Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

agent de change

Intermédiaire officiel et spécialisé, investi du monopole de négociation des valeurs mobilières en France.



Historique

Les origines de la profession d’agent de change remontent au Moyen Âge. Dès 1304, une ordonnance royale révèle l’existence d’intermédiaires, « ceux du change », chargés de faciliter les règlements commerciaux entre acheteurs et vendeurs sur les places marchandes, moyennant commission. Vers la fin du Moyen Âge, ces intermédiaires prennent le nom de courratiers. Leur profession, qui, lorsque les règlements s’effectuent seulement en numéraire, ne se distingue guère de celle d’orfèvre-changeur, se spécialise alors dans la négociation d’un nouveau moyen de paiement, la lettre de change. Officialisés en 1572, les courtiers de banque, change et commerce sont en nombre limité : huit à Paris, douze à Lyon, quatre à Rouen. Nantis d’une lettre de provision du roi, ils doivent s’acquitter régulièrement du paiement d’une taxe.

L’arrêt de 1638, qui porte leur nombre à trente, rend les offices héréditaires. Un syndicat est constitué ainsi qu’une bourse commune, gérée par le syndicat sous le contrôle de l’assemblée générale des courtiers. Les agents de banque et de change, organisés en une compagnie, offrent désormais des garanties réelles à leurs clients : les conditions d’admission à la profession sont fixées en 1684, et l’interdiction d’opérer pour leur propre compte est renouvelée. Lorsque les sociétés de capitaux, grandes compagnies maritimes ou entreprises préindustrielles, se développent, les agents de change, organisés en compagnie, sont en mesure de faire face à l’accroissement du volume des transactions en valeurs mobilières. La compagnie apparaît ainsi comme le seul élément régulateur d’un marché désorganisé et désemparé, après la chute du système de Law. En 1774, un arrêt instaure le parquet, lieu réservé aux agents de change pour les isoler de la foule des « agioteurs » et leur permettre de conclure leurs négociations avec le maximum de sécurité.

Le 27 juin 1793, la Bourse est fermée ; la suppression de tous les offices confère à la fonction d’agent de change une entière et absolue liberté : ouverte à tous, moyennant patente et inscription au tribunal de commerce, elle peut être cumulée avec toute autre profession. Après la tourmente révolutionnaire, le Consulat va s’efforcer de rendre ses lettres de noblesse à la compagnie par la loi du 19 mars 1801. Nommés sous des conditions de moralité et de compétence, les agents de change versent un cautionnement à l’État. Le Code de commerce de 1807, dans ses titres V et VIII, complète l’édifice napoléonien.

En 1827, la Bourse des valeurs, installée dans le palais conçu par l’architecte Brongniart, entre dans une ère d’activité et de prospérité. Le 20 juin 1898, le nombre des agents de change est porté de 60 à 70, et obligation leur est faite d’établir entre eux, pour l’exécution des ordres, une solidarité corporative. Cette unité financière devait être au xxe s. la meilleure arme de la compagnie dans les incertitudes boursières inhérentes aux guerres ou aux dépressions monétaires. Ce fut aussi un solide argument pour doter les agents de change et leur institution d’une organisation moderne, propre à satisfaire les exigences renouvelées découlant du rôle accru joué par la Bourse et les valeurs mobilières dans le progrès économique.


Le privilège de négociation

Le Code de commerce de 1807, en son article 76, stipulait que « les agents de change... ont seuls le droit de faire la négociation des effets publics susceptibles d’être cotés... (et qu’ils) ont seuls le droit d’en constater le cours ». Ce même principe est repris dans la loi du 29 juillet 1961 (art. 15), qui porte réforme de la Bourse et confirme que « les négociations de valeurs mobilières sont toutes effectuées par des agents de change constitués de la manière prescrite par les lois ». La négociation des valeurs mobilières est ainsi dévolue par la loi aux agents de change, intermédiaires officiels spécialisés dans cette tâche ; leur droit s’analyse en un monopole, ou privilège, de négociation. Posé comme absolu en 1807, ce principe fondamental souffre jusqu’en 1962 d’une exception importante pour deux raisons. D’une part, le désir de protéger l’épargne publique et de contrôler le marché incite, au xixe s., la Compagnie des agents de change à ne coter que des titres émis par des sociétés de notoriété et d’ancienneté confirmées ; d’autre part, l’interdiction d’admettre à la cote officielle des titres d’une valeur nominale inférieure à 100 F écarte du marché officiel de nombreuses valeurs, étrangères en particulier, telles les actions de mines d’or sud-africaines. Dès lors, des particuliers ou des maisons de titres, agissant pour leur propre compte, sont amenés à prendre en charge la négociation des titres non admis à la cote officielle. Ces « banquiers en valeurs mobilières » interviennent aussi à l’émission, en souscrivant des titres à l’aide de leurs fonds propres ou sur ordre de leurs clients. Cet état de fait est consacré, en quelque sorte, par un arrêt prononcé en 1885 par la Cour de cassation, qui, en définissant les « effets susceptibles d’être cotés » comme les seules valeurs effectivement admises à la cote des agents de change, légitime l’existence d’un marché officieux. La coulisse, tel fut le nom que lui donna le langage de la Bourse, s’organise bientôt en un syndicat des banquiers en valeurs mobilières. Enfin, la loi du 14 février 1942 consacre comme un marché officialisé, de second rang, le marché des courtiers en valeurs mobilières.

Avec le temps, le parallélisme de statut de chacune des deux professions et la similitude des opérations traitées sur les deux marchés justifient de moins en moins un tel doublement des compétences. Vingt ans après la loi de 1942, la loi du 29 juillet 1961 opère la fusion des deux marchés. En 1967, cette œuvre unificatrice est complétée par la création d’une compagnie des agents de change à compétence nationale.