Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cent Ans (guerre de) (suite)

Malgré les négociations de Guînes en avril 1354, malgré celles d’Avignon en 1355, il ne peut en effet mettre fin aux hostilités ; surtout, il ne peut empêcher le roi de Navarre, Charles le Mauvais, de se rapprocher du roi d’Angleterre, bien qu’il lui ait donné sa fille en mariage et qu’il lui ait cédé le comté de Beaumont-le-Roger et la majeure partie du Cotentin par le traité de Mantes en février 1354 : aussi doit-il l’arrêter au château de Rouen le 5 avril 1356. Cet acte provoque aussitôt une chevauchée d’Henri de Lancastre en Normandie, moins décisive que celle qu’entreprend en août le Prince Noir, Édouard, qui, à son terme, bat et fait prisonnier Jean II le Bon près de Poitiers le 19 septembre 1356. Après une ultime chevauchée qui mène Édouard III de Calais (oct. 1359) à Chartres (avr. 1360), celui-ci impose, le 24 octobre 1360, à son royal prisonnier transféré à Londres le traité de Brétigny-Calais, dont les clauses financières, trop lourdes, ne peuvent être exécutées par Jean II le Bon, qui retourne à Londres où il meurt prisonnier le 8 avril 1364.

Dégagé du lien de l’hommage qui le subordonnait au roi de France, Édouard III paraissait avoir atteint l’un des objectifs essentiels qu’il s’était assignés en 1337. Il ne semblait pas que la France pût les remettre en cause en raison de la très grave crise intérieure qu’elle traversa au lendemain de la défaite de Poitiers : révolution parisienne dirigée par Étienne Marcel et marquée par les assassinats des maréchaux de Champagne et de Normandie, le 22 février 1358 ; politique particulariste du roi de Navarre, Charles le Mauvais, libéré en novembre 1357 après avoir trouvé dès octobre 1356 aux états de langue d’oïl un habile porte-parole en la personne de Robert Le Coq, évêque de Laon ; soulèvement enfin des Jacques (paysans), qui, depuis mai 1358, se diffuse à partir du Beauvaisis vers la Picardie, le nord de l’Île-de-France et même la Champagne.

L’habileté méconnue du dauphin Charles, qui s’est réfugié à Compiègne où il tient de nouveaux états de langue d’oïl le 4 mai 1358, la crainte d’une remise en cause de l’ordre social, qui amène Charles le Mauvais à écraser les Jacques dès le 10 juin, le réflexe national des Parisiens, qui, le 31 juillet, assassinent Étienne Marcel, coupable d’avoir introduit des soldats anglais à Paris avec la complicité du roi de Navarre, tous ces faits facilitent le rétablissement de l’ordre monarchique.


La reconquête française (1360-1380) et ses prolongements (1380-1388)

Malgré l’inexpérience des premiers temps de sa régence (1356-1360), le dauphin Charles, devenu le roi Charles V en 1364, s’attache à réorganiser les finances, en tentant de rendre permanente la levée des impôts, en reconstituant une marine de guerre avec l’amiral Jean de Vienne et une armée avec l’aide et sous la direction de Bertrand du Guesclin, dont Olivier de Clisson poursuivra l’œuvre sous Charles VI.

Par les armes ou par la diplomatie, il s’attache d’abord à priver l’Angleterre de ses alliés sur le continent. Vainqueur à Cocherel du roi de Navarre Charles le Mauvais le 16 mai 1364, Bertrand du Guesclin débarrasse le royaume de France des Grandes Compagnies en les menant en Espagne, où elles sont d’abord vaincues à Najera le 3 août 1367 par Édouard d’Angleterre, allié au roi de Castille Pierre le Cruel, à son tour défait le 14 mai 1369 à Montiel par du Guesclin et par Henri de Trastamare, le demi-frère de ce souverain, qui devient lui-même aussitôt roi de Castille.

Charles V obtient par ailleurs le retour de la Bretagne dans la vassalité française (premier traité de Guérande du 12 avril 1365) et s’assure de la fidélité de la Flandre, dont l’héritière unique, Marguerite, épouse en 1369 le duc de Bourgogne, Philippe II le Hardi, frère de Charles V. Il achève ainsi de priver l’Angleterre de ses principaux alliés sur le continent à l’heure même où Édouard III reprend le titre de roi de France, le 3 juin 1369.

Ayant négligé, en effet, de faire procéder à la ratification des renonciations prévue par le traité de Brétigny-Calais de 1360, le roi d’Angleterre a laissé juridiquement la souveraineté de ses territoires continentaux au roi de France Charles V, qui s’en prévaut aussitôt pour recevoir les appels du comte Jean d’Armagnac et d’Arnaud Amanieu, sire d’Albert, le 30 juin et le 8 septembre 1368, et pour faire prendre par le parlement un arrêt confisquant pour la quatrième fois le fief continental du vassal anglais défaillant.

Promu connétable de France (2 oct. 1370), disposant de compagnies bien soldées et dotées de pièces d’artillerie, n’attaquant les positions adverses que par surprise et seulement lorsqu’il dispose d’une incontestable supériorité numérique locale, Bertrand du Guesclin surprend d’abord les Anglais à Pontvallain, puis à Bressuire en 1370, enfin parvient, en moins de quatre ans, à reconquérir leurs possessions continentales, ne leur laissant que le contrôle des trois ports de Calais, de Bordeaux et de Bayonne (1369-1374). Parallèlement, Jean IV de Montfort et Charles le Mauvais, ayant eu le tort de reprendre les armes contre leur souverain, perdaient respectivement le contrôle de la Bretagne (1373) et celui de la Normandie, à l’exception des ports de Brest (vendu aux Anglais en 1378) et de Cherbourg (1378), dont la possession permit aux Plantagenêts de compenser partiellement la défaite navale que leur avaient infligée les galères castillanes devant La Rochelle en septembre 1372, défaite qui leur avait fait perdre la maîtrise de la mer. En fait, quand les principaux protagonistes du conflit eurent disparu (le Prince Noir Édouard en juin 1376, Édouard III en juin 1377, Bertrand du Guesclin en juill. 1380 et Charles V en sept. 1380), la reconquête du royaume par les Valois était pratiquement achevée.

De trêve en trêve, la guerre se prolongea pourtant jusqu’en 1388, aucun des deux adversaires (Richard II [1377-1399] et Charles VI [1380-1422]) ne se résignant à traiter. Leurs forces s’affaiblissaient pourtant régulièrement du fait de nombreuses révoltes intérieures, qu’ils durent réprimer par la force et qui étaient en général provoquées par de trop lourdes impositions : celle des paysans anglais du Kent, dirigée par Wat Tyler en 1381 ; la Harelle de Rouen, en février 1382, ou l’insurrection de Maillotins à Paris, en mars suivant. À celles-ci s’ajoutent en France le banditisme des Tuchins du Languedoc et surtout le soulèvement des Gantois, désireux de se rapprocher économiquement de l’Angleterre, mais dont le chef, Filips Van Artevelde, est finalement vaincu par les armées de Charles VI à Rozebeke le 27 novembre 1382.