Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Ceylan (suite)

En 1952, le Premier ministre, D. S. Senanayake meurt accidentellement, et son fils Dudley (né en 1911) lui succède en mars. Il prononce la dissolution du Parlement, et de nouvelles élections ont lieu en mai. Elles consacrent le triomphe de l’U. N. P. (54 sièges de députés sur 92). Vide politique au sein de l’opposition, fidélité électorale quasi sentimentale, plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cet accaparement électoral du pays par l’U. N. P.

Ce succès ne doit d’ailleurs pas faire illusion : les difficultés économiques en limitent la portée.

Certes, en 1952, le gouvernement signe un accord commercial avec la Chine (malgré les pressions des États-Unis) particulièrement avantageux pour Ceylan, mais, en 1953, le gouvernement, en supprimant le « prix politique du riz » (en n’offrant plus de primes à l’importation), provoque une hausse de cette denrée de base et une baisse du niveau de vie. Le mécontentement populaire est grand, et le Lankā Sama Samāja Party appelle à un Hartal (grève générale) pour le 12 août : les incidents, nombreux, font une dizaine de morts et contraignent peu après Dudley Senanayake à démissionner.

Le leader de la Chambre des députés, sir John Kotelawala, lui succède. Mais l’antagonisme entre Tamouls et Cinghalais le contraint à dissoudre la Chambre par anticipation.

C’est sur cet antagonisme que se cristallisent les prises de position. Un regroupement politique s’opère entre le Sri Lankā Freedom Party, une organisation de Bhikkhus (moines), la Eksath Bhikkshu Peramuna et la fraction dissidente de P. Gunavardena.

Ce Front unifié du peuple (Mahājana Eksath Peramuna [M. E. P.]) passe des accords électoraux avec le Lankā Sama Samāja Party et le parti communiste.

Aux élections de 1956, le M. E. P. triomphe (48 sièges contre 8 à l’U. N. P.), et Bandaranaike forme le gouvernement ; pour la première fois depuis l’indépendanee, il n’y a aucun représentant tamoul au sein du Cabinet, et le F. P. (parti fédéraliste), avec dix sièges, devient la seule organisation représentative des Tamouls.

1956-1965 : l’ère Bandaranaike. À propos de cette ère, on parle aussi de révolution bouddhiste dans la mesure où l’on peut considérer qu’il s’agit d’une réaction cinghalaise contre certains éléments trop anglicisés ou trop « tamoulisés ».

Solomon West Ridgeway Dias Bandaranaike (1899-1959), le Premier ministre, est bien représentatif de l’aristocratie cinghalaise anglicisée. Il s’est, dès son retour d’Oxford, initié à l’action politique ; abandonnant son vernis occidental, il a fondé très vite une organisation, le Sinhala Maha Sabhā, dans laquelle la classe moyenne peut se reconnaître. Ministre depuis 1936, il a démissionné en 1951, et sa tâche de Premier ministre s’annonce doublement difficile : tenter de résoudre les problèmes économiques et communalistes en même temps que préserver un minimum de la plate-forme électorale. C’est dans cette optique qu’il faut placer le « Sinhalese Only Bill », qui fait du cinghalais la seule langue officielle, certaines nationalisations — notamment celle des moyens de transport — et les négociations que le gouvernement entame avec le leader du parti fédéraliste Chelvanayagam.

Cependant se manifeste une opposition croissante au sein du gouvernement entre conservateurs et socialistes de tendance marxiste. La situation devient même explosive à partir de mai 1958 et entraîne la proclamation de l’état d’urgence (jusqu’au 13 mars 1959). En septembre 1959, assassiné par un moine, Bandaranaike est remplacé par sa femme, Srimavo Ratwatte Dias Bandaranaike (née en 1916), qui « gauchise » sensiblement sa politique, notamment dans le domaine des nationalisations (écoles privées, assurances, moyens de transport, réseau de distribution des carburants, etc.), privant son pays de l’aide américaine et d’une partie du soutien de la bourgeoisie cinghalaise. Les élections de 1965 concrétisent ce recul et le retour en force de l’U. N. P. (66 sièges sur 152).

1965-1970 : le retour de D. Senanayake. Dudley Senanayake est accueilli favorablement par la droite cinghalaise et les milieux dirigeants occidentaux. Son action gouvernementale tend vers un double but : rassurer politiquement et économiquement (relâchement des relations diplomatiques avec Pékin, indemnisation des compagnies pétrolières nationalisées, réduction des impôts sur le revenu, etc.) ; tenter d’assurer l’indépendance économique de l’île, notamment en diversifiant son agriculture par la réduction des cultures de plantation, trop soumises aux fluctuations des cours mondiaux, et en développant les cultures vivrières.

Mais la rigueur budgétaire, les impératifs de l’équilibre financier le contraignent à prendre des mesures impopulaires : ainsi la baisse de 50 p. 100 de la ration hebdomadaire gratuite de quatre livres de riz en 1968. Si l’on y ajoute un certain marasme économique, une mévente du thé et une hausse généralisée des prix, on comprend mieux le résultat des élections de mai 1970 : le Sri Lankā Freedom Party obtient la majorité absolue (91 sièges sur 151) ; l’U. N. P. est écrasé (17 sièges).

En 1970, Mme Srimavo Bandaranaike retrouve le pouvoir. Plusieurs tâches urgentes l’attendent : rajustement de la ration de riz ; relance des nationalisations ; application de l’accord de 1964 prévoyant le rapatriement d’au moins 500 000 Tamouls indiens ; pratique, en politique extérieure, d’un neutralisme plus actif. Mais surtout se pose le crucial problème du sous-emploi, qui traque environ un habitant sur dix. Il s’agit bien là d’un problème qui conditionne la solution de tous les autres.

En mars 1971 éclate une révolte animée par un groupe d’extrême gauche, le Front de libération populaire, qui réclame des mesures radicales, telles que la nationalisation de la presse, des plantations et des banques. Cette insurrection voit, pour la première fois, une partie de la population se soulever sans qu’aucun problème ethnique soit en jeu : elle provoque une sanglante répression.

Le 22 mai 1972, aux termes d’une nouvelle Constitution, Ceylan devient la « République de Srī Lanka » et rompt ses liens institutionnels avec la Grande-Bretagne tout en demeurant dans le Commonwealth. L’ancien représentant de la Couronne, William Gopallawa, est nommé président de la République.

J. K.