Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Celtes (suite)

Les Celtes avaient non pas une unité ethnique véritable, mais une unité de civilisation. Ils peuvent avoir été ou dolichocéphales ou brachycéphales. On les reconnaissait à l’apparence qu’ils se donnaient volontairement — leurs cheveux teints ou décolorés avec du savon (une de leurs inventions), leurs braies, parfois leurs tatouages — et aussi par leurs langues, voisines les unes des autres et apparentées à celles d’Italie (groupe linguistique italo-celte). L’appartenance au groupe n’était pas toujours rigoureuse. Ainsi, les Belges étaient des Gaulois, tout en se disant peuple germanique. Les Goïdels qui envahirent l’Irlande, Celtes de civilisation, ne sont pas reconnus comme des Celtes. Il faut signaler enfin les dénominations de Celto-Ligures et de Celtibères, en usage chez les Anciens.


Origines et migrations

L’habitat primitif des Celtes se situe, au iie millénaire av. J.-C., dans la moitié sud de l’Allemagne occidentale, soit près des bouches du Rhin (Goïdels), soit plutôt sur le haut Danube. De là, leurs migrations les mènent dans diverses contrées, du moins si l’on se refuse à prendre en considération l’hypothèse récente de J. Graham Clark, qui conteste ces théories relatives aux mouvements migratoires, considérant que l’hypothèse de la migration n’est qu’une explication a posteriori d’une simple propagation d’influences civilisatrices, dues à des rapports commerciaux.

Le groupe des Goïdels, linguistiquement différencié, gagne les îles Britanniques dès le iie millénaire av. J.-C. Il y introduit la civilisation des round barrows, avec tombeaux et vases caractéristiques.

Au ier millénaire av. J.-C., des influences étrangères pénètrent le monde celte. L’invasion cimmérienne du viiie s. av. J.-C. lui fait connaître la métallurgie du fer, l’épée longue et une technique d’équitation perfectionnée. On peut penser qu’il en résulte la constitution d’une aristocratie de chevaliers. Alors commencent les grandes migrations à travers l’Europe continentale. Organisés en vastes tribus, ou peuples, les Celtes se déplacent vers des contrées plus méridionales, où ils trouvent des espaces peu peuplés. Parfois les tribus se dédoublent (Bituriges du Berry et Bituriges Vivisques du Vivarais) ; souvent elles s’entremêlent avec les populations antérieurement installées ou se les asservissent. Aucune coordination dans ces mouvements : les tribus sont strictement indépendantes, mais des motivations semblables doivent les mener dans des directions analogues. La poussée probable des peuples germaniques et les modifications climatiques les attirent vers les régions plus tempérées.

La Gaule septentrionale a été occupée très tôt : les infiltrations successives ont commencé avant 1000, et, dès les alentours de 900, certains sont allés jusqu’en Ibérie. Au vie s. av. J.-C., ces Gaulois sont en rapports commerciaux avec les Grecs de Provence par la vallée du Rhône. Au ve s. av. J.-C., la civilisation de La Tène (qui succède à celle de Hallstatt), typiquement celtique, se constitue dans la haute vallée du Rhône. Elle se caractérise par la fin des tumulus, qui avaient été édifiés en si grand nombre dans l’est de la Gaule, et par l’adoption de modes étrangères venant du sud : influence des Grecs, pénétrant aussi bien par le Danube que par Marseille, influence étrusque, influence iranienne. C’est qu’à cette époque correspond le grand étalement celtique en Europe.

En Gaule, le peuplement se précise dans la partie méridionale et occidentale, où Armoricains, Aquitains et Ligures ont dû résister. Au ive s. av. J.-C., à peu près aucune région de la Gaule n’échappe à l’invasion. Marseille est attaquée vers 400. Débarqués après les Goïdels, puis les Pictes et enfin les Bretons, les Belges contribuent à leur tour à la celtisation des îles Britanniques. La Bretagne française est l’objet d’une controverse : celtisée de nouveau par une invasion de Bretons insulaires au ve s. après J.-C., fut-elle ou non pénétrée profondément par l’ancienne vague ? À partir du vie s. av. J.-C., les Celtes se sont installés au cœur de la péninsule Ibérique, entre les Ibères et les Tartessiens, et plus ou moins mêlés à ceux-ci peut-être. Des Celtes de Gaule arrivés vers le ive s. av. J.-C. peuvent avoir donné naissance à ceux que les Anciens ont appelés Celtibères, dont il est difficile de dire si ce sont des Celtes mêlés d’Ibères ou seulement les Celtes d’Ibérie, à moins même que les Celtibères ne soient seulement des Ibères !

L’Europe centrale, elle, a dû être le lieu de combats entre Germains et Celtes. Le peuple des Boïens, au milieu du Ier millénaire av. J.-C., gagne la Bohême*, à laquelle il donne son nom et où se multiplient les oppida caractéristiques. Ces Boïens sont en relation commerciale avec la Gaule et même les Grecs de Marseille. Les Marcomans (Germains) les chassent à la fin du ier s. av. J.-C.

Le Norique est celtisé par les Taurisques, venus au iiie s. av. J.-C., puis par les Boïens, venus par la vallée du Tessin. Milan est leur plus ancien établissement, face à Bologne, fief des Étrusques, qui finit par céder sous leurs assauts répétés. À la fin du ive s. av. J.-C., les Celtes infligent sur l’Allia un désastre aux Romains et envahissent à plusieurs reprises le Latium. Leurs établissements de Cisalpine témoignent d’un enrichissement dû peut-être au butin procuré par leurs raids.

En effet, si l’expansion lente de la zone d’habitat celte se poursuit notamment vers l’est, où les Celtes finissent par gagner l’Asie (Galatie) après s’être installés sur les bords de la mer Noire et s’être fait arrêter en Thrace par Alexandre le Grand (335 av. J.-C.), sans compter leur installation sur les bords de la Vistule, l’occupation territoriale fait place, à partir des iiie-iie s., à de grandes chevauchées guerrières qui les emmènent à travers l’Italie ou la péninsule balkanique : après avoir terrorisé Rome, ils déferlent sur la Grèce et arrivent en masse jusqu’à Delphes (279 av. J.-C.), où, selon une interprétation récente des plus audacieuses, ils seraient venus dans un but religieux. Ils utilisent alors le char de guerre, qui est une de leurs originalités et dans lequel les chefs se font ensevelir. Malgré son éparpillement, la civilisation celtique garde son unité : de l’Irlande au pays galate, ce sont les mêmes bijoux stylisés, les mêmes armes, les mêmes festins pantagruéliques. L’art hellénistique, pour sa part, trouve dans le redoutable guerrier gaulois un heureux thème de sculpture. Mais ces Celtes sont dispersés, ces tribus sont indépendantes : il ne se constitue pas d’empire cohérent, et, pris entre la poussée germanique et celle de Rome, les Celtes sont destinés à se trouver, pour la plus grande partie, soumis à la domination romaine. L’histoire de la Gaule représente le principal chapitre du récit de leur soumission. Seule demeure libre une poussière de royaumes en Irlande.