Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles XII (suite)

En même temps, Görtz, qui a obtenu également la direction de la politique extérieure, négocie au congrès des îles Åland (1718) une alliance avec le tsar contre d’importantes concessions territoriales. Mais ce redressement politique spectaculaire, annonce peut-être d’une nouvelle épopée suédoise, est brusquement interrompu au siège de Fredrikshald, au cours de la deuxième expédition norvégienne, où le roi est tué le 11 décembre 1718.

Il est probable que Charles XII a été assassiné par un Suédois partisan de son beau-frère Frédéric de Hesse, ennemi de Görtz, car ce dernier, qui était Holsteinois, soutenait un autre prétendant au trône, le duc Charles-Frédéric de Holstein-Gottorp, neveu du roi. Sans descendance, celui-ci n’a pas préparé sa succession. Le candidat de son ministre Görtz est écarté, et celui-ci est exécuté. Le parti hessois triomphe alors, et la sœur de Charles XII, Ulrique-Éléonore, femme de Frédéric de Hesse, est proclamée reine en 1719. (Elle abdiquera l’année suivante en faveur de son époux, qui régnera de 1720 à 1751 sous le nom de Frédéric Ier.)

Mais, avant d’être couronnée, elle a dû promettre de renoncer à l’absolutisme et de gouverner avec le concours du Riksdag. Ainsi, quelques mois après la mort de Charles XII, un système parlementaire dont seule l’Angleterre, à cette époque, était pourvue fonctionne en Suède. Il se maintiendra jusqu’en 1772, au moment du coup d’État absolutiste de Gustave III.

Charles XII mort, la Suède termine au plus vite la guerre avec l’appui anglais. En deux ans (paix de Frederiksborg [1720], paix de Nystad [1721]), elle abandonne presque toutes ses possessions extérieures. En 1721, sa position de grande puissance est définitivement perdue.

Quelques années plus tard, dans son admirable Histoire de Charles XII (1731), Voltaire pourra écrire : « La vie de Charles XII doit apprendre aux rois combien un gouvernement pacifique et heureux est au-dessus de tant de gloire. »

P. R.

 R. Svanström et C. F. Palmstierna, Histoire de Suède (trad. du suédois, Delamain et Boutelleau, 1914). / P. Jeannin, Histoire des pays scandinaves (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 2e éd., 1965). / C. J. Nordmann, Charles XII et l’Ukraine de Mazeppa (L. G. D. J., 1959). / F. G. Bengtsson, The Life of Charles XII, King of Sweden (trad. du suédois, Londres, 1960).

Charles XIV ou Charles-Jean

(Pau 1763 - Stockholm 1844), maréchal français, puis roi de Suède et de Norvège (1818-1844).


Destiné par son père au barreau, Charles Jean-Baptiste Bernadotte s’enrôle à dix-sept ans et demi dans le régiment de Royal-Marine, passe de garnison en garnison et, à la veille de la Révolution, est sergent-major. Sa bonne mine, son air martial lui valent de ses camarades le surnom de « Sergent Belle-Jambe ». Il sert sous Kléber, contribue à la victoire de Fleurus (1794) et est nommé général de division. Devenu jusqu’à la fin 1796 un des principaux lieutenants de Jourdan, il participe à la campagne d’Italie, où il se fait remarquer par Bonaparte. Il déplaît d’ailleurs à ce dernier, qui, de son côté, ne lui inspire aucune sympathie. À Paris, le jeune ambitieux joue de ses relations personnelles pour se faire nommer ambassadeur à Vienne (1798), mais il doit quitter l’Autriche à la suite d’une émeute que ses imprudences ont sans doute provoquée. Ce rappel lui vaut en compensation le portefeuille de la Guerre (1799), et, dans ce poste, il fait preuve d’assez remarquables aptitudes, à tel point que les Directeurs prennent ombrage de sa popularité : « Les proclamations de Bernadotte enflamment la France, écrit Barras, nous ne sommes plus rien, on ne nous aperçoit plus. C’est le ministre de la Guerre qui est tout. »


Avec et contre Napoléon

Bien qu’ayant épousé en 1798 Désirée Clary, propre sœur de Mme Joseph Bonaparte, Bernadotte apprend sans plaisir le retour d’Égypte du vainqueur des Mamelouks, en qui il voit un rival possible. Il tempête et réclame le renvoi du futur Premier consul devant un conseil de guerre, l’accusant de désertion. Loin de lui offrir son aide pour le coup d’État tout proche, il consent seulement à rester neutre. « Ce n’est pas un moyen que Bernadotte, s’écrie Bonaparte, mais un homme obstacle [...]. S’il devenait ambitieux, il se croirait en droit de tout oser ! [...] Ce diable d’homme est d’ailleurs peu susceptible de séduction, il est désintéressé ; il a de l’esprit [...]. » En fait, deux ambitions s’opposent, et Bernadotte ira jusqu’à intriguer avec d’autres généraux républicains contre le Premier consul.

Grâce aux interventions de Joseph, soucieux de ménager leurs suceptibilités, Bernadotte peut en apparence regagner les bonnes grâces du maître. En 1804, il est compris dans la promotion des maréchaux et, en 1805, il est envoyé commander le corps d’occupation du Hanovre. L’Empereur croit se l’attacher en lui attribuant la principauté de Ponte-Corvo (1806) : sans aucun doute, en souvenir de Désirée, qu’il a jadis lui-même songé à épouser, il ménage le bouillant maréchal. Pourtant, pendant la campagne de Prusse, ce dernier n’arrive pas à temps pour aider Davout à Auerstedt ; en 1807, il ne parvient sur le champ de bataille d’Eylau que deux jours après le combat. En 1809, en Autriche, de nouveaux heurts se produisent : à Wagram, Bernadotte lance une proclamation maladroite, qui met en fureur Napoléon, et critique la stratégie impériale. Dépouillé de son commandement au profit du maréchal Bessières, Bernadotte va accepter le gouvernement général de Rome, lorsqu’il apprend qu’il est élu prince royal de Suède par la diète de Stockholm (1810). Napoléon ne peut s’opposer à ce choix, mais, de plus en plus, il se méfie du « merle qui se croyait un aigle ». Le prince de Ponte-Corvo a bien manœuvré ; il s’est attiré la sympathie des Suédois en 1806, à Lübeck, en relâchant 1 600 de leurs compatriotes prisonniers dans la ville ; de plus, il s’est toujours montré humain en pays conquis.


Un nouveau souverain