Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Ceylan (suite)

Les hommes

La population ceylanaise a dépassé 13,7 millions d’habitants en 1977. Le groupe humain le plus nombreux, le plus anciennement installé et le plus original est le groupe cinghalais. Les Cinghalais sont de couleur assez claire (mélange ethnique aryen-dravidien) et de langue aryenne, alors que toute l’Inde méridionale parle des langues dravidiennes ; ils sont sans doute venus de l’Inde du Nord par mer. Ils ont connu une très brillante civilisation, dont le support fut le bouddhisme*. C’est à Ceylan qu’est née l’école bouddhique Theravāda, dite « du Petit Véhicule » (Hīnayāna). Cette réflexion sur la douleur à partir du dogme de la transmigration, commun avec l’hindouisme, et cette sagesse imprègnent toute la vie cinghalaise. Les monastères sont le centre de la vie rurale ; les moines, en robe jaune, jouent un rôle culturel fondamental, des écoles de monastère jusqu’à l’université bouddhique Vidyodaya ; ils ont aussi une grande influence politique. Ce sont les jours saints (« Poya days ») qui interrompent périodiquement les journées de travail. Le bouddhisme prêchant le respect de la vie, l’élevage du petit bétail est quasi nul, le gros bétail n’étant élevé que pour le travail et le lait. La société cinghalaise connaît les castes, mais ce sont des castes strictement professionnelles, en décadence d’ailleurs, sans hiérarchisation, sans brahmanes ni intouchables. Les Cinghalais sont très largement majoritaires dans toute la région humide (Wet zone). Il y a une assez forte minorité cinghalaise chrétienne, portant des noms d’origine portugaise ou hollandaise, et des musulmans dans la région de Puttalam, les Moors, nombreux en particulier.

Une forte minorité tamoule existe à côté de la majorité cinghalaise ; elle comprend des Tamouls installés de longue date (en anglais, les « Ceylon. Tamil »), à qui la nationalité ceylanaise est reconnue, majoritaires dans la presqu’île de Jaffna et dans une partie de la zone sèche (à l’est, notamment). Elle comprend aussi des Tamouls d’immigration récente (« Indian Tamil » établis depuis la seconde moitié du xixe s.), venus essentiellement pour travailler dans les plantations d’hévéas et de théiers. Les Tamouls parlent leur langue, la plus célèbre des langues dravidiennes, et sont, pour la plupart, hindous, bien qu’il y ait d’assez nombreux chrétiens parmi eux.

Sont étrangers, outre les « Indian Tamil », des Malais, des Pakistanais, ou Indiens musulmans (Indian Moors), des Européens. En dépit de la prépondérance des bouddhistes, Ceylan contient donc une forte population hindoue, musulmane et chrétienne.

La population s’accroît très rapidement. Elle était de 6 657 000 habitants en 1946, de 8 098 000 en 1953, année du premier recensement après l’indépendance, de 9 165 000 en 1957 et de 10 620 000 en 1962. La natalité est très élevée (39 p. 1 000), et la mortalité assez faible (11 p. 1 000). L’excédent annuel est proche de 3 p. 100.

Or, d’ores et déjà, la densité est très élevée : elle approche 200 habitants au kilomètre carré. C’est une population encore essentiellement rurale. En 1971, la population urbaine ne représentait que 9 p. 100 de la population totale ; une seule grande ville, la capitale, Colombo (562 000 hab.). Il faut ajouter qu’il n’y a aucune industrie importante et que la population de Colombo est très largement sous-employée ou en chômage, en dépit de l’activité du port et de l’existence d’un secteur tertiaire hypertrophié. Enfin, la masse rurale de la population est très inégalement répartie. La zone sèche, dans son ensemble, est très peu peuplée, à l’exception de la presqu’île de Jaffna (dont la densité est de l’ordre de 272 hab. au km2) : la densité est de 51 habitants au kilomètre carré dans la North Central Province (districts d’Anuradhapura et de Polonnaruwa), de 31 dans le district de Mannar, de 25 dans celui de Vavuniya (Northern Province), de 72 dans l’Eastern Province, de 95 dans la province d’Uva. Par contre, les densités sont extrêmement fortes dans la Wet zone : la Southern Province (Galle, Matara) a 299 habitants au kilomètre carré, la province de Sabaragamuwa (Ratnapura) 267, la Central Province (Kandy) atteint 350, la Western Province (avec Colombo) plus de 900. D’ores et déjà, la Wet zone, compte tenu de ses ressources, est surpeuplée. L’exploitation paysanne moyenne est très petite, inférieure à 1 ha. Or, si les conditions climatiques sont favorables, les sols sont, pour la plupart, des sols ferralitiques lessivés de médiocre fertilité ; les rendements, en riz notamment, sont médiocres (15 q à l’ha). Dans ces conditions, la moitié des paysans ne peuvent tirer des revenus suffisants de la terre (50 p. 100 d’entre eux ont un revenu non agricole, dans les régions basses surtout, et, pour 25 p. 100, ce revenu non agricole est prépondérant).

Les grandes propriétés supérieures à 20 ha (Estate Sector) occupent 30 p. 100 des terres. Parmi elles, il y a les « Estates » à proprement parler, les plantations de théiers, d’hévéas et de cocotiers (à faire-valoir direct, avec main-d’œuvre salariée). Dans les régions de cultures commerciales, les paysans n’ont, de ce fait, que de très petites parcelles. Mais il y a surtout des propriétés, qui ne sont pas réellement grandes, entre les mains de propriétaires non cultivateurs. Tel est notamment le cas en zone de rizières. Nombre de paysans, outre les salariés des plantations, n’ont donc pas de terre : les métayers représentent 29 p. 100 des paysans dans le district de Colombo, 44 p. 100 dans le district de Matara, 43 p. 100 dans celui de Kandy et 49 p. 100 dans celui de Ratnapura. Il faut ajouter un nombre non négligeable de copropriétaires : chaque copropriétaire exploite la terre un an à tour de rôle et se trouve sans terre le reste du temps. 35 p. 100 de la terre de la Wet zone sont exploités totalement ou partiellement par des non-propriétaires ; 11 p. 100 des terres sont en métayage (mais 42 p. 100 des rizières et même 51 p. 100 de celles du district de Matara), et le métayer doit donner la moitié de la récolte. Si l’on ajoute que les terres sont très morcelées, on voit que la paysannerie ceylanaise de la Wet zone est dans une situation très difficile, qui se traduit en particulier par l’endettement.