Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles IV (suite)

Cette paix dure bien peu de temps, et Napoléon, devenu empereur des Français (1804), contraint Charles IV à déclarer une fois de plus la guerre aux Anglais, qui coulent ou saisissent les navires espagnols sur le chemin de l’Amérique. Le désastre, au large de Trafalgar, de l’escadre franco-espagnole commandée par l’amiral Pierre Charles de Villeneuve (21 oct. 1805) marque la décadence définitive de la puissance maritime espagnole. La France n’en souffre pas trop, car elle remporte des victoires sur le continent. Napoléon signe avec l’Espagne le traité de Fontainebleau (1807), qui stipule l’occupation du Portugal, alors base commerciale anglaise, et le passage par l’Espagne des troupes françaises. Ferdinand, prince des Asturies, prend la tête d’un complot contre Godoy, mais les conspirateurs sont découverts et arrêtés : l’opinion populaire leur étant favorable, ils seront cependant acquittés.


La chute de Godoy et l’abdication de Charles IV

Napoléon nourrit en fait des ambitions beaucoup plus grandes que l’invasion du Portugal. Il somme plusieurs points stratégiques de l’Espagne (Pampelune, Barcelone, Saint-Sébastien, Figueras, etc.) d’héberger les soldats français. Alarmé par l’attitude de l’Empereur, Godoy conseille à la famille royale de partir pour l’Andalousie, d’où il leur sera plus facile de fuir vers l’Amérique, comme l’ont fait les souverains portugais. La nouvelle de ce départ provoque dans la nuit du 17 au 18 mars 1808 le « pronunciamiento d’Aranjuez » (cette ville étant la résidence de la Cour), et Charles IV, effrayé par la réaction de son peuple, oblige Godoy à se démettre de ses fonctions et abdique en faveur de son fils Ferdinand (19 mars 1808).

Le nouveau roi prend le chemin de Madrid. Il trouve la capitale occupée par les troupes du maréchal Bon Adrien Jeannot de Moncey. Murat, qui y est installé en tant que commandant en chef de l’armée d’Espagne, déclare nulle et non avenue l’abdication de Charles IV. Celui-ci est alors à Bayonne, où il essaie de persuader Ferdinand qu’il conviendrait de recevoir l’empereur des Français à Vitoria. En fait. Murat parvient à envoyer Ferdinand à Bayonne pour qu’il y ait un entretien avec l’Empereur. Ferdinand doit rendre la couronne à Charles IV, qui la cède à Napoléon (mai 1808).

Le vieux roi, accompagné de la reine et de Godoy, s’expatrie alors à Fontainebleau, puis à Compiègne et à Marseille, et enfin en Italie.

R. G.-P.

 C. Corona Baratech, Revolución y reacción en el reinado de Carlos IV (Madrid, 1957). / A. Muriel, Historia de Carlos IV (Madrid, 1959 ; 2 vol.). / B. Pérez Galdós, La corte de Carlos IV (Madrid, 1961). / R. Herr, España y la revolución del siglo xviii (Madrid, 1964).

Charles-Albert

(Turin 1798 - Porto, Portugal, 1849), roi de Sardaigne (1831-1849).


Charles-Albert perdit à deux ans son père, Charles-Emmanuel (1770-1800), prince de Carignan, que ses opinions libérales avaient obligé à passer en France. Il grandit donc en exil, avec sa mère ; il fit son apprentissage militaire à Bourges, où Napoléon Ier l’avait nommé lieutenant au 8e dragons. En 1814, il rentra au Piémont. Il devint héritier présomptif du trône lorsque, le 13 mars 1821, Victor-Emmanuel Ier abdiqua en faveur de son frère Charles-Félix, qui n’avait pas d’enfants, et nomma Charles-Albert régent.

On accusait le jeune prince de sympathiser avec les carbonari, voire de leur être affilié. En réalité, il partageait seulement, comme l’élite des jeunes nobles de son âge, l’espoir de voir l’Italie libérée du joug de l’étranger et maîtresse de son destin. Aussi, lorsque, le 10 mars 1821, éclata un mouvement insurrectionnel auquel l’avait gagné quelques jours plus tôt le comte Santorre di Santarosa (1783-1825), chef de l’entreprise, nomma-t-il ce dernier ministre de la Guerre dans le cabinet en formation et accepta-t-il de promulguer la Constitution espagnole de 1812, comme le souhaitaient les révolutionnaires, sous la réserve de l’approbation du roi Charles-Félix, qui se trouvait à Modène.

Ce geste révélait son inexpérience. En réalité, cette Constitution ne laissait au roi que de faibles pouvoirs, et il était impensable qu’un monarque absolutiste comme Charles-Félix hésitât un instant à la rejeter. Aussi bien l’ordre vint-il de Modène, qui déclarait nulle toute innovation au régime antérieur à l’insurrection et ordonnait au régent de rejoindre à Novare les forces chargées de soumettre les rebelles. Ceux-ci avaient pu, en effet, soulever quelques régiments, que les Autrichiens, campés de l’autre côté du Tessin, n’eurent aucune peine à mettre en déroute le 8 avril. Entre-temps, Charles-Albert s’était rendu lui-même au quartier général autrichien, où il avait essuyé les compliments ironiques des chefs de l’armée ennemie, et de là à Florence auprès du grand-duc, son beau-père. La plupart des conjurés avaient réussi à gagner l’étranger.

Une intrigue s’était nouée dans les milieux dévoués à l’Autriche pour écarter du trône, avec Charles-Albert, la branche de Savoie-Carignan au profit de François IV, duc de Modène, gendre de Victor-Emmanuel Ier. Pour cela, il eût fallu abolir en Sardaigne la loi salique. Charles-Félix s’y refusa, soutenu par la France et la Russie, et Charles-Albert acheva de se blanchir aux yeux des chefs de la Sainte-Alliance en allant combattre sans joie — il chercha en vain la mort lors de la prise du fort de Trocadero — les constitutionnels espagnols (1823). En 1824, il rentra au Piémont. Charles-Félix lui avait pardonné, mais le tint toujours à l’écart du pouvoir jusqu’à ce qu’il lui succédât en 1831.

Le caractère de Charles-Albert est resté longtemps une énigme. De bonne heure, l’esprit chrétien inspira ses actes, soit pour rechercher le bien de ses sujets tel qu’il l’apercevait, soit pour pardonner à ses ennemis, ou bien pour réaliser l’union au service de la patrie, même avec les hommes d’opinions contraires aux siennes, pourvu qu’ils ne fussent pas notoirement ennemis de toute religion. Son irrésolution venait d’une excessive défiance de lui-même. Par ailleurs, sa vie privée s’enfonçait dans un ascétisme qui ne cessa d’aller croissant jusqu’à la fin de son existence.