crée de puissantes gares de triage, qui diminuent les frais d’éclatement. Les vitesses moyennes augmentent, le confort des transports de voyageurs s’améliore. Pour s’adapter aux conditions de concurrence du marché, des investissements considérables sont donc nécessaires. Ils ne peuvent être amortis que sur les voies les plus importantes. Les réseaux exploités par des compagnies privées combinent de grands itinéraires, dont l’exploitation doit rester bénéficiaire à terme, mais à la condition qu’on les aménage sans cesse, et des lignes secondaires, où l’on peut se dispenser d’équipements lourds, mais qui finissent par être déficitaires par suite de l’augmentation des charges variables et de la diminution des recettes entraînée par la concurrence. La situation financière des sociétés ferroviaires est donc généralement fragile : à la moindre récession, la faillite menace. Pour éviter le chômage, pour garder un outil indispensable à la collectivité, les pouvoirs publics interviennent souvent. En Europe occidentale en particulier, l’entre-deux-guerres voit se multiplier les sociétés nationales.

Si la longueur des voies diminue dans les pays industrialisés, le nombre total de voyageurs-kilomètres et de tonnes-kilomètres transportés se maintient ou augmente. À courte distance, les envois diminuent, mais cela est compensé par l’augmentation des trafics lourds à longue distance, où le chemin de fer garde une position solide. De même, la baisse d’utilisation des trains de voyageurs frappe surtout les secteurs de peuplement dispersé et les relations à moyenne distance : les mouvements pendulaires autour des grandes agglomérations, comme les voyages à longue distance, augmentent.


Situation actuelle et perspectives

La position actuelle des chemins de fer est assez différente de celle que nous venons d’évoquer. La situation de concurrence demeure, et la position du rail est sans doute moins favorable que naguère : les transports automobiles se sont bien améliorés, et l’avantage de confort et de régularité qu’offrait le rail disparaît. Sur les longues distances, l’avion est capable de détourner la plupart des trafics, et cela se constate dans les pays de dimension continentale : États-Unis, Canada, U. R. S. S., Australie, Brésil. La zone où le chemin de fer est plus commode se rétrécit à la fois par diminution de son rayon extérieur (concurrence de l’avion) et par allongement de son rayon interne (concurrence de l’automobile).

Les transports en masse échappent également au rail dans une plus large part qu’autrefois : l’équipement de voies navigables est activement développé dans nombre de pays industrialisés. Le transport de l’énergie électrique par lignes de force, celui des produits pétroliers par oléoducs font perdre des marchés.

Les conditions semblent donc défavorables. Le déficit des sociétés nationalisées est plus lourd que jamais, cependant que les pays où des compagnies privées sont demeurées en possession des lignes s’inquiètent du sous-équipement qui résulte de leur délicate situation (ainsi aux États-Unis). En Angleterre, en France, en Italie, on dresse des plans pour réduire de manière draconienne la longueur des dessertes.

Le chemin de fer bénéficie cependant de facteurs favorables : on le voit par exemple à l’importance des constructions de lignes neuves actuellement en cours dans le monde, aux efforts d’équipement et de modernisation remarquables de certains réseaux (en particulier à l’électrification), aux innovations qui se marquent maintenant dans nombre de domaines.

Dans les pays sous-développés, la mise en valeur se fait aujourd’hui, en procédant d’abord à des équipements légers en matière de transports : on ouvre des pistes, on crée des terrains d’atterrissage susceptibles de recevoir des appareils robustes spécialement conçus pour des pistes courtes. Très vite, il apparaît nécessaire de compléter ces équipements de base. Dans les secteurs purement agricoles, la route à revêtement stable suffit. Lorsque la région livre des matières premières minérales, son essor est lié à la pose de lignes ferroviaires. Certaines sont tracées pour recevoir des trafics variés. D’autres sont conçues uniquement comme des voies minières (ainsi au Québec, en Mauritanie).

Le second élément favorable à un essor des relations ferroviaires tient à l’aggravation de la congestion dans une bonne partie des régions urbanisées ou industrialisées du globe. L’usage de l’automobile asphyxie des centres qui n’ont pas été modelés pour cela. Même en multipliant — et c’est très onéreux — parkings et voies rapides, il apparaît difficile de permettre de très forts mouvements dans une aire donnée si l’on ne dispose que de voitures particulières. Le chemin de fer est autrement puissant, et ne crée plus de problèmes analogues de pollution.