Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Abeille (suite)

La régulation thermique

En été, la température de la ruche est remarquablement stable et comprise entre 33 °C et 36 °C ; même de violents chocs thermiques (par exemple des oscillations entre 4 °C et 37 °C pendant la même journée) ne la font pas varier ; avec Chauvin, on peut dire qu’à l’état groupé l’Abeille est un véritable homéotherme.

Cette régulation est un phénomène social. La lutte contre l’échauffement est fréquente en été, car les causes d’élévation de température abondent (soleil, surpopulation, activité maximale) et à 50 °C la cire se ramollit déjà. Cette lutte fait intervenir les ventileuses : arc-boutées sur la planche de vol, elles font vibrer leurs ailes et renouvellent l’air de la ruche. Si cela devient nécessaire, une partie des ouvrières sort de la ruche et se groupe à quelque distance ; elles « font la barbe », disent les apiculteurs.

L’hiver, les Abeilles restent engourdies à l’intérieur ; la température ne descend cependant jamais au-dessous de 12 °C, car les ouvrières se réveillent alors, absorbent du miel et se mettent à vibrer des ailes jusqu’à ce que la température soit remontée aux environs de 24 °C.


L’Abeille, insecte social

Toutes les activités de l’Abeille sont marquées par la vie sociale. Alors que, chez les autres insectes sociaux, la fondation d’une nouvelle colonie dépend d’une femelle isolée, ou d’un couple, l’Abeille, par l’essaimage, reste à l’état groupé.

Même si on lui fournit nourriture et espace, une Abeille isolée ne survit pas plus de quelques heures ; en dessous de quelques centaines d’individus, la société n’est pas viable. Les interactions entre les habitants de la ruche sont indispensables : messages olfactifs, tactiles, visuels, sonores, nutritifs constituent un éventail de processus d’échange indispensables à chaque individu et encore très incomplètement connus.

À la suite de Maeterlinck, on a vanté la perfection d’ensemble des régulations dans la ruche et l’harmonieux équilibre qui apparaît dans ce que certains appellent un super-organisme. Pourtant, dans le détail, l’activité d’une ouvrière manifeste des hésitations, des retouches, des illogismes. Ces deux aspects, global et individuel, du comportement paraissent contradictoires, mais une approche probabiliste du fonctionnement de la ruche pourrait les concilier. Ils laissent entendre, par ailleurs, que le comportement de l’Abeille n’est pas stéréotypé et immuable, mais qu’il peut s’adapter à des situations nouvelles, signe d’un psychisme élevé pour des insectes.


L’Abeille et l’homme

Des dessins préhistoriques montrent la récolte de miel ; les Égyptiens avaient domestiqué l’Abeille. L’exploitation de l’Abeille par l’homme remonte donc à la plus haute antiquité ; l’apiculture* actuelle bénéficie autant de l’héritage de générations qui, souvent par empirisme, ont appris à tirer le meilleur parti de l’Hyménoptère que des recherches les plus récentes. L’homme utilise la cire, le miel, la gelée royale ; mais le bénéfice le plus précieux que l’Abeille lui procure réside sans doute dans la pollinisation des plantes qu’il cultive.


Abeille, Abeilles : les Apoïdes

On désigne souvent sous le nom général d’Abeille tout représentant de la famille des Apidés, et même de la superfamille des Apoïdes (Hyménoptères aculéates). Tous les Apoïdes partagent avec l’Abeille domestique la caractéristique de récolter à la fois du nectar et du pollen, dont ils nourrissent les larves, ce qui les distingue de tous les autres Hyménoptères. On les appelle aussi Mellifères.

On en compte 20 000 espèces, dont un millier en France. Le groupe réunit des formes solitaires et des formes sociales, et on peut y observer divers aspects de vie collective : sociétés plus ou moins peuplées (de 2 000 individus chez les Bourdons à 100 000 chez Apis mellifica), sociétés annuelles ou pérennes, monogynie stricte ou transitoire. Certaines espèces parasitent d’autres Abeilles et ressemblent parfois tellement à leur hôte que la distinction est difficile, comme entre Psithyrus et Bombus.

Les Abeilles inférieures ont une langue courte et un appareil de récolte du pollen peu différencié ; elles font dans le sol des nids simples, à base de terre. Chez les Mégachilidés, l’appareil collecteur de pollen est plus différencié et le nid souvent bien façonné (« Abeilles maçonnes »). Chez les Apidés, la langue est longue et la patte postérieure bien adaptée à la récolte et au transport du pollen ; le nid est varié et édifié en matériaux travaillés dans lesquels la cire entre pour une part plus ou moins importante.

M. D.

➙ Apiculture.

 M. Mathis, le Peuple des abeilles (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1941 ; 10e éd. 1968). / K. von Frisch, Vie et mœurs des abeilles (A. Michel, 1955). / R. Chauvin (sous la dir. de), Traité de biologie de l’abeille (Masson, 1968 ; 5 vol.).

Abel (Niels Henrik)

Mathématicien norvégien (Finnøy 1802 - Froland, près d’Arendal, 1829).


Fils et petit-fils de pasteurs, Abel est le second d’une famille nombreuse où tous les enfants reçoivent leur première instruction de leur père ; mais, en 1815, Niels et son frère aîné sont envoyés à l’école cathédrale de Christiania (Oslo). Un jeune professeur de mathématiques, B. M. Holmboe (1795-1850), arrivé en 1817, n’est pas long à découvrir le génie de Niels ; il restera toujours le confident et l’ami du mathématicien, et sera le premier éditeur de ses œuvres complètes (1839). À la mort de son père, en 1820, Abel se trouve abandonné à lui-même, sa mère ne pouvant subvenir à ses besoins. Il ne vivra désormais que grâce à des bourses, à quelques répétitions et à des emprunts. En 1821, il entre à l’université de Christiania, créée depuis peu, et, en 1822, il obtient la licence en philosophie. Ses premières publications datent de 1823. En 1824, il fait imprimer à ses frais un court opuscule en français, Mémoire sur les équations algébriques, où l’on démontre l’impossibilité de la solution générale de l’équation du cinquième degré. En 1825, le gouvernement lui accorde une bourse de voyage de deux années. Malgré son désir, sa timidité l’empêche de visiter Gauss à Göttingen. Il connaît à Berlin A. L. Crelle (1780-1855), qui lance alors le célèbre périodique Journal für die reine und angewandte Mathematik. La collaboration d’Abel à la nouvelle revue est désormais constante, et Crelle envisage même de lui en confier la direction. Après un détour par Prague, Vienne et l’Italie, le jeune Norvégien fait un séjour de dix mois à Paris. Malheureusement, il ne rencontre pas auprès des mathématiciens, singulièrement auprès de Cauchy, l’accueil qu’il escomptait. Son grand mémoire sur les intégrales abéliennes, présenté par le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences à la séance du 30 octobre 1826, ne sera publié qu’en 1841. Encore, le manuscrit original en sera-t-il égaré en la circonstance par Libri. Rentré en Norvège et n’obtenant toujours que des fonctions de suppléant ou de « docent », Abel n’en continue pas moins ses travaux. Il va enfin être nommé à l’université de Berlin avec son émule Jacobi, lorsqu’il est emporté par la tuberculose. L’Académie des sciences de Paris partagera le grand prix de mathématiques pour 1830 entre la mère d’Abel et Jacobi.