Cendrars (Blaise) (suite)
Entre deux voyages, entre deux aventures, il trouve le temps de produire une œuvre abondante, en grande partie autobiographique. « Je ne trempe pas ma plume dans un encrier, mais dans la vie. » Il rapporte, par souci de littérature, mais préoccupé de l’authenticité de son témoignage, ses voyages et ses expériences diverses, tellement hors de l’ordinaire qu’elles semblent le fruit d’une imagination intarissable. Mais c’est bien la vie dont il est toujours question dans l’œuvre de Cendrars : « Vivre est une action magique. Vivre. » C’est en cela que la vie est poésie et qu’elle devient naturellement poème, indissociable du poème inséparable de la vie.
Cet homme de mouvement, qui a pu dire « seule l’action libère », n’est cependant pas sans s’interroger sur le sens de cette activité constante qui n’est pas l’agitation d’un homme cherchant à s’y perdre. Au-delà des pays qu’il traverse, des gens qu’il rencontre, cet homme du « monde entier » cherche le « cœur du monde ». Il recherche la permanence de l’être par-delà toutes les différences qui le fascinent, mais qui ne le détournent pas de sa volonté de ne pas se laisser prendre par la « roue des choses », de trouver « la vérité de l’homme », « le sens véritable de la vie ». Étrange paradoxe, aussi, que ce « bourlingueur » prenne la plume. « Pourquoi j’écris ?... parce que », dit-il. Peut-être parce qu’il désire communiquer ses expériences et manifester encore par l’écriture son goût de la vie, que la vie ne suffit pas à satisfaire (l’Or, 1925 ; Moravagine, 1926 ; Rhum, 1930 ; l’Homme foudroyé, 1945 ; Bourlinguer, 1948 ; le Lotissement du ciel, 1949). La littérature n’est jamais pour lui qu’une aventure supplémentaire, qui a seulement l’inconvénient de le tenir enfermé dans une pièce.
Bien que Cendrars n’ait jamais appartenu à aucune école, il a marqué de son influence la vie littéraire de son époque, plus particulièrement lorsqu’il écrivit les Pâques à New York (1912) et la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913). On a pu dire qu’Apollinaire s’était inspiré de ce dernier poème pour corriger « Zone ». Quoi qu’il en soit, Cendrars a contribué à l’élaboration de cet « esprit nouveau des poètes » qui fait du poème, du roman, du récit un art d’écrire comme on parle.
M. B.
J. H. Levesque, Blaise Cendrars (Nouv. Revue critique, 1948). / L. Parrot, Blaise Cendrars (Seghers, 1948). / J. Buhler, Blaise Cendrars, l’homme et l’œuvre (Fischbacher, 1961). / Blaise Cendrars, 1867-1961 (Mercure de France, 1962). / J. C. Lovey, Situation de Blaise Cendrars (la Baconnière, Neuchâtel, 1965). / M. Poupon, Apollinaire et Cendrars (Lettres modernes, 1969). / A. T’Serstevens, l’Homme que fut Blaise Cendrars (Denoël, 1972).