Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique romaine

Ensemble des territoires de l’Afrique septentrionale colonisés par Rome après la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C.


À cette date, Rome s’empare du territoire de son ennemie et le transforme en province. Cette province, qui couvrait la partie nord-est de la Tunisie, est considérablement accrue cent ans plus tard par César, qui, ayant vaincu le roi numide Juba Ier, annexe son royaume. Le territoire romain correspond alors à peu près à la Tripolitaine, à la Tunisie actuelle (moins le Sahara) et au Constantinois. Une troisième extension résultera de l’annexion par Claude du royaume de Mauritanie, qui contrôlait les régions septentrionales de l’Algérois, de l’Oranie et du Maroc. Il n’y aura plus ensuite que des annexions mineures sur la frontière saharienne, en Tripolitaine, en Tunisie et dans le Constantinois. L’extension maximale sera atteinte au début du iiie s., sous l’empereur africain Septime Sévère.

L’Afrique sera enlevée à l’Empire par les Vandales, qui la conquièrent entre 429 et 439. Un siècle plus tard (533), l’empereur romain d’Orient Justinien la récupère. Grignotée par les Berbères, l’Afrique sera définitivement arrachée au monde romain par les Arabes au terme de luttes acharnées qui occuperont toute la seconde moitié du viie s. (première invasion d’‘Uqba ibn Nāfi’, 648 ; prise de Carthage, 698).

Pendant les sept siècles où elle dépend politiquement de Rome, l’Afrique du Nord demeure peuplée en très grande majorité par les Libyens qu’on commence à désigner à la fin de l’époque impériale sous le nom de Berbères (corruption du latin Barbarus). À ces Libyens, divisés en plusieurs peuples (Numides, Maures, Gétules), que distingue surtout le genre de vie, les uns étant agriculteurs et les autres pasteurs nomades, se sont ajoutés, dans la première moitié du Ier millénaire, des colons phéniciens, mais, sans doute, en assez petit nombre (quelques centaines de milliers ?) ; leurs descendants continuent à vivre dans l’Afrique romaine et conservent longtemps leur civilisation et leurs mœurs, qui ont exercé une forte influence sur les Berbères des régions les plus proches de la Méditerranée. Des Italiens viennent également s’installer en Afrique dans les premiers siècles de la domination romaine, entraînant avec eux sous l’Empire quelques provinciaux. Cette immigration cesse presque complètement à la fin du ier s. apr. J.-C. Mais, à partir de cette même date, les Libyens et les Puniques habitant à l’intérieur des frontières impériales adoptent en très grande majorité la civilisation romaine et la langue latine, libyen et punique étant réduits à l’état de patois.


L’histoire militaire

L’histoire militaire de l’Afrique romaine, monotone et confuse, se réduit à un long conflit entre les conquérants et les Libyens demeurés libres.


Rome et les Numides

De 146 à 46 av. J.-C., les Romains ont en face d’eux un État relativement évolué, le royaume de Numidie, qu’ils ont d’ailleurs contribué à constituer eux-mêmes, au profit de leur allié Massinissa, pour lutter contre Carthage, mais qu’ils entendent maintenir à l’état de protectorat. Un des successeurs de Massinissa, Jugurtha (118-105), essaie de secouer leur emprise, avec succès d’abord, mais il est vaincu par Marius et Sulla. Juba Ier reprend sa politique en profitant de la guerre civile entre César et Pompée. Après l’avoir vaincu (46 av. J.-C.), César annexe son royaume.


Rome et les Gétules (46 av. J.-C. - 24 apr. J.-C.)

Rome, qui a annexé les terres cultivables de l’est du Maghreb et qui contrôle celles de l’ouest par l’intermédiaire de son vassal Juba II (fils de Juba Ier ), roi de Mauritanie, doit lutter contre les pasteurs nomades. La crise la plus sérieuse se situe sous Tibère (17-24) : un déserteur numide nommé Tacfarinas entraîne dans la dissidence la tribu des Musulames (région de Tébessa).


Rome et les Maures (24 - 238)

Après la mort de Tacfarinas, les Romains mettent en place le dispositif militaire qui durera jusqu’à la fin du iiie s. Entièrement concentré sur la frontière saharienne, il a pour noyau la légion IIIe Augusta, dont le quartier général, d’abord à Ammaedara (Haïdra), dans le sud-ouest de la Tunisie, sera fixé à Lambèse par Hadrien.

Pendant plus de deux siècles, Rome n’aura de soucis militaires qu’aux deux extrémités du limes, dans le Sahara de Tripolitaine, et surtout en Oranie et au Maroc. La seule guerre importante contre les tribus maures se situe au milieu du iie s., sous le règne d’Antonin.


Le réveil berbère (238 - 439)

Les troubles politiques internes qui suivent la chute de la dynastie sévérienne et entraînent la dissolution temporaire de la IIIe Augusta redonnent espoir aux Berbères insoumis. Contrairement à la thèse de S. Gsell, ce ne sont pas les Sahariens qui mettent en danger la sécurité du limes, mais les tribus montagnardes d’Algérie et du Maroc, enclavées, mais non romanisées. Les troubles, à peu près interrompus pendant deux siècles, n’intéressent donc que les Mauritanies. Maximien rétablit à peu près la situation en 297 au prix d’évacuations limitées (affectant surtout le Maroc), mais, au ive s., l’agitation religieuse vient aggraver la crise politique. Deux chefs berbères, Firmus et Gildon, essaient de transformer l’Afrique en royaume à leur profit. Ils échouent, mais leur plan sera réalisé par les Vandales de Geiséric (ou Genséric).


Organisation et histoire politique

Pendant le siècle qui suit la conquête, l’Afrique romaine traverse une période obscure, à peine éclairée par le reflet des crises politiques italiennes : Caius Gracchus y tente en 133 av. J.-C. une colonisation, aussitôt avortée. César reprendra son programme en installant des Italiens à Carthage et dans le Constantinois.

Auguste établit le statut définitif. Autour de Carthage, définitivement constituée en colonie romaine en 29 av. J.-C., l’Afrique proprement dite (Tunisie, Tripolitaine, département de Bône) reçoit chaque année pour gouverneur un proconsul, désigné par le sénat et qui est l’un des premiers personnages de l’Empire. La Numidie est placée par Caligula sous l’autorité du légat impérial commandant la IIIe Augusta. Claude fait de la Mauritanie deux provinces, la Césarienne (Algérois et Oranie) et la Tingitane (Maroc septentrional), et les remet à des procurateurs chevaliers.