Charles VI le Bien-Aimé (suite)
Bien qu’il ait recouvré à plusieurs reprises une raison que le drame du bal des Sauvages (dit ensuite « des Ardents ») a sans doute un peu plus ébranlée en janvier 1393, le roi doit abandonner la réalité du pouvoir à ses oncles Jean et Philippe, respectivement ducs de Berry et de Bourgogne, et à son frère Louis, duc d’Orléans depuis le 4 juin 1392. Écartant ceux des Marmousets qui refusent de servir leurs intérêts, les « princes des fleurs de lys » se font remettre sur leurs terres une délégation des droits régaliens et la libre disposition des aides à condition d’en assurer la défense et l’administration. En fait, la lourdeur de ces dernières et l’obligation où les princes sont d’entretenir une abondante clientèle les contraignent à rétablir la fiscalité directe en 1396 (grandes tailles). Cette entente apparente cache mal la rivalité qui oppose les princes entre eux. S’établissant au Luxembourg en 1402, se faisant confier la régence en l’absence de son rival le 18 avril, faisant entrer la reine Isabeau de Bavière au Conseil le 23 avril 1403, soutenant le pape d’Avignon et combattant l’usurpation d’Henri IV de Lancastre en 1399, alors que son oncle se déclare hostile au premier et partisan du second, Louis d’Orléans entre en conflit avec les Valois-Bourgogne, conflit qui devient aigu après l’avènement de Jean sans Peur en 1404. Le nouveau duc de Bourgogne, qui se pose en réformateur et en justicier — alors qu’il est en réalité surtout mécontent d’être écarté du maniement des finances publiques —, fait assassiner son cousin le 23 novembre 1407. Ce meurtre aboutit à la division du royaume en deux partis : celui des Bourguignons, animé par Jean sans Peur et groupant les Parisiens et les réformateurs, notamment les universitaires ; celui des Armagnacs, qui se constitue autour de Bernard VII d’Armagnac, beau-père de Charles d’Orléans, soutenu par les oncles du roi, la reine et le dauphin (pacte de Gien du 10 avril 1410).
Entre les deux partis, qui font appel à l’aide anglaise, Charles VI (qui a pris pour maîtresse Odette de Champdivers) n’est plus qu’un jouet qui, selon les circonstances tombe soit sous l’influence des Armagnacs, soit sous celle des Bourguignons.
Promettant justice à Valentine Visconti le 21 décembre 1407, mais pardonnant en 1409 à Jean sans Peur le meurtre du duc d’Orléans, le roi combat finalement les Armagnacs aux côtés du duc de Bourgogne en 1412. Ignorant la révolution cabochienne en avril 1413, il dirige théoriquement la guerre menée par les Armagnacs contre les Bourguignons en 1414, mais accepte la tutelle de Philippe le Bon au lendemain du meurtre de Jean sans Peur au pont de Montereau le 10 septembre 1419. Dans ces conditions, il ratifie (21 mai 1420) le traité de Troyes, qui déshérite au profit des Lancastres son fils le dauphin Charles, qu’il déclare inapte à lui succéder (23 déc. 1420). Le 22 octobre 1422, il disparaît, laissant le royaume de France à son petit-fils, le jeune Henri VI de Lancastre, fils de Catherine de France, sous la régence du duc de Bedford.
P. T.
➙ Cent Ans (guerre de) / Berry (Jean, duc de) / Jean sans Peur, duc de Bourgogne / Philippe le Hardi, duc de Bourgogne / Philippe le Bon / Valois.
L. Mirot, les Insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383), leurs causes, leurs conséquences (Fontemoing, 1905). / P. Bonenfant, Du meurtre de Montereau au traité de Troyes (Palais des Académies, Bruxelles, 1958). / B. A. Pocquet du Haut-Jussé, la France gouvernée par Jean sans Peur. Les dépenses du receveur général du royaume (P. U. F., 1959). / M. Rey, le Domaine du roi et les finances extraordinaires sous Charles VI, 1388-1413 (S. E. V. P. E. N., 1965) ; les Finances royales sous Charles VI. Les causes du déficit, 1388-1413 (S. E. V. P. E. N., 1965).