Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Champagne-Ardenne (suite)

Peuplement et conditions de développement

L’axe principal de peuplement et d’activité est une écharpe qui, large au nord-ouest, où elle englobe Reims, Épernay et le Vignoble, va en s’amincissant vers le sud-est par Châlons, Vitry, Saint-Dizier, Chaumont et Langres, et qui suit donc pour l’essentiel le cours de la Marne, Reims seul lui échappant. Cet axe coïncide avec une voie de circulation Région du Nord-Dijon-Sud-Est et se trouve ainsi susceptible d’être renforcé. La partie nord-ouest a été érigée en « zone d’appui nord-champenoise » pour contribuer à l’équilibre du développement du Bassin parisien (400 000 hab.) ; la partie amont groupe 160 000 habitants. Près de la moitié de la population de Champagne-Ardenne se trouve donc sur cet axe, qui connaît les plus forts taux de croissance, surtout de Reims-Épernay à Vitry.

Les deux autres grands foyers d’activité sont : la vallée de la Meuse (200 000 hab.), tournée vers l’industrie métallurgique et bien située sur le trajet Région du Nord-Région de l’Est ; la vallée de la Seine, de Romilly à Troyes, avec quelques prolongements jusqu’à Bar-sur-Aube, dominée par l’agglomération de Troyes et par la bonneterie (160 000 hab.).

Si le Vignoble et la Champagne crayeuse sont des régions agricoles d’une brillante vitalité, il existe quelques zones faibles dont l’agriculture tend à se rétracter : les crêtes préardennaises, les plateaux du Barrois et surtout, au sud-est, le Bassigny, aux exploitations peu étendues. La Brie champenoise et le Perthois ont des problèmes de drainage.

Une grande partie des traits de la Région Champagne-Ardenne viennent de sa position, qui a entraîné une série de retournements historiques. Très intensément fréquenté aux temps de la colonisation romaine, puis des foires de Champagne, cet espace a été, par la suite, souvent dévasté ; situé sur le passage des guerres durant des siècles, il a dû servir de glacis de protection pour Paris.

Par ailleurs, il connut de bonnes phases de développement industriel, en raison de ses ressources, avant le milieu du xixe s. : métallurgie au bois des Ardennes et de la Haute-Marne, cette dernière reposant sur de nombreux gisements de fer, riches mais morcelés ; laine de Champagne crayeuse. Mais ses structures furent gravement compromises par la révolution industrielle : du milieu du xixe s. au milieu du xxe, sa population fut attirée massivement par le développement du Nord, et plus encore de la Lorraine et de Paris, cependant que ses propres ressources (laine, bois, fer) n’étaient plus adaptées aux besoins de la grande industrie. Aussi, la Région subit-elle de graves ponctions, accentuées par les guerres, surtout celle de 1914-1918 : elle a perdu 11 p. 100 de ses actifs dans la première moitié du xxe s., et ses villes ne croissaient plus. Enfin, récemment, elle a été quelque peu victime de la politique de développement de l’ouest de la France.

D’autre part, la centralisation du réseau de communication sur Paris ne favorise pas la Région, qui s’étire perpendiculairement aux axes principaux, mal reliés entre eux et trop écartés les uns des autres. La Région est traversée par deux grands courants ferroviaires de transit qui lui profitent peu : Valenciennes-Thionville et Paris-Nancy. Reims est sur la voie secondaire Paris-Épernay-Charleville-Luxembourg, et Troyes sur Paris-Bâle. La liaison Troyes-Reims est impraticable ; la voie Calais-Dijon par Reims est mal desservie. Le tracé des grandes routes ne coïncide pas avec celui des voies ferrées, la R. N. 4, la plus active, passant en rase campagne au sud de Châlons et joignant directement Paris à Vitry et Saint-Dizier ; la R. N. 3 est peu utilisée dans la vallée de la Marne et n’a un trafic notable que de Châlons à Metz. Cependant, la route Laon-Reims-Châlons-Vitry connaît les plus forts accroissements et doit être réaménagée. Ces routes souffrent du gel. Les voies fluviales sont à petit gabarit (280 t) et relient mal le système de la Seine à celui de la Moselle. Elles comptent : la Meuse, qui n’est au gabarit européen qu’en aval de Givet, en Belgique ; le canal des Ardennes, qui relie la Meuse au canal de l’Aisne ; le canal de l’Aisne et le canal de l’Aisne à la Marne par Reims ; la Marne, avec, en amont, deux sorties vers l’est (Marne au Rhin) et le sud (Marne à la Saône, peu fréquenté) ; la Seine, qui n’est guère utilisée que jusqu’à Nogent-sur-Seine et n’est plus navigable en amont de Romilly. La plupart de ces voies ont un trafic de l’ordre de 2 Mt seulement et sont néanmoins à la limite de la saturation.

Pourtant, les conditions actuelles ont beaucoup changé : le bouleversement de la stratégie rend désuet la notion de glacis ; l’élargissement des relations européennes met en valeur une position désormais privilégiée à proximité des régions fortes de l’économie européenne ; les difficultés de la Lorraine ont atténué et même renversé le gradient économique ; les efforts de décentralisation des activités parisiennes ont profité à la Champagne ; les techniques modernes et le faible prix initial des terres ont permis à l’agriculture de progresser rapidement. L’économie régionale a déjà connu une première phase de mutation, qui pourra se développer avec la réalisation des grandes infrastructures modernes de communication. L’autoroute A 4 Paris-Reims-Lorraine, l’autoroute Calais-Dijon, la liaison fluviale Seine-Est, probablement par l’Aisne, Reims et Châlons, concrétiseraient une situation de carrefour qui n’avait jamais été véritablement retrouvée depuis les foires médiévales.


L’agriculture

La Région Champagne-Ardenne accorde plus de place à l’agriculture que la moyenne française. On y compte 40 p. 100 de ruraux (France, 30 p. 100). L’agriculture emploie 16 p. 100 des actifs (France, 15 p. 100), mais produit 18 p. 100 de la valeur ajoutée régionale, soit une proportion supérieure des deux tiers à la moyenne française. Il s’agit d’une agriculture profondément rénovée par la mécanisation et l’emploi des engrais. On compte 1 470 000 ha exploités, dont 1 040 000 de labours (deux tiers en céréales) et 430 000 d’herbages (plus de 540 000 bovins).