Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chappe (Claude)

Inventeur du télégraphe optique aérien (Brulon 1763 - Paris 1805).


Destiné à la prêtrise et nommé abbé commandataire à la sortie du séminaire de La Flèche, il est pourvu de deux bénéfices, que lui supprime l’Assemblée constituante en 1790. Féru de sciences et de physique, il poursuit des travaux sur l’électricité et les communications optiques à grande distance. Aidé par ses quatre frères, Ignace (1762-1829), Pierre-François (1765-1834), René (1769-1854) et Abraham (1773-1849), il imagine divers systèmes, dont les essais sont souvent contrariés par la malveillance (Parce, Paris, barrière de l’Étoile, 1791). Finalement, il réalise un télégraphe aérien simple, robuste, de manipulation rapide et aisée, combinant des signaux clairs et exempts de confusion, qui donne ultérieurement au système français une indéniable suprématie sur ses concurrents étrangers. En 1792, il fait hommage à l’Assemblée législative de son invention, qui est finalement adoptée par la Convention après des essais réussis, le 12 juillet 1793, entre Ménilmontant et Saint-Martin-du-Tertre, distants de 35 km. La première ligne Paris-Lille fonctionne en 1794. Claude se spécialise dans la recherche des sites, la fabrication, la mise au point du matériel, tandis que la gestion administrative est assurée par ses frères. Mais, miné par un écrasant labeur, il se suicide en proie à une dépression nerveuse.


Le télégraphe Chappe

Il se composait essentiellement de trois pièces qui, supportées par une potence fixe, se déplaçaient dans un même plan vertical. La plus longue, le régulateur, qui pouvait, en tournant autour de son axe, prendre quatre positions : verticale, horizontale et obliques (gauche, droite), portait à chacune de ses extrémités un bras articulé, l’indicateur, lui-même capable de présenter cinq positions différentes au cours d’une révolution complète. Un système de poulies, de contrepoids et de transmissions commandait ces mouvements et les répétait à l’intérieur de la station devant le télégraphiste. Les figures géométriques résultant de ces combinaisons, numérotées de 0 à 9, permettaient la transmission de nombres constituant un code de 9 999 mots, syllabes ou lettres, que seuls possédaient les directeurs des stations terminales. Les agents des stations intermédiaires, échelonnées le long de la ligne, se bornaient à répéter de proche en proche, sans les comprendre, les signaux arborés par leurs correspondants immédiats. Quinze signaux, dits « réglementaires », connus de tous, informaient chacun sur les conditions de fonctionnement de la ligne. Le premier code, utilisé en 1794 lors de l’ouverture de la ligne de Lille, fut remplacé en 1795 par un autre plus élaboré, mais plus compliqué (35 000 combinaisons environ). Le troisième et dernier code, mis en service en 1829, beaucoup plus pratique, en comportait plus de 45 000, chacune traduisant en général plusieurs mots, voire des phrases entières. Le réseau se développa rapidement entre 1793 et 1850 : Paris-Lille (1794) ; Paris-Strasbourg (1798) ; Paris-Brest (1798) ; Paris-Dijon-Lyon (1799-1805) ; Lyon-Avignon-Marseille-Toulon (1821) ; Paris-Bordeaux (1823) ; Avignon-Montpellier (1831) ; Cherbourg-Avranches-Rennes-Nantes (1833) ; Montpellier-Narbonne (1834) ; Bordeaux-Toulouse-Narbonne (1834) ; Narbonne-Perpignan (1840) ; Dijon-Besançon (1840) ; Bordeaux-Bayonne (1846). À l’apogée du réseau, il existait 556 postes. Les campagnes révolutionnaires et impériales provoquèrent des installations à l’étranger, notamment : Lille-Bruxelles (1803) ; Bruxelles-Anvers-Flessingue (1809) ; Lyon-Lanslebourg-Milan-Turin (1805-1809) ; Milan-Venise (1810) ; Bruxelles-Amsterdam (1810) ; Metz-Mayence (1813). En 1837, afin de simplifier les manœuvres et d’en augmenter la cadence, le régulateur devint fixe en position horizontale (système Flocon). Les douze positions respectives des deux indicateurs mobiles permettaient 93 528 combinaisons. Un système simplifié Chappe équipa le réseau algérien entre 1834 et 1844. La télégraphie militaire l’utilisa pour la dernière fois durant la campagne de Crimée en 1856.

Souvent troublées par des perturbations atmosphériques, pluie ou brume, les transmissions par le télégraphe Chappe étaient interrompues dès le crépuscule. Les essais de transmissions nocturnes tentés à l’aide de fanaux accrochés aux machines furent contrariés par la faible intensité des sources lumineuses disponibles et par la disparité des angles formés par un poste et ses deux voisins, rarement situés en enfilade. Les résultats remarquables obtenus par Claude Chappe et ses frères suscitèrent l’apparition de nombreux systèmes concurrents, notamment ceux de Saint-Haouen (1756-1826) et d’Ennemond Gonon ; leur complication les fit échouer. Le « Vigigraphe », utilisant un code décimal mis au point par Laval, Peytes-Moncabrié et Le Blond, fut abandonné après des essais effectués en 1799. En 1833, un nommé Ferrier mit en service à ses frais une ligne Paris-Rouen qui fut fermée en 1837, après la loi instituant le monopole de l’État en matière de transmissions télégraphiques. Le télégraphe Chappe a fonctionné du 11 floréal an II (30 avr. 1794) jusqu’en 1856 (Crimée-Sébastopol). Mis à la disposition du public à partir du 1er mars 1851, il avait uniquement transmis auparavant les dépêches officielles, et c’est grâce aux subventions accordées par la Loterie nationale, dont il diffusait les résultats, qu’il put traverser des périodes difficiles. À partir de 1844, il fut progressivement remplacé par le télégraphe électrique. L’appareil à aiguilles Breguet-Foy, reproduisant les signaux Chappe (type horizontal), assura la transition. Le télégraphe aérien survit toutefois actuellement par le réseau hertzien, composé, comme lui, de tours se succédant en « vision directe ».

G. R.

Char (René)

Poète français (L’Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907).


La vie de René Char ne peut être séparée de son œuvre poétique. Le poème est son histoire, l’histoire d’un homme qui entend faire de sa vie un poème exemplaire, au rythme même de ce poème qui la découvre.