Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique du Sud (république d’) (suite)

Littérature de langues bantoues

Le continent africain possède sept cents langues ; celles dont usent les Africains de l’Afrique du Sud appartiennent au groupe bantou, à l’intérieur duquel le zoulou, le xhosa et le sotho sont les langues les plus importantes ; le pays s’enrichit maintenant d’une littérature étendue dans trois langues. Leur avenir dépend, comme ailleurs en Afrique, de considérations non seulement culturelles, mais également politiques, la langue étant associée à l’identité nationale. Déjà le sotho est devenue la langue nationale de l’État souverain indépendant du Lesotho. Le xhosa est la langue nationale de l’État semi-autonome du Transkei. De même que l’Église donna, il y a quelque cent cinquante ans, leur première forme écrite à ces langues par l’intermédiaire de ses missionnaires français et anglais, de même la fierté nationale est-elle susceptible de stimuler les écrivains dans ces mêmes langues. L’université Witwatersrand à Johannesburg a publié onze volumes de poésie dans la collection « Bantu Treasury ». On y trouve les œuvres du poète et érudit B. W. Vilakazi (1906-1947), du pasteur xhosa J. J. R. Jolobe (né en 1902), de S. E. K. Mqhayi (1875-1945). Jusqu’à présent, c’est en zoulou qu’a fleuri la meilleure poésie, alors que le xhosa a trouvé sa meilleure forme d’expression dans le roman, particulièrement dans l’œuvre de A. C. Jordan, auteur du classique Ingqumbo Yeminyanya (The Wrath of the Ancestors), étude de la confrontation des lois tribales et des idées importées de l’Occident. Dans leur langue propre, les poètes africains tendent à rester fidèles aux formes traditionnelles, en s’exprimant en termes collectifs et impersonnels. Certains de leurs chants, par exemple, peuvent être, de fait, le fruit d’un ensemble, d’un chœur ou d’un orchestre. Le poète africain qui exprime son individualité est souvent celui qui a abandonné son milieu culturel et adopté la langue anglaise. Si certaines œuvres contemporaines écrites en langue bantoue sont imprégnées d’une atmosphère nationale, qui rappelle les premiers écrits en langue afrikaans, quelques écrivains africains tels que Ezekiel Mphahlele, auteur de The African Image (1962), ont pris position contre le concept de négritude. Ils estiment qu’un écrivain africain peut, surtout en Afrique du Sud, rapprocher utilement les uns des autres les groupes culturels ou sociaux. Le degré relativement élevé d’instruction en Afrique du Sud assure une excellente audience aux écrivains de langues bantoues, et, par ailleurs, les maisons d’édition distribuent des prix littéraires et d’autres formes d’encouragement. À l’aide de ses émissions dans les principales langues bantoues, Radio Bahtu contribue également au développement de leur expression littéraire. Shakespeare, traduit en zoulou par King Masinga, a trouvé une grande résonance parmi les spectateurs zoulous, habitués à la violence, au tonnerre et au drame de leurs poèmes traditionnels. Cependant, dans les centres urbains d’Afrique du Sud, les langues bantoues ont à combattre la position solidement établie de l’anglais, langue des journaux africains à grand tirage, qui stimulent à leur tour l’évolution des écrivains urbanisés et de la nouvelle langue afro-anglaise.

R. M.

 R. Antonissen, Die Afrikaanse Letterkunde van aanvang tot hede (Le Cap, 1956). / G. M. Miller et H. Sergeant, A Survey of South African Poetry (Le Cap, 1957). / A. P. Grave et C. J. D. Harvey (sous la dir. de), Afrikaans Poems with English Translations (Londres, 1962). / N. Gordimer et L. Abrahams (tout la dir. de), South African Writing Today (Harmondsworth, 1967). / J. Cope et U. Krige (sous la dir. de), The Penguin Book of South African Verse (Harmondsworth, 1969).


L’évolution historique


Période africaine

Des découvertes fossiles, dans la région de Johannesburg et dans des grottes du Transvaal, montrent que l’homme vivait déjà en Afrique australe il y a près de 500 000 ans. Il est impossible de déterminer dans quelle mesure ces lointains ancêtres ont contribué à la formation des populations noires actuelles. En effet, le refoulement et l’absorption de certaines tribus par d’autres, les modifications climatiques, qui se sont traduites par des flux et des reflux du désert, ont imposé des migrations complexes et mal connues.

Mis à part les hommes de la préhistoire, ce sont les populations de race « khoisan » qui constituent le peuplement le plus ancien de l’Afrique du Sud ; elles se différencient tout autant des Noirs que de toutes les autres races humaines actuelles. Confinées aujourd’hui dans les régions désertiques de l’Afrique du Sud, elles occupaient jadis un territoire bien plus vaste, dont, peut-être, certaines régions du Sahara. Les Bochimans (ou Bushmen), chasseurs et collecteurs, habitaient le pays avant les Namas, qui sont arrivés vers le xiie s. On suppose que les Namas (appelés aussi Hottentots) sont venus des Grands Lacs ; peut-être résultent-ils d’un métissage de Bochimans et de Hamites.

Pendant longtemps, les deux ethnies, habitant des zones distinctes et adoptant un genre de vie différent, coexistèrent. Les Bochimans ont laissé de nombreuses peintures rupestres, parmi lesquelles la « Dame blanche » du Brandberg.

Au xvie s. arrivèrent les Bantous, qui empruntèrent deux directions. Les uns, par le sud-ouest, suivirent le chemin pris autrefois par les Namas ; les autres longèrent l’océan Indien jusqu’à la bordure du Drakensberg. Les Ovambos et les Hereros, installés actuellement dans le Sud-Ouest, prirent la première voie ; les Zoulous, les Sothos (ou Bassoutos), les Tswanas (ou Bechuanas) ainsi que les Vendas utilisèrent le second itinéraire. Les Namas et les Bochimans furent refoulés et partiellement exterminés par les Bantous. De nombreuses gravures rupestres dépeignent ces luttes. Une partie des Namas et des Bochimans se métissa avec les Bantous, ce qui influença certaines langues bantoues, comme le xhosa.


La « découverte » de l’Afrique du Sud