Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cécité (suite)

Il faut savoir, cependant, que deux maladies représentent la principale cause de cécité dans le tiers monde et même dans le monde entier en raison du nombre d’individus atteints : le trachome (infection de la conjonctive et de la cornée due à un virus), qui rend aveugle à cause de ses graves altérations cornéennes ; l’onchocercose oculaire (parasitose de l’œil par un ver rond), qui entraîne des lésions rétiniennes irréversibles.

Aux États-Unis, par contre, c’est le diabète* qui est la principale cause (bien avant les accidents de la route), et il est prévisible qu’il en sera ainsi dans tous les pays développés.

Les yeux d’un aveugle atteint de cécité périphérique ont un aspect particulier : ils sont souvent révulsés, et ils sont parfois le siège de mouvements musculaires saccadés (nystagmus). Les pupilles sont en mydriase (dilatées) et ne réagissent pas à la lumière (abolition du réflexe photomoteur).


Cécités corticales

L’aveugle porteur d’une cécité corticale présente un tout autre aspect : les yeux ont une apparence normale, notamment les pupilles, qui réagissent normalement à la lumière en se contractant (myosis). L’intégrité du réflexe photomoteur est due au fait que les fibres pupillaires qui convoient le réflexe accompagnent bien les fibres visuelles mais s’en séparent avant leur arrivée dans le cortex occipital pour rejoindre la voie centripète de l’arc réflexe.

À la différence de l’aveugle périphérique, l’aveugle cortical présente très fréquemment des troubles de désorientation dans le temps et dans l’espace. L’aveugle périphérique acquiert rapidement un sens aigu de l’orientation, qui lui permet, dans une certaine mesure, de pallier la perte du sens visuel. L’aveugle cortical est souvent incapable de s’orienter dans la chambre où il habite depuis des années ou de trouver son verre toujours placé au même endroit, ou d’indiquer la direction de la voix qui parle. Si l’aveugle périphérique est dans le noir, l’aveugle cortical est dans le néant.

Les causes de cécité corticale sont nombreuses : les traumatismes crâniens, les troubles vasculaires cérébraux (ramollissements, hémorragies), les tumeurs cérébrales, les intoxications par l’oxyde de carbone ou par le plomb, les encéphalites.

La cécité corticale est un trouble en général transitoire ; ce trouble régresse le plus souvent pour laisser place à des diminutions du champ visuel (hémianopsies) qui peuvent être définitives.


Cécité psychique ou agnosie visuelle

Cette forme très particulière de trouble de la vision n’est pas une cécité véritable. Le sujet voit les objets, en décrit la forme, peut en identifier parfois la couleur, mais il ne peut les reconnaître. Seule l’intervention d’un autre sens (tact, ouïe) lui permet l’identification. Par la vue seule, il est incapable d’identifier une clé, une montre, et il lui arrive de ne pouvoir reconnaître son propre visage dans la glace ni celui de ses enfants.

La cécité psychique répond à une lésion de la région pariéto-occipitale de l’écorce cérébrale dans des zones circonscrivant l’aire visuelle véritable.

Ph. D.


Détermination légale et importance sociale de la cécité

Légalement, on considère comme aveugles non seulement les sujets atteints de cécité complète, mais aussi ceux dont l’acuité visuelle est très diminuée. Le taux d’acuité visuelle au-dessous duquel on est considéré comme aveugle est différent selon les pays. Ces variations dépendent en grande partie de facteurs socio-économiques.

En France, tout sujet dont l’acuité visuelle est égale ou inférieure à 1/20 est considéré comme aveugle. Il a droit à l’usage d’une canne blanche et, dans certains cas, à l’aide d’une tierce personne.

En Grande-Bretagne et aux États-Unis, l’acuité visuelle pour laquelle on est considéré comme aveugle est égale ou inférieure à 1/10, alors qu’en Allemagne elle doit être égale ou inférieure à 2/50 (1/25). La frontière entre les sujets réputés clairvoyants et les non-voyants n’étant pas la même dans les différents pays, il en résulte une difficulté d’appréciation du nombre exact des aveugles dans le monde.

Un fait, cependant, est certain : dans les pays industrialisés, la cécité diminue. En 1969, le nombre d’aveugles recensés en France (37 000) a été le plus bas depuis le début du siècle.

Les causes même de la cécité se modifient en raison du progrès de l’ophtalmologie et de l’élévation de l’âge moyen de la vie, d’une part, et en raison de l’accroissement du nombre des accidents oculaires, dus notamment au trafic automobile, d’autre part. C’est ainsi que les cécités acquises de l’adulte et du sujet âgé voient leur proportion augmenter par rapport aux cécités congénitales. Mais, quel que soit le type de la cécité, le problème fondamental pour tout aveugle est celui de son insertion dans la société.


Moyens d’insertion des aveugles dans la vie

Cette insertion sera facilitée grâce à des techniques qui se perfectionnent constamment, grâce à une éducation psychologique et à une formation professionnelle particulières.

• L’écriture Braille reste l’instrument de travail de base pour tout aveugle.

Son principe, dû à Louis Braille (1809-1852), est la représentation des lettres, des chiffres ou des signes par la combinaison de six points en relief qui se lisent avec la pulpe d’un doigt, l’index le plus souvent, sur les feuilles, cartons ou pages de livres.

Il existe de nombreuses bibliothèques Braille. Celle de l’Association Valentin Haüy (du nom du créateur de l’Institut national des jeunes aveugles, Valentin Haüy [1745-1822]) rassemble plus de 120 000 volumes. L’écriture Braille peut également être exécutée lettre par lettre par l’aveugle grâce à des machines spéciales.

• La machine à écrire et le magnétophone sont devenus des outils complémentaires indispensables.

De véritables bibliothèques sonores, ou magnétothèques, sont en pleine expansion grâce à différentes associations : l’Union des aveugles de guerre, l’Association Valentin Haüy, le Groupement des intellectuels aveugles et amblyopes.

• L’éducation psychologique et sociale permet à l’aveugle de s’adapter au monde dans lequel il est appelé à vivre.

Pour l’enfant, commencée dès le plus jeune âge sous forme d’éducation psychomotrice qui lui apprendra à se connaître lui-même et à se situer dans l’espace et le temps, elle se poursuit au cours de sa scolarité grâce à des éducateurs spécialisés.

Des centres spécialisés d’adaptation psychologique et sociale, créés par le Groupement des intellectuels aveugles, complètent cette formation enseignant en particulier la technique de la circulation indépendante des aveugles sur la voie publique pour permettre à ceux-ci de se dégager au maximum des contraintes qu’entraîne la cécité et d’assurer leur autonomie.

Pour les adultes aveugles récents a été créé à Marly-le-Roi un établissement spécialisé qui permet leur réadaptation psychologique et professionnelle.