Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chang (époque) (suite)

La dernière capitale (xive-xiie s. av. J.-C.), transférée dans la région d’Anyang, au nord du Henan, révèle en effet une culture complexe parvenue à son apogée. Le site, connu depuis longtemps par la tradition chinoise, fut fouillé dès 1928. La ville, organisée sur le même modèle que Zhengzhou, occupait la rive sud de la rivière Huan (Houan). Les emplacements de palais et peut-être de sanctuaires y ont été localisés. Sur la rive nord étaient creusées les grandes sépultures royales. Le souverain, accompagné de fidèles, de serviteurs et d’animaux, était enterré avec un riche mobilier funéraire, rappelant les fastes de sa vie terrestre. Les vases de sacrifices, dont la patine rehausse aujourd’hui l’effet ont été trouvés en même temps que des armes en bronze : couteaux incurvés surmontés d’une tête d’animal, hallebardes et haches-poignards. Objets de parade plus que de combat, certaines pièces ont un manche incrusté de turquoises et une lame de jade. Elles allient la richesse du décor à la qualité de l’exécution.

La grammaire décorative des bronzes (v. Chine [art]) est traduite avec la même maîtrise sur la céramique, le marbre, le jade, l’os ou l’ivoire*. À côté de poteries grises, d’usage courant, apparaissent des pièces d’argile fine à couverte et surtout une céramique blanche faite au tour dans une pâte dure proche du kaolin. Le marbre sert de matériau aux premières sculptures en ronde bosse. Destinées à la décoration architecturale, celles-ci représentent des animaux et des personnages de petite taille, aux volumes stylisés. Les objets en jade, travaillés sur de petites plaques de faible épaisseur, comprennent des armes, des symboles de prestige et des pendentifs aux formes animales les plus pures.

F. D.

➙ Chine.

 Cheng Te-k’un, Archaeology in China (Cambridge, 1959). / Chang Kwang-chih, The Archaeology of Ancient China (New Haven, Connect., 1963 ; nouv. éd., 1968).

changement social

Thème de la pensée sociologique contemporaine qui, à la suite des philosophies de l’histoire et de la pensée évolutionniste, exprime la double ambition de décrire et d’expliquer le processus à la faveur duquel se trouve modifié un aspect quelconque de l’existence en groupe.



Introduction

Le terme de changement social recouvre une variété de situations. Une des caractéristiques de nos sociétés, à laquelle les observateurs s’accordent à reconnaître la plus grande importance, c’est le fait non pas qu’elles changent, mais que le changement n’est plus, comme dans le passé, un accident plus ou moins imprévu, qui ponctuerait de loin en loin l’histoire humaine, mais qu’il en constitue maintenant un ressort tout à fait essentiel, pour ainsi dire institutionnel, normal et quotidien. Peut-on, sans y regarder de plus près, accepter cette « idée reçue » ? Si peu qu’on y réfléchisse, on s’aperçoit que, bien souvent, le changement crée pour les individus comme pour les sociétés autant de problèmes qu’il en résout. C’est ce qu’un autre stéréotype exprime sous le nom de résistance au changement.

La difficulté de ces propositions ne vient pas seulement de ce qu’elles vont contre une autre « idée reçue » — ou du moins contre une idée qui a été largement admise jusqu’à ces temps-ci —, laquelle attache dans le fonctionnement des sociétés la plus grande importance aux « traditions ». Il y a plus grave : le changement prend-il la forme de « la naissance et de la corruption », comme disaient les Anciens ? Constitue-t-il, comme l’ont cru les philosophes des lumières ou les évolutionnistes du xixe s., une marche vers le progrès ? Remarquons qu’il ne s’agit pas seulement de ressusciter le débat classique entre les pessimistes — pour qui toute existence, individuelle ou collective, toute création humaine est, dès la naissance, marquée du sceau de la mort et promise à la décomposition — et les optimistes — pour qui aucun obstacle, « même peut-être la mort », pour citer Bergson, ne peut résister à « la charge entraînante de l’immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous ». Le changement, même si nous nous abstenons de poursuivre ses prolongements jusqu’à leur terme, déploie-t-il, pour les ramener finalement au point de départ, des tendances inscrites dans un état initial, un temps t0 arbitrairement choisi ? Ou bien les fait-il évoluer jusqu’au point où l’ensemble social sera devenu méconnaissable, jusqu’au moment où, par une succession de degrés et de variations à peine sensibles, se serait produit le fameux saut « du quantitatif au qualitatif » ? La prise en compte de cette alternative nous place devant plusieurs questions embarrassantes. On se demandera d’abord si la période choisie pour étudier le changement social est courte ou longue. Selon que sera retenue une durée de plusieurs siècles ou, au contraire, un processus susceptible de comprimer en quelques mois, semaines ou jours une action intense et dramatique, non seulement les phénomènes étudiés ne seront pas les mêmes, mais encore la forme des relations qu’ils soutiennent entre eux sera tout à fait différente. Si l’observateur s’installe dans la très longue période, les changements de mentalité et d’institutions prendront pour lui un très grand relief, et l’« émergence » de formes nouvelles dans les façons de faire, de sentir ou de penser accréditera dans son esprit l’hypothèse du caractère créateur du mouvement historique. Si, au contraire, nous décidons de nous en tenir à des phases brèves, ce sont les crises qui retiendront notre attention, et la capacité des sociétés de s’adapter aux défis du dedans et du dehors, plutôt que leur fécondité institutionnelle ou culturelle. En outre, le choix d’une période longue conduit tout naturellement l’observateur à embrasser à la fois dans leur dimension singulière et dans leurs relations systématiques le plus grand nombre, sinon la totalité des aspects de la vie sociale, tandis qu’en nous concentrant sur la courte période nous sommes amenés à faire un choix beaucoup plus restrictif.