Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles II (suite)

C’est d’ailleurs ce qui ruine la politique de Charles et de Clarendon. Car il y a peu de presbytériens au Parlement, et la majorité est du côté du haut clergé anglican. Aussi, au lieu de la tolérance que désire le roi, le Parlement, par l’Acte d’uniformité (mai 1662), rend obligatoire le Book of Common Prayer, quelque peu amendé. Aussitôt, près de 1 200 prêtres anglicans quittent l’Église d’Angleterre, refusant de se conformer au rituel épiscopaliste : ils vont rejoindre ceux des presbytériens qui, ayant abandonné tout espoir de réformer cette Église de l’intérieur, l’ont déjà quittée (ce sont les « Dissenters »). Le roi essaie de parer cette mesure par sa Déclaration d’indulgence (déc. 1662) en faveur des catholiques et des presbytériens. Mais le Parlement, interdisant l’exercice de leur culte et l’accès à toute charge officielle aux non-conformistes, et instaurant la censure, le force à renoncer.

Manquant d’argent, Charles II trouve un bon moyen de s’en procurer : il soutient la politique de Louis XIV en Europe moyennant d’importants subsides, marie en 1661 sa sœur Henriette-Anne (Henriette d’Angleterre) à Philippe d’Orléans, frère du roi de France, vend Dunkerque à Louis XIV et épouse en 1662 une princesse portugaise, Catherine de Bragance, qui lui apporte une magnifique dot. Surtout, il engage l’Angleterre dans une guerre contre les Hollandais (févr. 1665), très appréciés pour leur protestantisme par la majorité de l’opinion anglaise ; or les Hollandais infligent aux Anglais une humiliante défaite navale à Chatham (juin 1667).

L’Angleterre est d’ailleurs épuisée par deux catastrophes : la grande peste de 1665 et le « grand feu » de 1666, qui ravage la cité de Londres. La paix de Breda, conclue en juillet 1667, ne règle aucun problème, en laissant leurs conquêtes respectives aux deux adversaires. C’est ainsi que New York et New Jersey deviennent anglais. Une paix aussi médiocre, une défaite aussi cinglante demandent un bouc émissaire : c’est Clarendon, qui s’en va terminer en exil sa célèbre « histoire de la Grande Rébellion » (il mourra à Rouen en 1674).

À Clarendon succède la « Cabal », ainsi nommée en raison des initiales du nom de ces cinq membres : Clifford, Arlington, Buckingham (le fils du favori de Charles Ier), Ashley (plus tard comte de Shaftesbury) et Lauderdale. La « Cabal » s’engage dans une politique tortueuse : alors qu’une Triple-Alliance est conclue à la satisfaction de l’opinion entre l’Angleterre, la Suède et la Hollande, la politique profrançaise continue à être menée en secret. Louis XIV ajoute aux subsides Louise de Kéroualle, qui devient très vite la maîtresse du roi et reçoit le titre de duchesse de Portsmouth. En mai 1670 est signé le traité de Douvres (traité secret), par lequel Charles II s’engage à faire la guerre contre la Hollande (son alliée officielle) et à se convertir au catholicisme. Une version modifiée du traité est soumise aux membres protestants de la « Cabal ».

C’est en 1672 qu’éclate la guerre contre la Hollande. Pour essayer de la faire accepter, le roi publie une seconde Déclaration d’indulgence. Cependant, les troupes et la flotte anglaises ne brillent guère, et, devant la violence de l’opposition parlementaire, Charles doit signer le traité de Westminster, qui consacre le retour au statu quo (févr. 1674). La « Cabal » disparaît dans la tourmente.

Le Parlement, devenu presque entièrement hostile au roi, concentre alors ses attaques sur les catholiques, au premier rang desquels figure James, duc d’York (le futur Jacques II), le propre frère du roi. Charles II, dans ces conditions, fait appel à Thomas Osborne, comte de Danby (plus tard duc de Leeds), qui, pour faciliter la tâche du gouvernement, recourt systématiquement à la corruption. Danby dirige le « parti de la Cour » (tory), alors que Shaftesbury dirige le « parti du Pays » (whig) : étape très importante dans l’histoire des Assemblées britanniques. Danby, antifrançais, pratique une politique extérieure populaire : c’est ainsi qu’est conclu le mariage de Marie, fille du duc d’York, frère du roi, et de Guillaume d’Orange, stathouder des Provinces-Unies (nov. 1677). Charles II ne rompt pas pour autant avec Louis XIV, qui, pour parer ce coup, n’hésite pas à acheter les députés whigs. Cependant, une véritable obsession d’un complot catholique se manifeste : lorsque deux personnages assez curieux, Titus Oates et Israel Tonge, répandent le bruit qu’ils ont découvert un complot papiste, dans lequel la reine et le duc d’York sont impliqués, le roi doit laisser exécuter une trentaine de personnes. Le duc d’York s’exile, et Danby est jeté à la tour de Londres, l’ambassadeur à Paris, Montague, ayant révélé la correspondance du ministre avec la France à propos des subsides. Charles II, pour sauver la tête de Danby, doit dissoudre (1679) le « Long Parlement ».

Le nouveau Parlement, réuni en octobre 1680, s’attaque directement au duc d’York, réclamant son exclusion de la succession au profit de l’aîné des bâtards de Charles II, le duc de Monmouth. C’est à ce stade que s’effectue de la façon la plus nette et la plus claire la coupure entre les tories (adversaires de l’« Exclusion Bill ») et les whigs, menés par Shaftesbury (partisans de l’« Exclusion »). Mais, si les whigs l’emportent aux Communes, l’« Exclusion Bill » est repoussé aux Lords. Le roi prononce la dissolution ; le nouveau Parlement, réuni à Oxford en mars 1681, est immédiatement dissous.

L’opinion, d’ailleurs, se lasse de ces querelles, et la passion anticatholique est quelque peu calmée. Charles en profite : de 1681 à 1685, il gouverne le pays sans Parlement, mais aussi en essayant de se conformer aux vœux profonds du peuple. L’opposition whig est décapitée par l’arrestation de Shaftesbury — assez vite relâché d’ailleurs — et par la découverte d’un complot (« Rye House Plot »), qui permet au roi de se débarrasser de certains des whigs les plus exaltés (exécution du comte d’Essex et d’Algernon Sidney en 1683). Charles meurt le 6 février 1685, après avoir fait une profession de foi catholique.