Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Châlons-sur-Marne (suite)

L’agglomération a crû longtemps à un rythme élevé (de l’ordre de 3,5 p. 100 par an, l’un des plus forts du Bassin parisien), fortement ralenti au début des années 70. Il s’agit d’une population à revenus plutôt modestes, car les emplois créés n’exigent pas une grande qualification ; 45 p. 100 sont ainsi occupés par des femmes. Par ailleurs, Châlons doit partager ses fonctions régionales avec Reims, dont l’expansion lui enlève aussi une partie de sa clientèle commerciale. Mais les deux villes sont de plus en plus solidaires, et les migrations du travail sont actives dans les deux sens. L’ouverture de l’autoroute pourrait, à terme, en faire un véritable doublet.

R. B.

➙ Champagne-Ardenne / Marne (dép. de la).


Châlons-sur-Marne, ville d’art

La cathédrale et les églises de Châlons présentent une importance notable pour l’étude du passage de l’architecture monastique romane à l’architecture gothique.

En 1147, saint Bernard avait prêché la deuxième croisade en une première cathédrale, détruite, à l’exception d’une tour, par un incendie en 1230 ; l’édifice était reconstruit dès la fin du siècle. Comme toutes les grandes églises du domaine royal, Saint-Étienne comporte un triforium, chemin de ronde courant au-dessous des grandes verrières. Les chapiteaux des colonnettes formant son arcature — à claire-voie — sont vus de bas en haut, et presque sans recul ; l’esprit logique des maîtres d’œuvre conjura les déformations perspectives en réduisant les saillies et en augmentant la hauteur des « corbeilles » : exemple typique de cette subordination de la forme réelle à l’effet. Le vitrage de la cathédrale comporte quelques éléments réemployés du xiie s., plusieurs verrières du xiiie et celles qu’exécutèrent au xvie s. les ateliers troyens.

La belle église Notre-Dame-en-Vaux, élevée vers 1130, s’écroula partiellement en 1157 et fut reconstruite pour l’essentiel dans la seconde moitié du siècle. Comme à Saint-Remi de Reims, des voûtes gothiques remplacèrent la couverture en charpente de la nef, et le chœur reçut des chapelles rayonnantes. L’architecte de Notre-Dame paraît avoir tiré profit de l’expérience rémoise : il a conçu les arcs-boutants de sa nef de manière à créer pour eux, à différents niveaux, de véritables culées se lestant l’une l’autre. Il n’a pas été moins habile à couvrir les aires rayonnantes du déambulatoire de voûtains trapézoïdaux, dont les nervures sont portées par d’élégantes colonnettes. L’église conserve de remarquables vitraux du xvie s. (Couronnement de la Vierge d’après Dürer, 1526). Des fouilles effectuées de 1963 à 1967 sur l’emplacement de l’ancien cloître, démoli dans le courant du xviiie s., ont permis de reconstituer notamment plus de cinquante statues-colonnes qui en formaient les supports. L’ensemble représentait un programme iconographique ambitieux, mis en œuvre vers 1160-1180 (Châlons, dépôt des Monuments historiques).

La petite église Saint-Jean-Baptiste, dont la nef remonte aux xie et xiie s., se recommande par la charpente d’une extrême légèreté enjambant sa nef. Les fermes en sont raidies par deux contre-fiches courbes croisées qui s’opposent au fléchissement. L’église Saint-Alpin (xiie et xvie s.) conserve, avec de beaux vitraux en grisaille de style raphaélesque, celui qui figure l’entrevue du saint éponyme avec Attila.

L’architecture classique est brillamment représentée par l’ancien hôtel des Intendants (v. 1760), devenu préfecture, par l’hôtel de ville (1771) et par l’ancien hôtel des Finances, converti en bibliothèque municipale. Non loin de la préfecture se dresse la porte Sainte-Croix, construite en six semaines, en 1770, pour l’entrée triomphale de la Dauphine Marie-Antoinette.

G. J.

 G. Maillet, la Cathédrale de Châlons-sur-Marne (Laurens, 1946).

Chalon-sur-Saône

Ch.-l. d’arrond. de Saône-et-Loire, sur la Saône et le canal du Centre ; 60 451 hab. (Chalonnais).


Chalon-sur-Saône doit à un site et à une situation remarquables un développement précoce. Bâtie sur le rebord d’une terrasse sèche qui vient directement dominer la Saône, la ville bénéficie de la convergence d’itinéraires terrestres venant de l’ouest et du nord ainsi que de possibilités de navigation qui lui ouvrent le bassin de la Saône et du Rhône et, par l’intermédiaire du Doubs, la rapprochent des terres rhénanes. César vit l’intérêt de la position : il y installa ses dépôts durant la conquête de la Gaule.

Le destin de la ville fut cependant moins brillant qu’on ne serait tenté de le penser. Des cités voisines, Autun dans l’Antiquité, Cluny au Moyen Âge, tirèrent mieux parti de la multiplicité des voies qui conduisent aisément dans tout l’Ouest européen. D’autres, comme Beaune, exploitaient des vignobles plus proches et plus prestigieux que celui du Chalonnais. L’avantage de la situation en plaine n’apparut vraiment qu’avec les moyens de transport en masse.

La fin de l’Ancien Régime coïncida avec une période d’enrichissement. La Révolution eut des effets contradictoires. La ville perdit au profit de Mâcon ses fonctions administratives. Cependant, l’ouverture, en 1793, du canal du Centre, confirma son rôle de carrefour de la navigation, fournit une voie aisée vers la Loire et la Seine et prépara la ville, désormais proche de la houille du bassin de Montceau-les-Mines, à la révolution industrielle.

La construction de la voie ferrée de Paris à Lyon fit perdre à la voie d’eau une partie de son importance. Chalon est sur la grande ligne, mais en tira moins de profit que des carrefours comme Dijon au nord ou Mâcon au sud (Mâcon, où l’intervention de Lamartine avait fixé la bifurcation vers Genève, la Savoie et l’Italie).

Toutefois la vocation de la ville était déjà établie : centre administratif secondaire, elle tire l’essentiel de sa prospérité du commerce et des fabriques. Dès 1839, trois ans à peine après avoir repris en main les destinées du Creusot, les frères Schneider fondent, face au débouché sur la Saône du canal du Centre, le gros établissement industriel qu’on appelle de nos jours le petit Creusot : c’est le point de départ d’un essor économique vigoureux. De ce point de vue, Chalon ressemble plus aux villes rhénanes qu’à la plupart des cités de la Saône et du Rhône.