Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chasse aérienne (suite)

1945-1970 : apogée et limites de l’interception

Après la brève période d’euphorie qui succéda à la victoire, les États-Unis comprirent vite la menace présentée par leur ancien allié soviétique qui, lui, n’avait pas démobilisé. Leur situation défensive les amena progressivement, à mesure que les Soviétiques développaient leurs bombardiers stratégiques, à mettre sur pied une solide défense aérienne, tant en Amérique qu’en Europe dans le cadre de l’O. T. A. N. Ainsi apparurent des systèmes de défense extraordinairement développés, tandis que, grâce aux nouvelles possibilités techniques, s’engageait une course aux performances sans précédent.

Les progrès des intercepteurs furent spectaculaires, tant en vitesse pure (de 800 à 2 500 km/h entre 1945 et 1960) qu’en temps de montée (divisé par 10) en plafond et surtout en efficacité de feu grâce au radar de guidage de bord et à l’armement en missiles air-air. La probabilité de succès d’un chasseur contre un bombardier est, en 1970, quatre fois plus grande qu’elle ne l’était en 1945. Elle n’est cependant pas absolue, surtout sur les bombardiers supersoniques en altitude, et reste même très faible contre les avions volant très bas. C’est pour pallier ces insuffisances que la recherche a été poussée vers les missiles air-air, plus efficaces contre des objectifs supersoniques et contre les attaques en vol rasant. On aboutit ainsi à des systèmes entièrement nouveaux (tel le système américain AWACS, Airborne Warning and Control System) reposant sur des radars de détection portés par des avions chargés de guider les intercepteurs. L’action de ces derniers est en outre remarquable ; ment complétée par celle des missiles sol-air. Toutefois, en dépit de progrès considérables, la défense aérienne demeure très contestée, quand on songe qu’il lui suffit de laisser passer un seul avion ou un seul missile porteur de projectiles nucléaires pour faillir à sa mission. (V. aérienne [défense].)


Renouveau de la chasse d’armée

Le concept du chasseur d’armée a beaucoup évolué, tant par les possibilités nouvelles offertes par la technique que sous la pression des besoins révélés au combat dans les nombreux conflits marginaux qui se sont succédé depuis 1945. Ceux-ci n’ont connu aucun emploi de l’arme nucléaire, et l’action militaire y est demeurée circonscrite au champ de bataille. On en est donc revenu à l’étude des avions les mieux adaptés au combat tactique, et il n’est pas étonnant que ceux-ci soient plus proches de leurs devanciers de 1941-42 que des quadrimoteurs lourds employés en 1944 sur l’Allemagne ou le Japon. L’emploi privilégié du chasseur redevient la tactique avec arme classique, où la priorité de l’effort incombe à l’avion d’attaque. S’il n’y a pas d’opposition aérienne (guerre révolutionnaire par exemple), la chasse d’armée n’a qu’un rôle minime de surveillance et d’interception des transports aériens pouvant ravitailler l’adversaire. S’il existe un ennemi dans le ciel (Corée, Viêt-nam, etc.), elle reprend toute sa valeur.

Sur le plan technique, le développement des moteurs et de l’aérodynamique a abouti, vers 1960, à la mise en service de chasseurs supersoniques. On s’est aperçu alors que l’excédent de puissance nécessaire pour atteindre mach 2 pouvait être utilisé à décoller le même avion avec une charge de bombes accrochées sous les ailes si l’on acceptait de limiter sa vitesse de vol au domaine subsonique. Moyennant quelques adaptations mineures, on pouvait ainsi construire un appareil polyvalent tactique capable de missions de chasse comme d’attaques au sol très efficaces (le monoplace F 105 enlève autant de bombes qu’un quadrimoteur « Lancaster » de 1945). Ainsi on est arrivé à la notion d’avion dit « de supériorité aérienne » : sa mission principale (autour de laquelle il est conçu) demeure la chasse, et la polyvalence, toujours recherchée, s’arrête au moment où ses qualités de chasseur sont mises en cause. En fait, en 1971, l’efficacité en assaut des avions de supériorité dépasse de cinq à dix fois celle d’un chasseur de 1945.

Depuis sa création en 1915, l’aviation de chasse, dont la double mission — chasse d’armée et chasse de défense — était bien dessinée, a beaucoup évolué. Son rôle dans la défense aérienne s’est considérablement transformé depuis l’adoption des politiques de dissuasion. Sur le champ de bataille, au contraire, la chasse conserve une place importante dans ses missions de couverture de points sensibles et de protection en accompagnement des avions d’attaque. Sous sa forme moderne d’avion de supériorité, le chasseur semble bien devenir l’arme aérienne tactique prioritaire. Au combat, où dominent l’adaptation rapide à une situation mouvante et l’esprit d’initiative, le rôle du pilote de chasse est essentiel ; il trouvera dans la tradition et l’exemple des as de guerre des qualités sur lesquelles ont toujours reposé les succès de son arme.

P. L.

➙ Aérienne (défense) / Aviation / Bombardement.

 P. Belleroche, Histoire du combat aérien (le Sagittaire, Marseille, 1941). / P. Clostermann, le Grand Cirque (Flammarion, 1948). / Les Carnets de René Mouchotte (Flammarion, 1949). / A. Galland, Die Ersten und die Letzten (Stuttgart, 1953 ; trad. fr. Jusqu’au bout sur nos Messerschmitt, Laffont, 1955). / B. Robertson et coll., Air Aces of the 1914-1978 War (Londres, 1959). / A. McKee, Strike from the Sky. The Story of the Battle of Britain (Londres, 1960 ; trad. fr. Bataille de la Manche, bataille d’Angleterre, Arthaud, 1960). / G. Norris, The Royal Flying Corps : a History (Londres, 1965).

Chassériau (Théodore)

Peintre français (Santa Barbara de Samaná, Saint-Domingue, 1819 - Paris 1856).


« La position qu’il veut se créer entre Ingres, dont il est élève, et Delacroix, qu’il cherche à détrousser, a quelque chose d’équivoque pour tout le monde et d’embarrassant pour lui-même. » L’injustice de ce jugement de Baudelaire à propos du portrait équestre du calife de Constantine (musée de Versailles), présenté au Salon de 1845 en même temps que le Mūlāy ‘Abdal-Raḥmān de Delacroix*, traduit bien le malentendu que n’a cessé de susciter l’œuvre de Chassériau, considérée comme une tentative de conciliation, insatisfaisante pour les deux camps, entre classique et romantique. Aussi ne faut-il pas s’en tenir à la facile opposition des écoles, mais admettre que la peinture de Chassériau traduit d’abord une personnalité dont l’originalité rend vains les classements.