Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chaux (suite)

Chaux de construction

L’hydrate de chaux (chaux grasse) n’est pratiquement plus employé en France dans la construction ; on l’utilisait naguère dans les mortiers aériens, dont le durcissement résultait de la carbonatation de l’hydrate à l’air. Par cuisson et extinction de calcaires légèrement argileux (moins de 10 p. 100), on obtenait les chaux maigres, utilisées également comme chaux aériennes. Un grand progrès a été réalisé au xixe s. en cuisant des calcaires renfermant entre 10 et 20 p. 100 d’argile (Vicat), ce qui permet d’obtenir une chaux hydraulique, c’est-à-dire durcissant par l’hydratation des silicates et des aluminates de calcium résultant de la combinaison, vers 1 200 °C, des éléments argileux avec une partie de l’oxyde de calcium. L’excès de chaux, non combinée, permet la pulvérisation spontanée du produit par extinction à l’eau.

Les qualités des chaux hydrauliques sont : une grande plasticité de la pâte fraîche, qui donne un mortier gras facile à mettre en œuvre ; une bonne adhérence du mortier aux matériaux de construction, assurant une forte liaison ; enfin une faible tendance à la fissuration, favorisant l’imperméabilité. Mais la lenteur du durcissement et les faibles résistances des chaux hydrauliques les font négliger des constructeurs soucieux d’une exécution rapide, qui est souvent une condition essentielle de la bonne marche des travaux, et l’on cherche naturellement à conférer au ciment des qualités analogues tout en lui conservant sa rapidité de durcissement et ses fortes résistances. La chaux est néanmoins encore utilisée en construction, en mélange avec le ciment dans la préparation des mortiers bâtards, dans les enduits et en badigeon épais.

On peut obtenir des produits de caractéristiques analogues en broyant très finement des mélanges de ciment et de calcaires crus. Ces produits sont commercialisés sous les noms de ciments à maçonner et de chaux artificielles, par exemple, suivant les proportions employées.

H. L.

Chavín de Huantar

Petit village des Andes dans le nord du Pérou, à environ 3 200 m d’altitude, entre les sommets de la Cordillera Blanca et la vallée du haut Marañón.


Son nom sert à désigner la première des hautes cultures andines et l’une des plus belles réalisations architecturales de l’ancien Pérou.

À proximité du village actuel se dressent en effet les ruines imposantes d’un grand centre cérémoniel construit durant la « période formative » des Andes centrales, probablement au début du Ier millénaire avant notre ère. Ces ruines n’ont vu leur importance reconnue qu’avec les travaux de l’archéologue péruvien Julio C. Tello (1880-1947), à partir de 1919.


Le site

Le complexe architectonique de Chavín. d’une superficie approximative de 12 000 m2, est constitué par un ensemble de grandes pyramides tronquées, parmi lesquelles se détache celle qui est connue sous le nom d’El Castillo, Face à cet édifice principal s’étend une vaste place bordée de plates-formes et de terrasses, en partie détruites aujourd’hui par la grande avalanche de pierres et de boue qui ensevelit presque totalement le site en 1945.

L’architecture de Chavín de Huantar est, malgré son antiquité, extrêmement avancée. Le revêtement extérieur du Castillo, admirablement conservé sur la façade et l’angle sud-est, est constitué de blocs de pierre rectangulaires, disposés en assises régulières alternativement épaisses et minces. À l’origine, ces murs étaient ornés d’une rangée de têtes de pierre sculptées ; il n’en subsiste qu’une en place, figure démoniaque d’un être mi-homme, mi-félin aux longs crocs recourbés. Au milieu de la façade est, un escalier de pierre flanqué d’un portique à deux colonnes cylindriques gravées devait donner accès à la partie supérieure de l’édifice, aujourd’hui détruite.

Quant à l’intérieur des constructions, il constitue un extraordinaire labyrinthe de galeries étroites, d’escaliers, de petites salles obscures, au plafond constitué de larges dalles de pierre et reliées à l’extérieur par tout un système de conduits de ventilation. C’est dans la partie la plus ancienne des constructions que l’on découvrit, fiché en terre, à la croisée de deux couloirs privés de lumière, le monolithe de 4,50 m de haut connu sous le nom d’El Lanzón. Sculpté en bas relief, ce monolithe représente un personnage debout, dont la tête est une étrange combinaison de traits humains et félins. Probablement l’idole principale du temple de Chavín, il est la seule sculpture trouvée in situ dans les galeries intérieures.

Cette sculpture sur pierre de Chavín est certainement la plus belle et la plus élaborée de l’Amérique du Sud. Le vandalisme, joint aux dévastations causées par les glissements de terrain, fait que très peu de pièces sont encore en place ; mais à proximité des édifices ont été trouvées plusieurs stèles ou dalles sculptées qui devaient les orner à l’origine — les plus fameuses sont l’obélisque Tello et la stèle Raimondi —, ainsi qu’un certain nombre des têtes dont la frise décorait les façades du Castillo. Des fouilles récentes ont mis au jour une grande quantité de céramiques.

L’art de Chavín, évidemment symbolique, est une combinaison d’éléments humains — bouche, main, jambe — et animaux — crocs, queue, plumes, serpent —, traités surtout en courbes et en volutes, et dont l’assemblage dessine différentes figures démoniaques. Les thèmes les plus fréquents sont, outre la divinité semi-humaine à crocs de félin, le rapace (aigle ou faucon) et surtout le jaguar. Celui-ci constitue l’unité primordiale de toutes les représentations. Traité en gravure ou en bas relief, symbolisé ou réduit à quelques éléments caractéristiques, il donne à l’art de Chavín son caractère reconnaissable entre tous.


L’influence de Chavín

Ce premier des grands styles artistiques de l’ancien Pérou marqua de son influence toute une époque et donna son unité culturelle à ce que les archéologues nomment l’horizon chavín. Aux alentours des ixe-viiie s. avant notre ère, cette influence s’étend sur la majeure partie de la côte péruvienne, des vallées de Lambayeque, au nord, à celle de Chilca, au sud. Les constructions cérémonielles de Pallca et de Moxeque, dans la vallée de Casma, de Cerro Blanco et de Punkuri, dans la vallée de Nepeña, possèdent, bien que l’adobe ait ici remplacé le granité des Andes, des caractéristiques typiques de l’art chavín, ayant pour thème central le félin. Dans les hautes terres, l’expansion de Chavín semble s’être confinée dans les Andes du Nord et le Callejón de Huaylas (vallée du Santa), avec les sites de Kunturwasi, de Pacopampa, près de Cajamarca, et de Kotosh, dans la région de Huánuco. Cette influence ne paraît pas avoir atteint les hautes terres du Sud, ni la côte de l’extrême Sud péruvien.

Cependant, c’est la côte nord du Pérou qui fournit le plus d’éléments. Découverte et étudiée par l’archéologue péruvien R. Larco Hoyle, la culture dite « de Cupisnique » (environ 900 à 300 avant notre ère) est caractérisée par une très belle poterie brune ou noire à décor incisé en courbes et volutes où domine toujours le thème du félin.