Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chaîne de montagnes (suite)

Quelques formes sont spécifiques des structures charriées. Ainsi, lorsque la masse charriée est plus résistante que son substratum autochtone, le front de la nappe dresse un escarpement appelé front de chevauchement ; à l’avant de ce relief peuvent exister des lambeaux de charriage en relief : ce sont les « klippes », qui peuvent être des fragments de nappe ayant glissé à l’avant de la masse principale ou bien des reliefs résiduels témoignant du recul du front de la nappe sous l’action de l’érosion. Enfin, dans le domaine recouvert par la nappe, l’érosion, en creusant, peut remettre à jour le substratum au sein d’une « fenêtre » : si le matériel de la nappe est le plus résistant, la fenêtre s’inscrit en une dépression plus ou moins digitée aux rebords abrupts ; inversement, lorsque le substratum est le plus résistant, il se trouve mis en saillie : il y a alors inversion de relief.


La genèse du relief

Constater les rapports entre le relief et la structure ne suffit pas : il importe d’envisager l’aspect dynamique du problème en recherchant les étapes de la genèse des formes. Divers cas peuvent être réalisés (se reporter à la figure, dans laquelle, pour la clarté, les phases tectoniques et les phases d’érosion alternent schématiquement, alors qu’en fait plissement et érosion sont concomitants).

• Relief dérivant d’un plissement unique. Ce cas, que l’on peut observer dans les Préalpes françaises du Nord par exemple, est le plus simple. Cependant, il ne faudrait pas croire, comme on l’a trop souvent répété, que le plissement a mis en place des formes originelles (ou primitives) et que l’érosion a ensuite dégagé des formes dérivées, voire inversées. Dès les premières déformations tectoniques, l’érosion attaque les anticlinaux naissants, et les combes peuvent être esquissées bien avant que s’achève le plissement, si bien que les formes originelles dont semble dériver le relief actuel n’ont en fait bien souvent jamais existé. D’autre part, l’évolution se poursuivant, les formes inversées n’apparaissent pas nécessairement : leur existence suppose des conditions structurales bien précises qui sont loin d’être fréquemment réalisées.

• Cas d’un plissement suivi d’un soulèvement en bloc. Suivant le temps dont a disposé l’érosion durant la phase de répit intermédiaire, des aplanissements plus ou moins étendus ont pu être modelés. Dans les monts Ibériques, par exemple, la chaîne a été à peu près intégralement nivelée ; après une surrection d’ensemble, l’érosion, exploitant l’inégale résistance des terrains tranchés par l’aplanissement, remet en valeur de nouvelles formes structurales. C’est une évolution de type « appalachien ». Au contraire, le massif de l’Aurès (Algérie sud-orientale) n’avait été que partiellement aplani avant d’être envahi par la mer au Miocène : les principales crêtes qui restèrent émergées sont des reliefs résiduels, tandis que l’érosion ultérieure a dégagé une nouvelle génération de formes structurales en contrebas des aplanissements miocènes. On a proposé pour ce type d’évolution l’expression de « para-appalachien ».

• Cas d’un plissement suivi de bombements à moyen rayon de courbure. C’est un type d’évolution fréquent dans les zones internes des chaînes géosynclinales. Là aussi l’érosion, durant la phase de rémission, nivelle plus ou moins parfaitement les reliefs mis en place par le plissement. La seconde phase tectonique individualise des massifs et des bassins dont les contours sont indépendants des structures plissées antérieures ; mais l’érosion, en s’attaquant aux massifs, remet en valeur des formes structurales en exploitant ces structures plissées. Tel est le type d’évolution des sierras littorales des cordillères Bétiques dans le sud de l’Espagne. Il arrive souvent que les déformations à moyen rayon de courbure se traduisent dans un matériel relativement rigide par des fractures plus que par des flexures : c’est le cas des chaînons du Grand Bassin de la cordillère Rocheuse dans l’Ouest américain.

• Cas de deux plissements. C’est le type de genèse le plus difficile à analyser, car le second plissement rend souvent méconnaissables les formes qui ont été modelées durant la phase de calme tectonique. Diverses évolutions sont possibles : dans le Jura, par exemple, les monts portent la trace du rabotage de la voûte des anticlinaux de faible élévation structurale mis en place lors de la première phase tectonique et que la seconde phase de plissement a réindividualisés. Le type provençal est déjà plus complexe : l’érosion avait ouvert des combes dans les plis de la première génération ; ces combes ont créé des discontinuités, localisant, lors du second plissement, des chevauchements. Plus complexes encore sont les cas où les deux plissements n’ont pas eu la même orientation : ainsi, le Diois doit son style en dômes et cuvettes à l’interférence de deux directions de plissements successifs.

Quel que soit le type d’évolution morphologique, la mise en valeur des formes structurales est commandée par le creusement du réseau hydrographique. Or, celui-ci est rarement adapté à la structure plissée : s’il comporte des tronçons longitudinaux empruntant des vaux (adaptation aux données de la tectonique) ou des combes (adaptation à la lithologie), il présente des sections transversales qui traversent les plis par des cluses. Parfois, ces dernières exploitent des brèches naturelles, telle la cluse de l’Isère, qui utiliserait une déchirure résultant d’un plissement différencié entre les massifs de la Chartreuse et du Vercors, mais plus souvent les cluses résultent d’une antécédence, la rivière s’étant établie avant le plissement et ayant maintenu son cours grâce à un creusement aussi rapide que les déformations tectoniques ; dans d’autres cas, il est possible de démontrer que le cours d’eau s’est établi par surimposition sur un aplanissement ou un remblaiement masquant la structure plissée, type fréquent dans les chaînes qui ont connu une évolution de type appalachien.

R. L.

➙ Géosynclinal / Orogenèse.